Plutôt pâte à tartiner, ou cuisine du monde ?

Plutôt pâte à tartiner, ou cuisine du monde ?

Vous connaissez bien sûr cette fameuse pâte à tartiner, au goût si réputé ? Oui, vous savez bien, celle que vous avez étalée sur vos crêpes de la Chandeleur... cette pâte pour laquelle des gens sont capables de se battre, au supermarché, pour en avoir un pot pour quelques euros de moins. Cette pâte composée à plus de 50% de sucre, dont on sait l’effet sur le corps, et d’une bonne dose d’huile de palme, franchement mauvaise pour la planète aussi. Cette pâte dont pourtant la plupart d’entre nous se régale. C’est un aliment, n’ayons pas peur des mots, franchement addictif.

 Je compare souvent les réseaux sociaux et les moteurs de recherche à un grand rayon de pâte à tartiner. Parce que vous êtes étudiés, scrutés, interprétés par ces machines (oui, une machine logicielle reste une machine), elles vont au-devant de vos désirs et ne vous proposent que ce que vous aimez, ce que vous "likez", ce que vous partagez (l’équivalent virtuel de se sucer les doigts et de lécher le pot, si j’ose cette image...). Vous vous confortez donc dans vos opinions, puisque seules les informations qui vont dans le sens de ce que vous pensez vous sont proposées. Vous nagez donc dans une bulle de confort absolu, la bulle de l’endroit où vous avez raison. Et petit à petit, le reste du monde devient hostile, complotant contre vous.

 Évidemment, devant un rayon de pâte à tartiner, le rayon fruits et légumes ne vous attire guère. Des légumes... pas sucrés, pas attirants. Et en plus, il faut cuisiner ! Un effort qui ne résiste pas à l’appel du pot déjà tout prêt, énorme, la corne d’abondance de votre faiblesse... seulement voilà. Votre corps, votre cœur, et même votre cerveau ne s’en trouvent pas bien.

 Du point de vue de l’entreprise, quelle est la qualité la plus demandée ? Quelle est la qualité qui permettra d’être innovant pour nos clients, innovants dans la façon de résoudre les problèmes ? La créativité. Et qu’est-ce donc que la créativité sinon la capacité de confronter des idées différentes ? Qu’est-ce que la créativité sinon la capacité à prendre des points de vue différents ? Mais si nous nous contentons de plonger notre cuillère dans le même pot, si nous ne faisons pas l’effort d’essayer d’autres produits, de chercher des recettes différentes, de forger notre goût à d’autres saveurs, jamais nous ne sortirons de l’héritage du « on a toujours fait comme ça », du « les clients ont toujours aimé ça ».

 Un professeur d’une école d’ingénieurs me faisait remarquer un jour « les étudiants ne savent se servir d’internet. Quand je leur demande une recherche, la plupart se contentent de me servir le même article Wikipedia, plus ou moins recopié dans d’autres articles. Mais fort peu sont capables de chercher vraiment, de trouver des informations contradictoires. » Bien moins encore savent émettre des hypothèses et les tester. Mais sommes-nous différents? Sous la pression du temps, par paresse intellectuelle, par habitude, ne sommes-nous pas tentés souvent de nous contenter des informations qui nous confortent dans nos idées ?

Alors, pour nous, pour notre liberté de penser, par respect pour notre intelligence, et aussi pour nos clients, essayons autre chose. Essayons par exemple d’aller au moins à la troisième page quand Google répond à notre recherche. Essayons de confronter nos idées à celles de ceux qui pensent autrement. Essayons de développer notre esprit critique. Ne nous contentons pas d’un seul pot...

 

 

Fabrice PICHARD

Contrôleur de gestion expérimenté, 17 années d'expérience dans une industrie de process et formé au lean management.

5 ans

Pression du temps et peur des risques associés quand on ne peut s'appuyer sur des exemples. Les réseaux sociaux facilitent désormais les retours d'expériences, mais il reste ensuite la mise en œuvre avec souvent des appréhensions qui laissent le concept à son état originel...

Alexandre Darche

Partner - Ieva Partners - Helping companies thrive in complexity and uncertainty through fast cultural mutations

5 ans

Cécile, le mécanisme que vous décrivez m'a conduit à lire votre article, et bien sûr à en apprécier la teneur! A ce sujet, l'Obs a récemment publié un article mettant en évidence le rôle de l'enfermement cognitif créé par l'algorithme de hiérarchisation de Facebook sur l'évolution du mouvement des gilets jaunes. Je l'ai trouvé fort instructif. Mais au delà du plaidoyer pour le développement de l'esprit critique, que je partage, il me semble que le vrai obstacle est le système permettant aux opinions contradictoires de s'exprimer et surtout de converger vers une prise de décision. Un tel système nécessite entre autres d'accepter l'existence des tensions, la durée, l'incertitude, ce à quoi beaucoup sont également mal préparés, à commencer par un grand nombre de dirigeants

Cheikh mustapha M Sidina

Help to Create a solid foundation for your π : as (Performance Improvements) Unleash your system constraints, where employees can bring their A-game, optimizing manufacturing operations and projects for maximum success.

5 ans

Merci Maître Cecile Roche J’ai vu des commentaires qui met en évidence l’absence du fameux élixir ‘l’esprit critique’ critical thinking dans les programs d’études des apprenants que nous sommes toujours...qui se manifeste par une sorte de dialectique Hegel non productive parfois. Je ne suis pas sûr que les noms ci dessous Ont fait tel matière ou cours à l’école Geoffrey vickers Stafford beer Wright Forrester Il faudrait juste ne pas asphyxier la curiosité innée de l’être humain pour le savoir apprendre au gens qu’un cours ou même un parcours professionnel n’est qu’un reflet au sens de Platon dans sa formidable caverne, L’esprit critique ne s’apprend pas par de la méthodologie c’est son ‘dual’ en fait

Charles Alberge ⛩ Mr. Kaizen

Lean Management & Agilité 🇫🇷 Consultant - Coach - Fondateur

5 ans

Challenger le status quo, encore et toujours. Et à l’image du Petit Prince, faire l’explorateur et apprendre de ses découvertes !

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