Pourquoi tout n'est pas rose pour Octobre Rose ?
Octobre Rose, la campagne internationale de sensibilisation au cancer du sein, vise à prévenir et à informer sur cette maladie qui touche une femme sur huit en France. Bien qu’elle véhicule des messages d’espoir, elle est également sujette à des dérives. Entre la commercialisation de la cause, les difficultés d’accès aux soins et des messages parfois erronés concernant l’autopalpation, cette campagne de communication mérite une analyse approfondie.
1. Octobre Rose : Une campagne aux intentions louables, mais illusoires.
Communiquer sur le dépistage organisé du cancer du sein : un message égaré dans Octobre Rose
Octobre Rose n'est pas né d'une volonté publique, mais de l'initiative d'une fondatrice d'une entreprise de cosmétique et d'un journal féminin aux États-Unis. En 1985, la première campagne a été lancée par Evelyn Lauder, vice-présidente de la marque Estée Lauder, en collaboration avec le magazine Self . Ce partenariat entre le secteur privé et les médias a permis de donner une grande visibilité au cancer du sein, mais il soulève également des questions sur l'authenticité et la finalité des motivations derrière cette initiative.
Il est intéressant de noter que l' Assurance Maladie et le Ministère de la Santé ne s'inscrivent pas dans la campagne Octobre Rose sur leurs réseaux sociaux. Au lieu de cela, ils privilégient la communication autour de la journée mondiale de lutte contre le cancer du sein et des courriers d'invitation à effectuer une mammographie de dépistage. Cette distinction est révélatrice : elle souligne une divergence entre l'approche trop commerciale d'Octobre Rose et les véritables enjeux de santé publique.
Cette situation est sans doute au cœur du débat. D'un côté, Octobre Rose vise à sensibiliser le grand public à une maladie qui touche une femme sur huit, en utilisant des symboles forts comme le ruban rose et en incitant à la collecte de fonds pour la recherche. De l'autre, les institutions de santé mettent l'accent sur des messages plus pragmatiques, orientés vers l'importance du dépistage précoce, une pratique cruciale pour réduire la mortalité liée au cancer du sein.
Malgré l’importance du dépistage, moins d'une femme sur deux, dans la tranche d’âge cible (50 à 74 ans), réalise une mammographie tous les deux ans en France. Pourtant, ce dépistage organisé est remboursé à 100 % par l'Assurance Maladie, ce qui soulève la question des obstacles qui subsistent. Ceux-ci incluent la peur de l'acte médical, la peur du diagnostic, la disponibilité des créneaux, les inégalités géographiques et le manque de communication efficace. Ces barrières renforcent l’idée que la sensibilisation ne suffit pas à améliorer les pratiques de dépistage !
Octobre Rose est de plus en plus visible dans les médias, et pourtant, depuis 2012, de moins en moins de femmes âgées de 50 à 74 ans prennent rendez-vous pour réaliser une mammographie tous les deux ans. (80% des cancers du sein se développent après 50 ans).
2. L'autopalpation, le grand gagnant d'Octobre Rose : un geste aux limites trompeuses !
L’autopalpation, largement mise en avant durant Octobre Rose, n’est pas une méthode de dépistage fiable. Bien qu’elle puisse encourager les femmes à mieux connaître leur corps, elle ne remplace pas l’examen clinique annuel par un médecin. Des études montrent que l’autopalpation ne modifie ni le nombre de cancers détectés ni les taux de survie. Elle peut induire en erreur en rassurant faussement certaines femmes ou, au contraire, provoquer des consultations excessives pour des anomalies bénignes. Elle reste utile en complément des examens cliniques, mais ne doit pas être présentée comme une alternative. Le danger est que certaines femmes puissent retarder une visite médicale cruciale, pensant que l’autopalpation suffit, alors qu’en réalité, un suivi médical régulier est essentiel pour un diagnostic précoce et une meilleure prise en charge.
