Professionnalisation : il y a de la place pour deux filières "professionnelle"​ et "technologique"​ à l’université (Adiut)

Professionnalisation : il y a de la place pour deux filières "professionnelle" et "technologique" à l’université (Adiut)

Par Catherine Buyck, le 03/12/2018 - Lire la dépêche en ligne

L’idée qui émerge d’une filière "professionnelle" à côté d’une filière "technologique" à l’université est "intéressante" : "il y a de la place pour les deux", déclare à AEF info le 29 novembre 2018 Laurent Gadessaud, vice-président porte-parole de l’Adiut. Il s’exprime dans le cadre de la concertation sur la professionnalisation dans l’enseignement supérieur court (1), au sein de laquelle l’Adiut défend un projet de DUT en 180 crédits ECTS avec grade de licence. Alors que se profile la dernière séance de concertation le 4 décembre, Laurent Gadessaud revient aussi sur les formats possibles pour la licence professionnelle, sur l’inquiétude exprimée par la Cdefi concernant les conséquences que l’évolution du DUT pourraient avoir en termes de recrutement d’étudiants pour les écoles d’ingénieur, sur la poursuite d’études et l’insertion professionnelle, etc.

AEF info : Quel bilan faites-vous à ce stade de la concertation professionnalisation dans l’enseignement supérieur court, alors que 5 séances se sont déroulées et que la dernière est prévue le 4 décembre ?

Laurent Gadessaud : Le réseau des IUT se félicite de la richesse des échanges au sein de cette concertation. Les représentants de l’Adiut et de l’Unpiut ont eu l’occasion d’y présenter le DUT en 180 crédits ECTS. Nous avons le sentiment que ce projet permet de répondre à une injonction contradictoire qu’on adresse aux IUT : insérer davantage de jeunes et continuer à alimenter des formations à bac+5. Bien sûr, tout nouveau projet suscite des questions, tant mieux. Prenons le temps de les aborder.

AEF info : Certaines grandes écoles, notamment par la voie de la Cdefi, expriment une inquiétude sur les conséquences qu’un DUT en 180 crédits ECTS pourrait avoir sur les étudiants qu’elles recrutent en 2e année (lire sur AEF info). Qu’en pensez-vous ?

Laurent Gadessaud : J’ai confiance dans la capacité des acteurs à évoluer au bénéfice des étudiants. L’ADN des IUT, c’est bien sûr la professionnalisation. Parallèlement, par son approche pédagogique centrée sur la technologie, le DUT permet aussi d’amener des jeunes à des diplômes de niveau bac+5. Et cela, il ne faut pas y mettre fin. Si nous parvenons à une meilleure co-construction avec les formations menant à des diplômes de niveau bac+5, il n’y aura pas d’inquiétude à avoir sur la capacité de nos jeunes diplômés à intégrer ces formations bac+5.

J’insiste sur un point : l’idée n’est évidemment pas de "diluer" l’actuelle formation en DUT sur un temps plus long, ce qui conduirait en quelque sorte à baisser le niveau, mais bien de construire un nouveau diplôme permettant à la fois de donner plus de temps à certains publics qui en ont besoin, de répondre à la nécessaire montée en compétences des cadres intermédiaires et d’apporter les connaissances et compétences aux jeunes souhaitant poursuivre des études.

AEF info : Nombre d’acteurs de la concertation ont témoigné leur attachement à la licence professionnelle. Aujourd’hui, comment l’Adiut voit-elle ce diplôme ?

Laurent Gadessaud : La majorité des formations menant aux LP sont portées par les IUT : une éventuelle intégration de ces LP dans le futur DUT est tout à fait envisageable… Au sein de la concertation, la question se pose de porter la durée de formation à la LP de 1 an actuellement à 2 ou 3 ans. On voit aussi se profiler une réflexion sur l’articulation BTS-LP et sur l’émergence d’"une filière professionnelle", à côté d’une filière "technologique" ayant vocation à être portée, elle, par les IUT.

Cette voie professionnelle à l’université naîtra-t-elle ou pas ? Ce n’est pas à nous de le dire. Mais nous trouvons cette idée intéressante. Il y a de la place pour les deux. Les LP seraient dans une logique de spécialisation sur un métier, les DUT dans une logique de "famille de métiers" englobant plusieurs métiers. En tout état cause, il est primordial de prévoir des passerelles, entrantes et sortantes, entre ces deux filières ainsi qu’avec la filière générale.

AEF info : Mais dans ce schéma, les IUT ne seraient-ils pas moins professionnalisants que les licences professionnelles ?

