Politiques publiques : 
Qu’est-ce qui marche vraiment ?
Crédit : iStock What Works Centres britanniques : quels enseignements pour des politiques fondées sur la preuve en France ?

Politiques publiques : Qu’est-ce qui marche vraiment ?

France Stratégie a cofinancé une étude de l’Agence nouvelles des solidarités actives (ANSA) sur les What Works Centres au Royaume-Uni. Publiée le 23 mars 2017, cette étude contribue à identifier les démarches pouvant renforcer le lien entre l’évaluation et les politiques publiques.

En France, on évalue encore peu l’efficacité des politiques publiques. Quand cela arrive, les résultats des évaluations sont rarement traduits en enseignements pour les politiques et les professionnels. C’est pourtant un enjeu démocratique majeur, qui questionne la capacité de l’action publique à tirer des conclusions pratiques de l’expertise et de la recherche pour mieux répondre aux besoins des citoyens. 

L’Ansa a publié le 23 mars What Works Centres britanniques : quels enseignements pour des politiques fondées sur la preuve en France ? Ce rapport, que France Stratégie a cofinancé, a pour objectif d’étudier l’expérience britannique des What Works Centres afin d’en tirer des préconisations adaptées au contexte français.

Les What Works Centres au Royaume-Uni

L’examen des objectifs qui ont présidé à la création de neuf What Works Centres au Royaume-Uni avec le soutien du Cabinet Office, et les missions qu’ils remplissent actuellement, mettent à jour trois grandes priorités : la promotion des évaluations d’impact des interventions et des dispositifs dans les domaines éducatif, de l’emploi, social et sanitaire ; la capitalisation et la diffusion de leurs enseignements ; l’accompagnement des professionnels et des décideurs publics locaux pour mieux s’en emparer.

Ce sont des structures indépendantes qui concentrent l’information sur les évaluations dans un domaine donné. Ces « guichets uniques » diffusent les enseignements des évaluations dans des formats ergonomiques, également par des évènements et des formations.

On compte neuf What Works Centres, dont huit ont été créés depuis 2011. Ils couvrent cnotamment la lutte contre les inégalités scolaires, la lutte contre les inégalités précoces de développement dans la petite enfance, le développement économique local ou encore l’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées.

Les What Works Centres font écho aux nouveaux défis de l'action publique en France

Les missions des What Works Centres rencontrent plusieurs des propositions et considérations des travaux de France Stratégie. Elles font écho à des évolutions de l’action publique.

L’efficacité et l’efficience des interventions publiques sont un enjeu majeur dans la plupart des grandes démocraties où un niveau élevé des dépenses publiques se conjugue à un certain désenchantement à l’égard des institutions et de l’action publique[1]. Cet état de l’opinion soutient une exigence d’évaluation. En France, un écart existe entre la situation de l’évaluation d’impact et l’intérêt dont elle fait l’objet. La démarche évaluative dominante demeure l’évaluation des « politiques publiques », qui porte principalement sur la pertinence, la cohérence et la mise en œuvre des politiques. L’utilité de cette démarche n’est pas contestée et ses apports sont indispensables. Mais elle doit être complétée par des évaluations d’impact, dont le nombre et la qualité demandent à être renforcés. Leur spécificité est de tester la relation de causalité entre un dispositif et les objectifs poursuivis, et de distinguer si une pratique a un effet mesurable pour ses bénéficiaires. France Stratégie a souhaité en faire mieux connaître les finalités et les méthodes dans Comment évaluer l’impact des politiques publiques ? Un guide à l’usage des décideurs et praticiens [2].

