Pourquoi laisser se dégrader nos «espaces-puits de carbone » ?

Le patrimoine forestier (et l’ensemble du patrimoine végétal et animal en zones de montagnes et de piémonts) sont aujourd’hui soumis à des dégradations continues, essentiellement d’origine humaine, surtout les incendies qui font disparaître des surfaces considérables de forêts, de maquis et d’arbres fruitiers et d’animaux. Les incendies constituent en effet le facteur de dégradation le plus ravageur de la forêt algérienne.

L’augmentation de la fréquence annuelle des feux de forêts se vérifie d’ailleurs depuis au moins 40 ans (1980 à 2020), par une tendance globale vers un dédoublement des incendies répertoriés qui atteignent un nombre annuel moyen de plus de 2.000 feux. Les superficies brulées comptabilisent, quant à elles, 35.500 hectares en moyenne annuelle. Ce chiffre reste d’ailleurs constant selon la tendance globale. Selon les spécialistes, en presque 20 ans (1985-2015), plus de 42.500 feux de forêts (soit environ 1.637 feux/an en moyenne) qui ont parcouru l’équivalent de 910.640 ha (soit en moyenne 35.025 ha/an). La superficie des maquis incendiés est évaluée à 6.542 hectares, soit 21% de la superficie totale. C’est donc une situation difficile à supporter compte tenu que les incendies de forêts sont et continuent à être importantes et désastreuses (prés de 400.000 ha de forêts brûlées depuis l'indépendance). Les pertes financières liées à la seule valeur commerciale du bois (et du liège) et à la lutte et à la restauration de la végétation, suite aux incendies, sont estimées à 26-31millions de dollars US, soit 2 à 2.5 milliards DA par an (d'après Meddour-Sahar Ouahiba et Meddour Rachid, in "Analyse des stratégies de gestion des incendies de forêts en Algérie, 2016. C’est aussi une situation  particulièrement grave - certes similaire en tout point de vue de ce qui se passe généralement au niveau des forêts méditerranéennes -, mais qui tend à bloquer toute initiative de reprise et/ou de réhabilitation des espaces forestiers.

Avec le changement climatique et la forte emprise humaine sur les maigres ressources des zones rurales, la situation s’est largement aggravée et le nombre de départ de feux a fortement augmenté ; les conséquences sont et seront alors autrement plus importantes. Aujourd’hui, avec une perte annuelle d’une superficie de l’ordre de 20 à 35.000 ha en moyenne par an, les forêts risquent de se dégrader davantage et disparaître à terme. Les conséquences socio-économiques d’une telle situation pourraient être catastrophiques pour l’équilibre écologique du milieu rural et particulièrement pour les populations riveraines des forêts.

Il y a eu certes des plans d’actions et même des plans stratégiques pour faire face à ce grand fléau. Il y a eu certes de grandes campagnes de reboisement et la mise en œuvre d’un Plan national de reboisement (PNR), ainsi que des dispositifs et des réglementations pour contrer ce fléau. Le travail fait par les forestiers au cours des deux dernières décennies est colossal vu les moyens dont ils disposent. Mais, à la fin, avec des résultats faibles et peu en rapport avec l’ampleur des dégâts. Les effets induits par cette catastrophe dépassent de loin les quelques actions prévues et le peu de moyens accordés.

On est donc face à des risques graves et à un enjeu stratégique, aussi bien écologique, économique, social que sécuritaire.

La prospective et l’engagement de moyens d’études et d’action à caractère stratégique est urgente !

Le peu de forêts qui existent et le peu de couvert végétal qui nous protège encore sont l’avenir de ce pays.

Même si la forêt et la steppe peuvent beaucoup craindre des changements climatiques en cours, il faut quand même signaler qu’elles constituent des « espaces-puits de carbone » utiles pour la prévention de l’effet de serre.

Il faut un véritable « Plan Marshall » pour les sauver !!

Z. Sahli

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