Leclerc avait surpris son monde à l'automne 2015 avec des campagnes promo spectaculaires, qui ont drainé les clients dans ses magasins. Cette année, pour ne pas se faire dépasser, les enseignes vont s'affronter à coups de répliques sanglantes…

Alors que la torpeur estivale s'installe, en coulisses, la fébrilité monte. Les rotatives vont tourner à plein régime pour imprimer les prospectus et les distributeurs sont anxieux de découvrir les offres qui seront proposées par leurs concurrents.

Chez Carrefour, on appelle ça le "gagné-perdu" : un rituel qui consiste à comptabiliser, prospectus contre prospectus, le nombre de matchs de prix emportés ou non contre Leclerc. Et à l'automne 2015, les victoires n'étaient pas nombreuses… Les défaites, elles, ont été reprochées aux fournisseurs comme autant de "déclarations de guerre". Ambiance.

Un client sur deux ne fréquentait aucun autre magasin

De fin septembre à fin octobre 2015, Leclerc avait déroulé ses "super pouvoirs d'achat". Cinq semaines pendant lesquelles l'enseigne a vu sa part de marché bondir de 2,2 points, selon Kantar Worldpanel. Tout sauf une paille.

Toujours selon le panéliste, durant cette période, Leclerc a séduit les clients comme jamais. Ils étaient presque 10% de plus à fréquenter l'enseigne durant l'opération, et, surtout, un sur deux n'est allé dans aucun autre magasin sur la période. Principales victimes des "super pouvoirs d'achat" de Leclerc ? Intermarché, Auchan et Carrefour.

Bref, l'opération anniversaire 2015 de Leclerc restera comme un modèle du genre. Elle cumulait pour elle plusieurs atouts, souvent inédits pour l'enseigne. "D'abord, ses offres percutantes, décode Pierre Denis, le président de Retail Explorer (qui compile les offres prospectus et drive des enseignes). Des prix spectaculaires, mieux-disants que la concurrence, soigneusement mis en scène avec des sélections de quatre produits seulement par page. Leclerc a fait la démonstration qu'il pouvait frapper fort avec des prospectus proposant moins de références que les autres."

"L'affrontement s'est déplacé sur le terrain de la promotion"

Second atout identifié par le spécialiste : des petits prix faciaux. "Sur les cinq semaines d'opération, les deux tiers des produits en promotion s'affichaient à moins de deux euros", pointe Pierre Denis, qui salue également la créativité de l'opération (les "super héros" qui donnaient corps à l'événement).

"La guerre des prix en fond de rayon s'est muée en guerre de positions, poursuit l'observateur. Les évolutions récentes sont essentiellement marginales. L'affrontement s'est déplacé sur le terrain de la promotion et c'est Leclerc, en septembre dernier, qui a donné le coup d'envoi. Alors qu'il avait toujours fait du prix fond de rayon sa ligne de force, il a accentué sa pression promotionnelle de 25% depuis l'automne."

Carrefour a déjà promis, à demi-mot, qu'il ne se laisserait plus surprendre cette année. "Nous avons pris bonne note de ce qui s'est passé l'an dernier, avait admis au printemps Pierre-Jean Sivignon, le directeur financier du groupe (faisant allusion, sans la citer, à l'offensive promotionnelle de Leclerc). Nous avons commencé à réagir et nous y travaillerons encore plus à l'avenir."

La nouvelle stratégie d'Auchan

Même réaction du côté d'Auchan, qui a revu sa copie promotionnelle cette année. Le distributeur a ainsi prévu, semble-t-il, de réduire la voilure cet automne sur le nombre de produits en promotion, pour mieux se concentrer sur quelques marques stars à prix canon. Bref, une reproduction de la stratégie qui avait réussi à Leclerc.

Il faut donc s'attendre à une sacrée foire d'empoigne autour des blockbusters de la grande consommation, dès la fin septembre, dans les opérations anniversaire des enseignes. Le rendez-vous était déjà très attendu chaque année, mais la tension va monter encore de plusieurs crans en 2016. "On va assister à un étripage en règle", résume, laconique, Pierre Denis.