Pour la ligne, et pour nous.
Aujourd’hui, pour la 4ème année consécutive, nous avons vaincu le Mont des Cats et les 13 kilomètres 875 de sa « Course des As ».
C’est devenu une tradition chez les Putain de Nanas : chaque 2ème dimanche de juillet, nous nous retrouvons pour courir la « Panoramique », qui rassemble chaque année, plus de mille coureurs, prêts à s’affronter dans les Flandres.
Mais pour nous, le combat est ailleurs.
Peu importe le temps, peu importe le nombre de kilomètres. Tout ce qui compte, c’est de finir. Finir ensemble. Parce que cette course, c’est notre catharsis à nous. C’est notre moment hors du temps, celui où il n’y a pas besoin d’un ballon ovale pour se retrouver. Celui qui efface les épreuves passées pour sublimer l’instant présent. Pour se souvenir, qu’après le rugby, il reste ce que nous avons créé.
Alors, encore une fois, ce matin, nous nous sommes retrouvées, toutes affublées d’un t-shirt du LMRCV, différent selon sa génération respective. Moi, j’ai mis mon préféré. Le « Putain d’Alice », celui floqué du « 1 » et du « Dallery » dans le dos.
Le « Putain d’Alice », parce que c’est pour elle que tout à commencer, il y a 4 ans. Alice, parce que même après être montée sur le bouclier, il lui en fallait plus. Il fallait qu’elle se prouve, qu’elle nous prouve, qu’elle était capable. Alors, nous l’avons fait.
Dix mois après la mêlée écroulée, nous nous sommes élancées pour notre première « Pano ». Pour Alice bien sûr, mais aussi pour nous. Parce que chacune a ses raisons de courir. Chacune a ses raisons de repousser ses limites. C’est au fond de nous toutes, mais c’est si précieux de pouvoir le partager.
Il nous faudra presque deux heures pour achever la Pano 2016, quand les premiers passeront la ligne en moins de trois quarts d’heure. Mais notre bonheur est ailleurs. Il est dans nos yeux quand Alice passe la ligne d’arrivée, épuisée, mais debout, après avoir traversé bien plus d’embûches que celles des forêts du Mont.
Après la course, c’est barbecue. Il faut bien un air de troisième mi-temps à cet ersatz de match. Chaque année, nous migrons selon les participantes, chez Hélène, chez Alice, chez Aurélie. Tant que nous sommes ensemble. Il nous faut simplement un prétexte pour prolonger cet état qui nous envahit depuis le passage de la ligne.
Ce matin, tout était presque comme d’habitude.
Même trajet, même dossard, même plaisir de se retrouver. Presque. Parce qu’aujourd’hui, nous avons mené un nouveau combat toutes ensemble. Celui de Victor, notre plus fidèle supporter. Victor, lui aussi a connu ses embûches et ses chemins sinueux. Lui aussi avait besoin de son exutoire. Alors, nous lui avons fait découvrir le nôtre.
Il a fallu un peu de logistique mais finalement, nous sommes de nouveau sur cette ligne de départ, permis de joëlette en poche ! Victor est solidement harnaché au siège, et nous attendons avec impatience et grands éclats de rire le coup de revolver. C’est parti !
Il nous faut quelques minutes pour maîtriser l’engin, surtout en descente. Nous organisons des relais tous les kilomètres, sur ce parcours qui m’est désormais familier. Après 3 éditions, je reconnais le tracé, je sais quels sont les passages difficiles, je guette les ravitos et les recoins où sont installés les musiciens.
Et pourtant, ce matin, la course me semble différente. Comme si nous partagions encore plus à travers ce nouveau combat. J’aime nous observer autour de Victor. J’aime l’entendre rire quand nous manquons de le lâcher dans un virage ou quand il attrape une crampe au mollet. J’aime voir les filles se succéder à chaque poste de conduite, sans jamais lâcher : toutes ne connaissent pas bien Victor, mais chacune se donne sans compter pour le faire avancer. J’aime réaliser que nous recréons à nouveau et presque inconsciemment les conditions de l’ataraxie, par le simple fait de se battre ensemble. Le temps passe vite. Nous sommes déjà dans le dernier kilomètre. Nous affrontons sans ciller la dernière montée, la pire de toutes, qui ne nous résiste pas, et qui nous offre alors la dernière ligne droite de la course. Celle qui mène jusqu’à l’arche de l’arrivée. Celle que nous avons tant attendu.
Et si la fin est proche, il nous reste tout de même une promesse à tenir. A cinquante mètres de ligne, il n’y a plus de joëlette. Victor est debout. Nous le soutenons. Les dernières mètres, il va les faire en courant, avec nous. Nous allons toutes et tous passer la ligne, debout. Comme chaque année. Comme pour chaque combat. Épuisés mais debout.
C’est tout ce qui comptait ce matin. Ce matin, il n’y avait rien d’autre. Rien d’autre que nous. Rien d’autre que la ligne à franchir. Debout. Plus de maladie, d’épilepsie, de paralysie, de galères ou de chemins sinueux. Rien que nous et la ligne. Nous et le sentiment de se sentir vivre.
Je terminerai par les indispensables mercis.
Aux organisateurs de la course, tout d'abord, qui ont été merveilleux avec nous. A la mairie de Lille, qui nous a gentiment prêté notre bolide. A celles et ceux qui nous ont encouragé de loin ou sur le parcours (même si vous n'avez pas poussé!) .
Et puis évidemment, merci à toi Victor, pour ton sourire et ta détermination sans faille. Merci Alice, de nous faire dépasser les limites. Merci à vous toutes les filles d'avoir répondu "préjentes" pour ces quelques heures de bonheur.
A l'année prochaine.
Directeur de Projets informatiques
5 ansLa joëlette est une merveilleuse invention pour partager ces moments avec des personnes à mobilité réduite et voir leurs sourires. Merci pour le mot Ataraxie :-)
Directeur Supply Chain chez INTERSPORT FRANCE
5 ansLaura, on a dû se croiser... J'ai vu l'équipe mais je t'ai raté... Belle course et bravo pour l'initiative !!
Business Developer Applications Métiers chez Orange Business Services
5 ansTrès bel article et magnifique état d'esprit. Effectivement, comme vous le dites très bien "les limites existent seulement si tu le permets". BRAVO!