Pour la survie du modèle publicitaire, passons de la masse à l’atome !
« Redonner envie d'aimer la publicité »
La feuille de route, que s’est fixée en début d'année 2020 le nouveau président de la délégation publicité de l'AACC, pour faire face « à la défiance d’un large public et au désamour des jeunes », résume à elle seule la détresse dans laquelle se trouve tout un pan d'une profession. Car, qui « aime » encore vraiment la publicité aujourd'hui, à part les publicitaires eux-mêmes ?
Côté consommateur, la réponse est plutôt claire. La croissance du recours aux Adblockers (1/3 des utilisateurs français (1) ), les mouvements antipub, la hausse record des abonnements aux plateformes d'information et de divertissement sans publicité (2), ou encore les résultats de la récente Convention Citoyenne pour le Climat (3), annoncent clairement le niveau de défiance du grand public envers la publicité. Encore plus spécifiquement de la part des plus jeunes, qui la tiennent, notamment, pour responsable des dérives consuméristes passées et de leurs impacts.
La seule question qui mérite donc d'être posée aujourd’hui est : est-ce que les « annonceurs » aiment encore la publicité ?
Alors que nombre de dirigeants d'agence nous promettent un retour imminent de la « belle publicité » dans ce « nouveau monde post-crise » ; je me demande bien ce que peut être cette publicité, dont le seul qualificatif qu’on lui trouve est d’être « belle » ? Nous sommes fin 2020 et nous en sommes donc encore là…
Le « psychodrame » auquel nous avons assisté récemment à propos de la "cessation d’activité de l’entreprise CLM BBDO" comme un « totem tabou » auquel il ne fallait pas toucher ; montre à quel point tout un pan de la profession ressasse son passé glorieux, au lieu de se tourner définitivement vers l’avenir et de nouvelles manières de concevoir leur métier.
Les années Culture Pub sont pourtant effectivement bel et bien enterrées. La pub n'est plus un objet culturel pour les nouvelles générations. Nombre d'agences se trompent de combat, en se complaisant à entretenir ce « modèle culturel » auprès de leurs clients et de leurs équipes. Considérant bien trop souvent leur discipline comme une fin en soi. Oui, la publicité est faite pour faire adhérer, pour transformer les attitudes et les comportements, mais elle ne vit pas pour elle-même !
Pour se réinventer et aider les marques à affronter le « monde d’après », il me semble que nos métiers méritent bien mieux que de s’auto-considérer. En se focalisant sur leur finalité et leur efficacité. Et surtout, en embrassant pleinement comme un point de départ, et non de blocage, les nouveaux standards de communication, les nouveaux supports, les nouveaux formats, la fragmentation des cibles et des audiences, et les nouvelles possibilités technologiques.
Le marketing de masse est mort, la publicité de masse doit aussi disparaître
Pour se renouveler, repartir à la conquête de ses publics et de son efficacité, la publicité a besoin avant tout de laisser derrière elle une partie de son ADN et de ce qui cause en grande partie (mais pas uniquement) son rejet d’aujourd’hui.
La publicité traditionnelle s'est en effet développée au siècle dernier en répondant à une logique de marketing de masse. Des produits de masse standardisés, distribués largement, et que l’on promouvait grâce aux médias de masse. Le tout reposant sur le postulat que le marché était constitué d’une masse homogène.
Les publicitaires se sont alors mis à la recherche de l’insight consommateur unique, de la Unique Selling Proposition… pour s’adresser à cette « masse homogène ». Et donc à utiliser le même message pour toutes et tous.
Il est clair qu’on ne peut plus considérer cette approche de masse comme référente en 2020, si l’on cherche à éviter la défiance des personnes que l’on vise.
Chacun a ses raisons de croire et ses raisons d'acheter. On ne peut plus considérer les consommateurs comme un ensemble uniforme auquel s’adresser, qui plus est dans un monde où l’audience médiatique c’est extrêmement fragmenté.
Alors qu’une surexposition est devenue aujourd'hui inefficace et même contre-productive, on ne peut plus leur répéter toujours le même message et la même "raison d’acheter". Pour éviter cela, il faut désormais capitaliser sur l’innovation technologique et l’exploitation de la data. Les possibilités de ciblage et de personnalisation sont déjà immenses pour éviter le « banner burn out ». Elles vont l’être encore davantage avec l’arrivée de la publicité TV segmentée. Pour ceux qui s'y intéressent un tant soit peu, la technologie est désormais suffisamment mature pour permettre de diffuser au bon individu le bon message au bon moment.
L’ère de l’Atomic Advertising(4), pour passer du marketing de masse au marketing personnalisé
L’Atomic Advertising(4) consiste à diffuser, enchaîner et répéter des messages de manière unique à chacune et chacun, construisant ainsi une image individuelle de chaque marque, chaque proposition de valeur ou offre. L’occasion de présenter des messages et arguments propres à convaincre les individus, contrairement à une « approche de masse ».
Le sujet n’est plus la répétition des messages, mais bien au contraire, la répétition des contacts avec des messages différents.
Le cumul des messages permet de créer des constructions mentales plus complètes, et surtout adaptées à convaincre chacun, maximisant ainsi la transformation des attitudes et comportements sans nuire avec une répétition trop importante.
La dynamique d’Atomic Advertising repose, notamment, sur 4 intentions piliers :
- Personnaliser la création par rapport à la cible
- Personnaliser la création par rapport au contexte de diffusion
- Maîtriser la répétition (fréquence et diversité des messages)
- Penser les formats « digital first »
Il est temps de passer à une nouvelle ère où l’on considère la pluralité des individus, de leurs freins et motivations. Où l’on envisage les possibilités de ciblage et d’adaptation au contexte, et où l’on distribue des messages en conséquence. Une nouvelle ère où l’on prend en compte les formats digitaux et la réalité média de la diffusion des messages. Une époque où l’on intègre que le format long est aussi probablement désormais la déclinaison du court, et non plus l’inverse.
Il est temps de passer à l’Atomic Advertising.
Et tant pis pour le modèle culturel de masse de nos prédécesseurs !
(1) Etude eMarketer “Ad Blocking in France” 08/2018 – Etude eyeo/YouGov 08/2019
(2) 8,6 millions d’abonnés français à Netflix à l’été 2020 selon l’étude Comparitech, soit 30% d’augmentation en 6 mois. Disney a annoncé compter désormais 100 millions d’abonnés payants pour ses plateformes (Disney+, ESPN + et Hulu)
(3) Propositions de la convention citoyenne liées à l’objectif « Réguler la publicité pour réduire les incitations à la surconsommation » https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/objectif/reguler-la-publicite-pour-reduire-les-incitations-a-la-surconsommation/
(4) Nous avons choisi ici le terme « Atomic advertising », par analogie à « l’Atomic design ». Méthodologie de conception digitale où une page d’un site ou d’un applicatif, est composée d’un cumul d’ensemble de modules et éléments, qui peuvent être indépendants et utilisés pour d’autres pages et combinés avec d’autres de manière à créer des gabarits uniques. Ici la campagne est composée d’un ensemble de messages différents et propres à chaque cible atteinte.