Pourquoi et comment "nettoyer" son compte courant d'associé dans une SCI
Le compte courant d’associé (CCA) : une somme prêtée par l’associé à sa société qui constitue ainsi une dette de la société à l’égard de son associé.
La présence d’un tel CCA au sein d’une société et particulièrement d’une société civile immobilière (SCI) peut être embarrassant dans certains cas, tant pour des résidents fiscaux français que pour des non-résidents.
Son « nettoyage » pourrait alors s’avérer une bonne stratégie.
Pourquoi ?
(i) Le CCA monopolise les liquidités de l’associé :
La création d’un CCA signifie que l’associé a « converti » ses liquidités (souvent importante : le prix et les frais d’une acquisition immobilière par exemple) en une créance contre sa SCI.
Cette dernière sera bien incapable de rembourser une telle dette dans tous les cas fréquents en pratique où la SCI détient un bien « immobilier secondaire » sans aucun (ou très peu) revenu locatif.
Il en résulte une immobilisation de liquidités sans rémunération, car bien souvent il n’aura pas été prévu d’intérêts même si une telle stipulation est légalement possible sous certaines conditions.
(ii) Sa déductibilité IFI n’est plus ce qu’elle était (sous l’ISF) :
Autrefois sous l’ISF, le compte courant d’associé (CCA) était déductible de la valeur des parts de la société, mais déclarable en tant que créance dans le patrimoine de l’assujetti (pour les non-résidents uniquement depuis 2012).
Avec l’instauration de l’IFI (2018), le CCA n’est plus déclarable (car seuls les actifs immobiliers relèvent de l’IFI) mais malheureusement le CCA n’est plus aussi facilement déductible de la valeur des parts de la société…
En effet, il a été mis en place des dispositifs anti-abus qui empêcheront souvent en pratique de déduire un CCA. Mais il existe tout de même des exceptions lorsque le CCA n’a pas été constitué dans un but « principalement fiscal » ou s’il a été créé dans « des conditions normales ».
A ce titre, les anciens CCA (antérieur à 2018) échapperaient à cette notion : ils sont présumés avoir été constitués dans un objectif autre que celui relatif à la fiscalité IFI (idem pour les non-résidents concernant les CCA mis en place après 2012). Pour autant, cette présomption est sujette à l’appréciation de l’administration fiscale et suppose de pouvoir justifier l’existence réelle du CCA.
Attention cependant à la requalification de ces « anciens » CCA en prêt sans terme (un autre dispositif anti-abus) de telle sorte que si le CCA a plus de 20 ans, il ne pourrait plus être déductible car totalement amorti…
Pour les CCA post 2018, il est précisé (BOI-PAT-IFI-20-30-20 n°240) : « l’analyse du caractère principal de l’un des objectifs résulte d’une appréciation de fait tenant notamment compte du montant de l’économie d'impôt résultant de la minoration de l'assiette imposable à l'IFI rapporté à l’ensemble des gains ou avantages de toute nature obtenus du fait du montage. »
Il faut donc hiérarchiser les objectifs ; l’objectif fiscal deviendrait secondaire si l’objectif principal était par exemple au moment d’une acquisition immobilière de financer via un CCA pour éviter la lenteur des démarches bancaires et l’urgence de régulariser un achat en présence d’un marché immobilier volatil ou haussier.
(iii) C’est un actif successoral taxable par la France :
Rappelons que le compte courant est une créance déclarable dans le patrimoine d’un défunt (résident ou non-résident) selon notre droit fiscal interne (Art. 750 Ter Al 2 CGI) et sauf dispositions contraires d’une convention fiscale internationale en matière de succession.
L’idée que cette créance sera(it) difficilement décelable par l’administration fiscale lors de l’ouverture de la succession est une stratégie d’un temps révolu (Art. 0 CGI !)
Il faut tout de même noter que cet actif financier ne fait pas l’objet d’un réévaluation au moment du décès.
Ainsi le montant du CCA ne subit pas les fluctuations du marché immobilier ou d’un quelconque indice lié à l’inflation : son montant est celui de sa valeur nominale à condition toutefois de pouvoir justifier son existence réelle.
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Par ailleurs, en l’ignorant dans une transmission gratuite entre vifs (donation y compris en démembrement), elle peut cacher un actif encore taxable…
Comment ?
Tout comme les parts d’une société, le CCA peut faire l’objet d’une donation : il s’agira d’une donation de créance.
Elle subira une taxation aux droits de mutation à titre gratuit proportionnels, après application des abattements fiscaux selon le degré de parenté entre le donateur et le donataire.
Cette donation pourra être réalisée en pleine propriété ou avec réserve d’usufruit (création d’un quasi-usufruit).
Attention toutefois dans ce dernier cas aux transmissions au travers d’une donation-partage, puisque la réserve d’usufruit sur une somme d’argent fera perdre à la donation le caractère « cristallisateur » des évaluations pour la réunion fictive des libéralités et le calcul de la réserve, caractère pourtant fort appréciable dans ce type de transmission (Art. 1078 code civil).
Le CCA peut être cédé à un tiers ou à son ou ses héritiers : ce sera alors une cession de créance.
Cette cession est fiscalement intéressante puisque les droits de mutation proportionnel (5% en matière de société à prépondérance immobilière) sont inapplicables, seul un droit fixe est perçu (125 EUR).
Naturellement cette cession devra constater un réel paiement du prix, comptant ou à terme, au risque de voir l’opération requalifiée de donation déguisée.
Pour des non-résidents (cédant et cessionnaire) une cession intrafamiliale pourrait être précédée d’une donation de somme d’argent de liquidités hors de France, non taxable en France sauf abus de droit.
Pour éviter de traiter séparément d’une part la transmission (gratuite ou onéreuse) du CCA et d’autre part la transmission des titres, il peut être opportun de procéder à une augmentation de capital en intégrant la valeur du CCA dans le capital de la société.
Cette augmentation engendre des frais relativement faible et permet de réaliser un transfert de la totalité de la société (titres + CCA) en une seule fois.
La SCI peut obtenir d’un établissement bancaire (français ou étranger) l’octroi d’un crédit destiné à lui permettre de rembourser sa dette à l’égard de son associé, le CCA.
L’associé recouvre ainsi les liquidités qu’il avait avancées à sa société moyennant un taux d’intérêt de crédit actuellement historiquement bas.
La déductibilité IFI de ce passif bancaire en matière de refinancement de CCA n’est à ce jour pas totalement clarifié.
Selon BOI-PAT-IFI-20-40-10 n°170 : « Est déductible la dette résultant d’un rachat de prêt par un établissement bancaire lorsque la dette correspondant au prêt racheté était elle-même déductible. »
Pour autant, selon la doctrine, Il n’existe pas à ce jour de principe clair d’assimilation des refinancements à la situation de la dette d’acquisition d’origine.
Banquier Privé - Development & Wealth Planning Societe Générale Private Banking - SGPB
2 ansTrès bel article, très clair, merci pour ce partage
Conseillère Patrimoniale "Affinité"
2 ans#comptecourant#SCI#notaires#nonresident#fiscalité#fiscalitéinternationale Cher Maître, je vous remercie d'avoir abordé ce sujet complexe et "touchy", en le rendant compréhensible et accessible au plus grand nombre ! 👏
Expert patrimonial AxA , enseignant, et Diplômé Notaire
2 ansSacré article ! Passionnant et surtout très détaillé ! Merci 🙏🏼
Responsable de Secteur en Immobilier Patrimonial - Animateur
2 ansTop info top conseil clairement expliqué