[PREMIER EXTRAIT PRÉFACE - par Jocelyne Sauvard]

"Avec Désolé, Madame, Ezin Pierre Dognon crée la surprise.

Si l’on commence par la nouvelle qui a donné son titre au livre, Désolé, Madame, j’épouse mon portable, à la manière dont la description, les métaphores, les proverbes et expressions sont revisitées par son auteur, on pense qu’il est avant tout un humoriste.

Dans ce texte, un conteur fait vivre à son public une scène de la vie conjugale, et l’on est cueilli par la caractérisation du personnage « un artiste venu d’ailleurs, un comédien comme Dieu n’en fabriquait plus. ». La langue est neuve, un rien grinçante, les femmes y sont dessinées à traits vifs.

La spectatrice venue assister au spectacle prend place près d’ un « bambin de mauvaise cuite, qui vient chercher des poux sur son crâne de grand-mère ». Quoi de plus rafraîchissant que de ne pas se retrouver dans le politiquement correct ?

Aussitôt, par la voix du conteur, une femme vient se plaindre de l’attitude de son mari devenu absent, inattentif, captivé par un élément étranger au couple.

La première impression s’efface, en fait, pense-t-on, il ne s’agit pas de comédie mais d’un drame raconté avec lyrisme. La femme « a vidé ses orbites de ses eaux », car son mari « a invité une fourmi magnan dans le lit conjugal (…) au milieu des sillons du champ marital, il aurait planté une petite épine qui, en grandissant, commence à étouffer la récolte », déclenchant jalousie et représailles.

S’agit-il de polygamie ? S’interroge la famille, les spectateurs, la lectrice et le lecteur. Que non, quelques pages plus loin, voilà une modulation habile sur la thématique du portable, de l’addiction, du monde virtuel qui capte le mari, sollicité, sans cesse, par les trois mille amis que renferme la petite boîte.

Et Pierre Dognon nous emmène dans un autre champ, une interrogation sur la communication, laquelle fait partie de son domaine de compétence, de même que la médiation culturelle. Et de creuser le rapport homme femme. Peut-être est-il aussi un moraliste, avec un coup d’œil de sociologue ?"