Preneur d’entrepreneurs ? Pas si vite !
Publié le 19 février 2018 par Frank Gerritzen
Dans les années 1980 et 1990, il était beaucoup question d’intra-preneurs, une expression qui n’a pas passé le cap du 21ème siècle avec succès. Ceux que l’on définissait ainsi sont des personnes dotées des caractéristiques de l'entrepreneur mais qui les déploient au sein de la société qui les emploie.
Invité récemment chez l’un de nos clients pour discuter de la possibilité de recruter des entrepreneurs (la société est établie et renommée), cette expression m’est revenue à l’esprit. Et que d’eau a coulé sous les ponts: l’entrepreneurship est devenu à la mode, il n’y en a que pour les start-up dans les journaux, c’est le relais de croissance qui va sortir les économies mondiales de l’ornière (qui, soit dit en passant, n’en ont pas trop besoin en ce moment). Toute entreprise veut en être, se donner une image de dynamisme, de créativité et d’avant-gardisme. Alors est-ce bien réaliste de vouloir attirer (si l’on y arrive), puis recruter des entrepreneurs dans une société qui ne fonctionne pas si mal ?
Passons rapidement sur l’attractivité potentielle d’une entreprise établie pour des personnes à caractère entrepreneurial: on peut bien leur vendre le poste et la société et il n’est de loin pas exclu que quelques-unes mordent à l’hameçon. C’est la partie presque facile de l’exercice. Ce qui me semble beaucoup plus intéressant à débattre est l’adéquation de ces profils dans une organisation qui roule: qu’attend-on de ces personnes et est-ce réaliste de les imaginer chez vous ?
Qu’est-ce qui définit un entrepreneur ? Des évidences pour certains traits, d’autres aspects plus inattendus, un (ou une !) entrepreneur est: curieux, impatient, tourmenté, chercheur d’aventures, d’opportunités, d’apprentissages, ouvert à d’autres expériences, explorateur, en quête de savoir, démotivé par la hiérarchie et une chaîne de commande, initiateur de projets (donc mauvais repreneur de projet d’autres), pas routinier, pas particulièrement résistant au stress (mais l’ambiguïté n’est pas dérangeante), ou encore excellent vendeur de ce en quoi il croit.
La recherche a démontré que les traits de personnalité qui définissent un esprit entrepreneurial sont les suivants: une capacité à exceller dans l’incertitude et à s’accommoder du risque (sans le chercher); un désir passionné d’être à la base d’un projet et de le «posséder», d’être au centre du cercle (et non au-dessus !). Ces caractéristiques induisent une capacité à persuader hors du commun, même si les entrepreneurs ne sont pas ambitieux stricto sensu pour eux-mêmes mais pour leur projet.
Sans aucun doute vous vous dites: "j’en veux un (ou une) de ce modèle !". La réalité est qu’un tel profil induit autant de dangers de perturbation dans une organisation qu’il apporte d’énergie et de dynamisme. Il faut dès lors regarder son organisation à travers le prisme du réalisme. L’organisation est-elle structurée pour accueillir, laisser se déployer et supporter des électrons libres qui risquent de déstabiliser toute l’organisation ? Croyez-en mon expérience, c’est souvent du wishful thinking. C’est un peu comme si vous rêviez d’intégrer dans votre équipe de football de 4ème ligue un Messi ou autre Ronaldo: l’idée est bonne, mais l’équipe ne s’en portera pas forcément mieux. Et l’expérience risque bien de ne pas durer (sans compter les dégâts collatéraux).
Publié sur HR Today Blog, hrtoday.ch
Internal Auditor at Central Compensation Office CCO
7 ansTrès intéressant. Le problème d'adéquation entre le besoin de l'entreprise et le profil est souvent sous-évalué. Je penche dans votre sens, il n'y a pas selon moi de "one size fits all".