Pourquoi le management intermédiaire est-il si dur dans une petite entreprise ?
Vidar Nordli-Mathisen

Pourquoi le management intermédiaire est-il si dur dans une petite entreprise ?

Ceux d'entre nous qui ont occupé un poste de management dans une petite ou moyenne entreprise savent que c'est vraiment un défi. On rentre rarement chez soi en se disant "c'était une bonne journée, tout va bien". Même après de belles victoires, comme la réussite de grands projets ou l'obtention de grosses commandes, on est plutôt en mode "OK, ça c'est fait, maintenant la suite". Pas besoin d'exemples : quel que soit le secteur ou le poste, pour différentes raisons structurelles, ces jobs seront toujours difficiles.

Vous n'êtes pas juste un manager

Dans le passé, j'ai été engagé à un poste de direction dans une entreprise très technique... dans un domaine où mes connaissances étaient plutôt limitées. Ils pensaient que je serais l'homme de la situation et quand j'ai dit "mais mon manque d'expertise technique ne vous dérange pas ?", ils ont répondu "pas du tout, c'est seulement du management". Ce n'était pas seulement ça. Pendant des années, j'ai lutté contre ce problème, soit parce que mes collègues attendaient de moi que je les guide sur des questions techniques, soit parce que mes managers s'imaginaient, consciemment ou non, que parce que j'avais un diplôme d'ingénieur, je deviendrais un expert d'une façon ou d'une autre, soit tout simplement parce que je ne pouvais pas apporter de valeur ajoutée dans diverses situations puisque que j'étais incapable de réellement faire certaines choses (comme vérifier des plans, valider une conception, contribuer à une réunion technique ou inspecter des équipements).

Une petite entreprise ne peut pas se permettre d'avoir des managers qui ne font que du management, il faut avant tout vraiment savoir de quoi on parle, et de toute façon il y a des tâches à accomplir en plus du management. La notion de management "hands-off" est tout simplement absurde ici. Donc, si vous êtes un manager parfait, très bien, faites-ça rapidement et ensuite allez travailler. Aucun lien avec le syndrome de l'imposteur, c'est juste toutes ces choses que vous êtes censé faire en plus de votre travail.

Vous avez aussi réponse à tout

Et ça ne s'arrête pas à votre titre. Bien sûr, il y a un mot en plus de "responsable" : commercial, technique, fabrication, conception... Mais dans une petite entreprise, il y a beaucoup plus de casquettes que de têtes. Dans un grand groupe, la spécialisation va très loin, quelqu'un peut être en charge d'un aspect spécifique du marketing digital. Dans une organisation plus petite, il arrive que le responsable commercial s'occupe également du marketing, en totalité, quel que soit le sujet.

De nombreux managers intermédiaires commencent à comprendre leur métier en passant en revue des années d'erreurs, d'échecs et de souffrance

Ainsi, la seule diversité des problèmes auxquels vous devez faire face chaque jour peut vous mettre sous pression. Un de vos collègues peut arriver avec une question juridique. Ou avoir une crise psychologique. Ou vous transmettre un email bizarre d'un partenaire international. Et il n'y a personne sur qui se rabattre. Ce n'est pas qu'ils pensent que vous avez les réponses, c'est que vous êtes le patron et vous êtes censé savoir quoi faire.

Plus personne ne comprend le management

Aujourd'hui, ça ne devrait pas se passer comme ça. Le management devrait être simple car, d'une part, les ERP et les applis de communication ont automatisé la plupart des tâches de coordination et, d'autre part, la hiérarchie devrait céder la place à la subsidiarité. Chacun devrait être responsabilisé et la prise de décision déléguée, donc les managers devraient avoir le beurre et l'argent du beurre.

En réalité, dans les petites entreprises c'est le contraire qui se produit. Personne n'a la moindre idée de ce qu'est la transition vers la subsidiarité et de la manière de la mettre en œuvre (sans parler de son origine). La direction met la pression sur les managers intermédiaires et exige un engagement plus fort, aussi bien de leur part que de celle de leurs subordonnés. Ces derniers résistent et continuent à compter sur leurs managers pour tout ce dont ils ont besoin, refusant de s'approprier quoi que ce soit. Les cadres intermédiaires sont pris entre le marteau et l'enclume.

La plupart du temps, ils ne peuvent même pas identifier ces problèmes car ils n'ont pas ou peu de formation, initiale ou continue, en management. Beaucoup de petites entreprises recrutent les cadres par promotion interne et évitent les diplômés hors de prix. Elles veulent également qu'ils restent à leur bureau toute la journée, au lieu de perdre leur temps quelque part dans des réunions post-it. L'idée est que le management est une question de leadership et de personnalité ; la connaissance sur le management, c'est de la théorie pour couper les cheveux en quatre, juste bonne pour les grandes entreprises. De ce fait, de nombreux managers intermédiaires commencent à comprendre leur métier en passant en revue des années d'erreurs, d'échecs et de souffrance.

Vous êtes broyé par la stratégie et le terrain

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Les managers intermédiaires des petites organisations finissent par subir la pression de tout et être responsables de tout. Par exemple, une stratégie qui ne génère pas de croissance entraîne généralement des problèmes de productivité ou de compétitivité, qui compliquent considérablement le quotidien des managers intermédiaires (et on les en tient pour responsables). Si, au contraire, la stratégie génère de la croissance, les managers intermédiaires sont toujours en première ligne pour l'intégration, les investissements, l'anticipation, la formation, la planification, les seuils, etc.

Les managers intermédiaires ne peuvent donc survivre que si la direction fait du bon travail, mais ils ont alors une vie de fou. Pas surprenant, finalement, que beaucoup d'employés de petites entreprises refusent d'être promus et que les postes vacants soient difficiles à pourvoir par des candidats compétents.

Comme il faut finir sur une note positive, quel pourrait être le bon côté des choses ? Eh bien, ce qui précède suggère qu'il y a une belle opportunité de performance pour les petites entreprises. Aider les managers intermédiaires à faire leur travail pourrait faire des merveilles. Si les dirigeants pouvaient s'asseoir une minute et se mettre à la place de leurs cadres de terrain, ils pourraient trouver des moyens de résoudre beaucoup de choses 😏.

Article original en anglais

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Lionel PERON

Management de l'Innovation | Exploration et structuration de wicked problems | POC & Démonstrateurs | Proofmaking | Formateur | Entreprenariat avec une préférence pour l'impact | ESS

3 ans

Des situations vécues, des mots justes et l'évitement des généralisations jargonneuses : c'est un très bon article. J'espère que lui donneras une suite, en particulier à partir de ta conclusion, qui mérite des développements concrets. J'ai remarqué deux choses sur LinkedIn (notamment) : les articles les plus populaires (et partagés) sont plus relatifs aux modes managériales qu'à la compréhension de phénomènes plus complexes à appréhender. L'autre remarque, issue de 15 années de fréquentation de mes pairs en matière de choix de formation : une préférence pour le développement personnel, de très loin et très massivement supérieure à tout autre sujet (je peux bien sur objectiver cette affirmation). Je suis tenté de mettre ton article et mes deux remarques en résonnance...

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