Promotion des commerciaux au siège : un challenge à ne pas sous-estimer

Illustration tirée de « La Maison du Bonheur » de Voutch

Parmi les préoccupations de nombreux commerciaux terrain figurent les perspectives d’évolution. Tous n’aspirent pas à évoluer, mais pour ceux qui le souhaitent, un poste de management régional dans les ventes reste la perspective la plus courante – même si, avec un taux d’encadrement de l’ordre de 1 pour 7 à 10 dans la visite médicale, il y a forcément plus d’appelés que d’élus.

Une évolution plus rare mais très valorisée à juste titre dans les entreprises est la prise d’un poste au siège, où ils apporteront leur connaissance du terrain et du client. Si les possibilités sont peu nombreuses, les postes peuvent être variés, suivant le profil du commercial : chef de produit, chargé d’études de marché, responsable service client, gestionnaire Grands Comptes/marchés, responsable ressources humaines, ou Directeur des ventes pour les managers régionaux.

Un virage risqué

Si les success stories sont nombreuses et souvent mises en avant, j’ai pu observer que les échecs ne sont pas rares. Et ils sont la plupart du temps moins imputables à des insuffisances « techniques » qu’à un manque d’anticipation des difficultés inhérentes à ce type d'évolutions : perte de liberté dans l’organisation de son temps, adaptation au travail en bureau, déménagement vers des métropoles urbaines avec impact sur la qualité de vie et sur le pouvoir d’achat (et impact professionnel potentiel pour le conjoint), ou vie à l’hôtel pendant la semaine, perte du véhicule de fonction et d’une partie des primes (malgré une compensation partielle sur le salaire fixe), etc… 

Ces sacrifices sont connus et bien sûr acceptés au départ dans leur principe. Mais ils remontent à la surface quand l’appelé est confronté à la jungle du siège, avec ses codes inconnus. Par exemple, le nouvel arrivant va découvrir qu’il ne doit pas toujours dire ce qu’il pense (même quand on l’interroge pour avoir l’avis « du terrain »), que quelqu'un peut se vexer durablement parce qu’il ne l’a pas mis en copie d’un mail, qu’il faut savoir nouer des alliances pour faire avancer ses idées ; par ailleurs, il ne connait pas certaines fonctions de l’entreprise (juridique, affaires réglementaires ou publiques, finance, communication) avec lesquelles il n’était pas en contact directement, et qui ne manqueront pas de le rappeler à l’ordre au moindre manquement aux règles ou usages.

Ces écueils, les personnes opérant au siège de longue date ont du mal à les anticiper tant ils les ont intégrés depuis longtemps dans leur mode de fonctionnement. Pour ceux qui en sont conscients, ils peuvent considérer que c'est à chacun de s'adapter et que c'est une forme de bizutage.

Le choc peut être important pour le promu, quand il était considéré comme un des meilleurs sur le terrain, qu’il était associé à tous les groupes de travail au siège et qu’il se retrouve subitement considéré comme le « cousin de province », touchant de naïveté, qu’on aime sonder pour savoir « ce qu’en pensera le terrain » mais qui apparait décalé par rapport au mode de fonctionnement dominant.


Comment réussir cette mutation délicate ?

Il est fondamental aussi bien pour le promu que pour l’entreprise que cette évolution se passe bien :

-         enjeu fort pour le commercial, pour lequel cette promotion représente souvent la réalisation d’un des buts de sa carrière,

-         mais aussi pour l’entreprise, pour l’exemplarité et pour donner aux autres une perspective : les autres commerciaux peuvent être échaudés par des expériences malheureuses de leurs collègues.

Une bonne intégration passe par la prise de conscience de part et d’autre que cette étape n’est pas une formalité et doit vraiment être accompagnée :

-         Au moment de la nomination, en dehors du fait que l’intéressé est un très bon commercial et exprime le souhait de venir au siège, s’assurer que les conditions d’une bonne intégration sont réunies : aptitudes pour le poste, bien sûr, mais aussi vie personnelle, capacité à travailler en équipe, adaptabilité.

-         Un circuit d’intégration pour rencontrer les interlocuteurs-clé avec lesquels il va travailler doit être préparé et suivi par le manager et les Ressources Humaines : c’est souvent le cas aujourd’hui mais, dans les faits, les rendez-vous se réduisent parfois à quelques minutes, ou sont annulés, les interlocuteurs n’étant pas assez sensibilisés à leur importance, et/ou le nouvel arrivant doit rapidement donner la priorité à ses nouvelles fonctions. Or, outre l’importance de ce 1er contact sur le plan relationnel, il est avéré que certaines informations qui ne sont pas échangées à cette occasion ne le sont plus par la suite, ou des mois après, au fur et à mesure que les difficultés surgissent.

-         La nomination d’un parrain au siège, choisi hors hiérarchie, est aussi un élément fondamental pour que le nouvel arrivant puisse parler de ses difficultés et demander conseil en toute confiance, sans crainte de jugement, ni de « représailles ».


Ces changements représentent donc une prise de risque à la fois pour l’intéressé et pour l’entreprise, risque qu’il faut s’employer à réduire. Mais une fois ces précautions prises, il faut bien sûr encourager et soutenir ces évolutions, qui sont tout sauf des choix de confort. En France, on a souvent tendance à préférer « ceux qui auraient pu s’ils avaient voulu » à ceux qui prennent le risque de relever les défis : il suffit de voir le cas récent de Nicolas Hulot, ou, plus généralement, des hommes politiques dont la côte est au plus haut quand ils ne sont pas aux affaires. Alors donnons toutes ses chances à l’audace !  

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