Laurent Gadessaud : N’opposons pas ces logiques, toutes les deux nécessaires et, encore une fois l’ADN des IUT, c’est de professionnaliser. La voie professionnelle a toute sa place pour accueillir des publics plus fragiles et proposer une spécialisation plus poussée. De son côté, la voie technologique doit former davantage de jeunes sur des emplois de cadres intermédiaires, dont ont besoin les employeurs, comme l’a d’ailleurs confirmé une étude du Cereq présentée lors de cette concertation. Mais le niveau de compétences requis sur ces emplois a augmenté, les entreprises veulent des profils capables d’évoluer. Le bon niveau pour former à cela, c’est 180 crédits ECTS.

AEF info : Les IUT doivent former davantage de jeunes sur le marché de l’emploi des cadres intermédiaires, dit-on. Dans votre idée, à quoi serait due cette augmentation ? À une augmentation du nombre de bacheliers à l’entrée des IUT (plus d’entrées, donc plus de sorties en "valeur absolue") ? Ou à une moindre "proportion" de diplômés de DUT poursuivant leurs études ?

Laurent Gadessaud : Aux deux. Mais d’abord, remarquons que l’on ne peut pas comparer la poursuite d’études après un DUT tel qu’il existe aujourd’hui et celle après un DUT en 180 crédits ECTS. En effet, nous parlons de niveaux de diplômes différents. Travailler sur une pédagogie rénovée permettra d’augmenter la réussite en DUT, notamment celle des bacheliers technologiques, et accroître les capacités d’accueil en IUT – ce qui est en réflexion – conduiront à mettre plus de jeunes sur le marché de l’emploi. Il était devenu nécessaire de rééquilibrer les flux : le balancier penche aujourd’hui trop du côté de la poursuite d’études (plus de 90 % globalement). Tablons aussi qu’une fois que les flux auront commencé à se modifier, de nouvelles trajectoires "d’exemplarité" seront plus visibles et amèneront les jeunes à mieux réfléchir au choix entre "insertion immédiate et poursuite d’études".

AEF info : La poursuite d’études n’est-elle pas une inquiétude dans le réseau des IUT ? Plusieurs motions votées fin 2017 par les ACD (Assemblées des chefs de départements) demandaient explicitement que soit préservée la possibilité de poursuivre des études (lire sur AEF info).

Laurent Gadessaud : Il n’a jamais été question de supprimer la poursuite d’études… Après un gros travail d’explication, tous les collègues ont aujourd’hui bien compris l’intérêt du projet. Nous entendons la demande de poursuite d’études. Le DUT en 180 crédits ECTS peut permettre de tenir les "deux bouts de la corde" : insérer davantage et permettre une poursuite d’études pour les étudiants qui en ont le projet. La société survalorise le schéma de poursuite d’études jusqu’à bac+5, faisant de cela une finalité en soi. Au contraire, ce choix doit être davantage construit.

Par ailleurs, la FTLV, la VAE et la formation en alternance (lire sur AEF info) gagneraient à être développées. À nous, par exemple, de garantir qu’un jeune qui irait sur le marché du travail après un DUT soit assuré de pouvoir reprendre ses études ou obtenir un diplôme plus tard en tant que salarié. Dans le même temps, il faut aussi bien sûr développer les passerelles entrantes et sortantes, ce qu’a voté l’Adiut, afin de permettre la fluidité des parcours.

AEF info : Globalement sur les 24 spécialités de DUT, quels pourraient être le taux de poursuite d’études et celui d’insertion du futur DUT, 50-50 ?

Laurent Gadessaud : Ce jalon est une bonne base pour réfléchir avec nos partenaires, c’est celui que nous avions avancé dans une note de cadrage du futur DUT (lire sur AEF info).

AEF info : Lors de cette concertation, que vous ont dit les entreprises ? Le niveau bac+2 ne leur convient-il finalement pas mal ?

Laurent Gadessaud : Je suis persuadé que notre projet de DUT en 180 crédits ECTS répond parfaitement aux souhaits exprimés par les entreprises d’une nécessaire montée en compétences et en qualification des cadres intermédiaires. L’une des vertus de cette concertation, c’est qu’elle nous permet d’expliquer notre projet – sans doute mal connu - aux organisations nationales, Medef et CPME. Elles se positionneront de manière formelle le moment venu. En attendant, prenons le temps d’échanger avec elles. Sur les territoires, nous travaillons depuis toujours de très près avec leurs adhérents, notamment par l’intermédiaire de l’Unpiut.

(1) Ouverte par Frédérique Vidal, cette concertation est co-présidée par François Germinet, président de la commission formation et insertion professionnelle de la CPU, et par Rodolphe Dalle, président de l'Adiut.

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