Presque 30 ans, presque sans-emploi, et célibataire sans enfant. Est-ce que j’ai raté ma vie ?

Presque 30 ans, presque sans-emploi, et célibataire sans enfant. Est-ce que j’ai raté ma vie ?

Ce titre, peu glorieux, certes, résume assez bien l’étape de vie dans laquelle une partie des milléniales se (re)trouve. Au carrefour de la trentaine, qui est arrivée avec une vitesse inattendue, se dressent, inébranlables les panneaux de signalisation plantés par la société, rappelant avec précision et détails tous les achèvements que ce nombre d’années devrait avoir conclu. Mais alors, si par une succession de choix délibérés, notre carrefour ouvre sur un panorama luxuriant, mais vide, car dépourvu de toutes les responsabilités et contraintes de la vie d’adulte ?

Ai-je raté ma vie ? Question certainement trop vite posée, mais somme toute légitime, voire existentielle, particulièrement à l’ère des réseaux sociaux. On a tous cet(te) ancien(ne) camarade de classe sur Facebook, qui nous tient régulièrement informés de sa nouvelle promotion dans une startup ultra innovante (ou celle de son époux/se), de son dernier enfant, sa nouvelle raison de vivre, de la maison qu’il/elle envisage d’acheter, de ses prochaines perspectives de voyage en famille… Pas besoin d’aller plus loin dans la description, vous la voyez, n’est-ce pas ? Et que l’on se comprenne bien, toutes choses sont belles à avoir, car elles égayent le quotidien, elles peuvent même rendre heureux durablement, puisqu’elles garantissent sécurité, stabilité, postérité et réussite sociale. Mais alors, que dire d’une vie qui n’en possède, pas ou alors pas en ces termes ?

Pour en revenir au titre, j’ai très sobrement fêté mes 29 ans au début de l’automne, sans tambour ni trompette, car c’était un fort moment de questionnements. À mi-chemin de ma vie, peut-être, de ma vie active, certainement, ai-je bien vécu cette moitié de vie ? Que veut dire bien vivre ? Et comment nomme-t-on son contraire ? Qu’y a-t-il de réellement important à ne surtout pas louper au cours de la prochaine moitié de vie ? Que reste-t-il à réaliser pour qu’en regardant en arrière, je puisse fièrement quantifier les ans et qualifier ma vie de « vie bien réussie » ? Qu’est-ce que la réussite ? La décade de la vingtaine à peine écoulée qu’il faut trouver des réponses à ces grandes questions.

Le « presque sans-emploi » de mon titre requiert quelques clarifications (attention, on est sur LinkedIn, il faut paraître responsable et occupé pour que votre profil soit attractif !). Je suis traductrice et cheffe de projets linguistiques, en free-lance. N’étant pas soumise au schéma traditionnel 9-17 h, je jouis d’une grande flexibilité d’horaires, qui me permet parfois de travailler toute la nuit, puis dormir toute la journée. Je garde souvent le pyjama, car mes clients n’ont jamais besoin de me voir, sauf lorsqu’ils se décident (enfin !) à régler mes honoraires. Je travaille peut-être plus que vous, si l’on considère que le temps que vous consacrez à vous rendre présentable au monde professionnel, ainsi que celui que vous passez dans les embouteillages, moi, je le consacre à différents projets. Je pourrai ici marquer une légère digression pour énumérer les avantages et inconvénients du télétravail, ou encore le peu de sécurité sociale de l’auto-emploi en Afrique. Mais passons au meilleur pour la fin.

Comment une femme dotée de tous ses attributs et de toutes ces facultés arrive-t-elle à la trentaine sans mari ni enfant ? Eh bien, la réponse est simple (au moins une interrogation résolue) : en reléguant systématiquement la question au second plan pendant la décade de la vingtaine. Les études et les voyages paraissaient beaucoup plus attractifs et urgents. À 26 ans, après les deux masters en poche, le mot « carrière » figurait dans toutes les phrases et dans tous les plans. Il me semblait urgent de construire une indépendance financière qui ferait vite oublier la vie étudiante. Le mariage semblait loin, et quelque peu inintéressant, car, me disais-je (et me dis encore) il m’enfermerait une vie monotone et me soumettrait à des responsabilités trop lourdes sur mes frêles épaules. Trois ans plus tard, peut-être est-ce le moment reclasser les priorités ?

Je ne possède pas de réponse à la plupart des questions que je me pose. Cependant, je suis arrivée à la conclusion que la vie est bien trop précieuse pour être gâchée à l’énumération des années que l’on, des choses que l’on possède, ou de celles que l’on n’a pas encore. Un beau mariage, de beaux enfants, un bon emploi restent de remarquables ornements qui rendent sans doute la vie plus agréable et plus heureuse. Mais leur absence peut tout autant donner le même résultat, si tant est-il qu’on accepte de changer de lunettes, de regarder au-delà des apparences, et voir d’autres choses que celles qui frappent au premier regard. « Être heureux ne signifie pas que tout est parfait. Cela signifie que vous décidez de regarder au-delà des imperfections », a postulé Aristote. Il ressort de cette affirmation que le bonheur, ça se décide. C’est accepter son sort sans s’y résigner. J’apprends chaque jour à vivre et à devenir meilleure : je m’initie à l’écriture, à la science de la spiritualité, et je redécouvre la littérature et les livres.

Je presse les citrons de la vie pour en faire de la limonade, à partager avec ceux qui se joindront à moi pour trinquer au soir de mes 30 ans. Rien n’est écrit dans la roche. La lucidité reste la plus lancinante des lames du quotidien, mais pour lui donner la répartie, l’imagination ouvre les portes vers un destin à composer selon ses propres règles.


Fatou N.

Community-manager

5 ans

Non du tout. Tu es une battante 

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