3. Octobre Rose : la désinformation sur les mammographies
Le dépistage du cancer du sein via une mammographie est parfois critiqué durant le mois d'octobre au profit de l'autopalpation en raison des risques de surdiagnostic ou de l'exposition aux rayons X. Toutefois, les études montrent que les avantages du dépistage l'emportent sur ces risques. Les risques de « cancers radio-induits » sont très faibles et essentiellement théoriques, tandis que la détection précoce permet d’améliorer considérablement les chances de guérison et de réduire la gravité des traitements.
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4. Dérives Commerciales d’Octobre Rose : la commercialisation d’une cause
La dérive commerciale autour d’Octobre Rose est manifeste. De nombreuses marques profitent de la campagne pour vendre des produits estampillés « rose », détournant ainsi l’attention des véritables enjeux de santé publique. Cette pratique, souvent dénoncée comme du « pinkwashing », permet à certaines entreprises d’améliorer leur image tout en apportant un soutien symbolique plutôt que concret à la lutte contre le cancer. Cette marchandisation nuit au message initial de solidarité, car elle transforme une cause sérieuse en opportunité marketing.
Le pinkwashing désigne l’exploitation de la cause du cancer du sein par des entreprises à des fins de gains d’image, sans engagement réel. Ces campagnes mettent en avant des produits rose sans que cela s’accompagne toujours de dons transparents et significatifs pour la recherche. Pire encore, certaines entreprises commercialisent des produits contenant des substances potentiellement cancérogènes tout en se présentant comme des alliées de la lutte contre le cancer. Ce phénomène érode la confiance du public envers la campagne et contribue à la dilution du message originel.
En effet, le message initial du dépistage organisé pour les femmes de 50 à 74 ans semble perdu au profit d'offres commerciales douteuses. Le port du ruban rose, devenu un symbole de soutien, peut parfois être perçu comme une démonstration superficielle de solidarité, éloignant ainsi du véritable engagement. Cette mobilisation autour d’un symbole visible occulte parfois l'importance des actions concrètes. Les influenceuses, par leur présence sur les réseaux sociaux, contribuent à véhiculer une image parfois trompeuse, où il serait presque à la mode d'avoir un cancer. Cette dynamique peut sembler glamour et détourner l'attention des enjeux réels, tout en augmentant leur nombre d'abonnés pour des placements de produits.
La couleur rose, censée apporter de l'espoir édulcore la dure réalité des traitements lourds des patientes. Le choix de cette couleur, souvent associé à la séduction et au romantisme, soulève des questions quant à la sexualisation du corps féminin. Dans le cadre du cancer du sein, cela peut donner une image séduisante qui masque la gravité de la maladie et ses conséquences sur la vie des femmes.
5. Octobre Rose : une évolution nécessaire vers les essentiels
Bien qu'il soit clair qu'Octobre Rose masque certains enjeux cruciaux, tels que l'accès au dépistage et aux soins, l'éducation insuffisante à la santé des enfants et des jeunes, ainsi que la lutte contre la désinformation, la question se pose : faut-il mettre fin à cette campagne ? Non, elle reste essentielle pour soutenir la recherche !
Cependant, qu'il s'agisse d'une collectivité, d'une association ou d'une entreprise, il est impératif d'évoluer dans notre approche du cancer du sein. Il est temps de recentrer la campagne sur des messages essentiels, clairs et concrets :
En recentrant la communication sur ces messages fondamentaux, nous continuerons non seulement à sensibiliser le public à l'importance du dépistage, mais aussi à favoriser un véritable engagement en faveur de la santé des femmes.
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Consultante en communication et Créatrice de contenus | 12 ans d'expertise au service des acteurs de santé, administrations publiques, collectivités et associations depuis Dinard en Bretagne.
2 moisQue pensez-vous des messages diffusés en octobre ? Avez-vous déjà réfléchi à leur impact ou leurs limites ? 🤔