L’intérêt pour des démarches ou des structures orientées vers l’identification des dispositifs « qui fonctionnent » sur une problématique donnée est alimenté par d’autres facteurs de transformation de l’action publique. Les domaines investigués par les What Works Centres ne sont pas le fait du hasard. L’Etat social, historiquement assis sur des techniques d’assurance sociale, des mécanismes de transfert et des prestations monétaires, réoriente aujourd’hui ses interventions vers des services, des dispositifs d’accompagnement, des investissements dans l’éducation, la formation, également dans la préservation de la santé et l’autonomie des personnes. Cette nouvelle direction, parfois qualifiée de stratégie d’investissement social, s’opère en présence de nouveaux défis sociaux qui ont trait à la lutte contre les inégalités (inégalités précoces de développement, scolaires, entre les femmes et les hommes, de santé, etc.), à la lutte contre la pauvreté, le chômage et l’exclusion, ainsi qu’au vieillissement démographique. Cette évolution suppose de l’innovation, du foisonnement et de la complexité et elle fait apparaître une demande inédite d’identification des dispositifs « pertinents » et d’évaluation. Là où à un risque, l’on faisait correspondre une prestation et l’on évaluait l’effet par un taux de couverture et un effet sur le niveau de vie, se substitue des enjeux de personnalisation des services, d’évaluation d’impact, voire d'évaluation des rendements [3].

Les démarches et les structures d’inspiration What Works Centres doivent en outre être considérées dans un contexte d’action publique qui embrasse un ensemble plus vaste que l’État et ses démembrements, comprend les organismes sociaux et les collectivités territoriales, intègre l’échelon européen, et à laquelle contribuent les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Partenariale, décentralisée et déconcentrée, l’action publique a développé les marges de manœuvre de l’encadrement de proximité et des professionnels, établi un droit à l’expérimentation des collectivités territoriales, accru la part des financements sur projets. Ces transformations justifient des outils de mutualisation des connaissances, d’échanges des bonnes pratiques ou des interventions validées, d’interface qui faciliteront leur valorisation et leur capitalisation. L’État a vocation à jouer un rôle essentiel vis-à-vis de telles démarches ou structures relevant d’un intérêt commun [4]. Les modalités concrètes de mise en place ou en visibilité de telles démarches ou structures, le détail de leurs missions et de leurs leviers d’intervention, la nature du soutien que l’Etat pourrait leur apporter et l’implication des services ministériels demeurent toutefois à mieux investiguer.

France Stratégie et l’Ansa approfondiront la réflexion dans les prochains mois sur les démarches et structures à même de renforcer le lien entre l’évaluation et les politiques publiques en France.

Marine Boisson-Cohen

Téléchargez le rapport « What Works Centres britanniques : quels enseignements pour des politiques fondées sur la preuve en France ? »  sur notre site internet.

Le rapport a été rédigé par Caroline Allard et Ben Rickey, responsables de projet à l’Agence nouvelle des solidarités actives en partenariat avec France Stratégie, le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), Santé publique France, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

[1] Sur la crise de confiance dans les institutions, Jean Pisani-Ferry, Fabrice Lenglart, Daniel Agacinski, Gilles Bon-Maury (dir.), Lignes de faille. Une société à réunifier, France Stratégie, 2016.

[2] Rozenn Desplatz et Marc Ferracci, 2016 http://www.strategie.gouv.fr/publications/evaluer-limpact-politiques-publiques

[3] Marine Boisson-Cohen, Bruno Palier et al., L’investissement social : quelle stratégie pour la France ?, enseignements du séminaire partenarial CNAF-DGCS-France Stratégie-LIEPP, à paraître courant 2017. Egalement Arthur Heim, Peut-on estimer le rendement de l'investissement social ?, Note d’analyse, France Stratégie, 2017.

[4] Dominique Bureau et Marie-Cécile Naves (coord.), Quelle action publique pour demain ?, France Stratégie, 2015.

Laetitia Paris

Audit, Conseil et Formation / Secteur Santé, Pharma et Soins

7 ans

Pas plus tard que ce matin au sein du groupe SFE, nous avons penché sur le sujet. Travaux interessants sur l'évaluation du parcours de soins et son impact sur l'usager.

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