Propulsion hybride : oui, mais pour qui?
On parle de plus en plus de navires hybrides pour "décarboner le shipping" ou diminuer les émissions de GES et ces efforts vont dans le bon sens. On ne peut pas nier que le transport maritime reste polluant par le volume de combustible utilisé et que toutes les initiatives et nouvelles technologies qui visent à réduire cette pollution doivent être étudiées et appliquées si elles sont viables.
L'hybridité de la propulsion utilise donc une combinaison de moteurs Diesel traditionnels et de packs de batteries plus ou moins puissants. Que le pack de batteries retourne l'énergie stockée au réseau via un onduleur ou pour alimenter directement un moteur électrique ne change pas la donnée principale : comment charger ces batteries et où se trouvent l'économie (si elle existe) et la vertu écologique?
La récupération de l'énergie de freinage constitue une énergie gratuite si elle n'est pas dissipée mais ne peut s'appliquer que sur des navires qui en génèrent en quantité suffisante : navires équipés de compensateurs de houle, freinage de grue ou de treuil d'abandon, pose de pipe-line, etc... L'énergie récupérée lors de ces cycles de freinage peut alors être stockée et utilisée au cycle suivant ou renvoyée au réseau. Mais cela concerne assez peu de navires et suppose que le système soit conçu et installé à la construction car le retrofit de ces navires assez complexes peut s'avérer hasardeux.
Les navires qui opèrent en positionnement dynamique peuvent aussi bénéficier de ce genre d'installation. En effet, le fonctionnement en DP sollicite les moteurs à des régimes variables, souvent inférieurs au régime optimum. Par exemple, au lieu d'avoir 2 groupes chargés à 50 ou 60%, ils sont chargés à 80%, cette charge complémentaire rechargeant un pack de batteries. On optimise ainsi le fonctionnement et la consommation des DG, ce qui se traduit par un meilleur rendement et à terme une économie sur la maintenance.
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Enfin, les navires qui ont la possibilité de recharger leurs batteries à quai régulièrement (ferries sur lignes régulières, navettes de servitude ou de tourisme) peuvent y voir un avantage si le kWh électrique est vendu moins cher que le kWh diesel. L'aspect environnemental est plus difficilement mesurable car l'énergie électrique utilisée dépend du réseau et rien ne garantit qu'elle soit verte. De là à dire qu'une pollution qu'on ne voit pas est une pollution qui n'existe pas, il n'y a qu'un pas facile à franchir.
A mon sens, l'utilisation d'une propulsion hybride à des fins environnementales dans un autre cas que ceux-ci relève de l'erreur de conception ou d'écoblanchiment. Pire, faire tourner un moteur thermique pour recharger des batteries revient à consommer plus (on rajoute le rendement du redresseur-onduleur) et si en plus le moteur brûle un combustible à 0,5% de soufre, c'est la cerise sur le gâteau. Mais à quai, il ne fait pas un bruit et peut même se vanter d'être "Zéro émission".
Les progrès sont en cours, la dynamique est réelle mais il ne faut pas que les armateurs et les constructeurs tombent dans le piège du verdissage, au risque de se décrédibiliser et de retourner un peu plus une opinion publique déjà très sceptique quant au transport maritime.
#maritime #shipping #énergie #hybride
Gérant de Société
3 ansPour en parler on en parle….ici et la !!!!
Unlimited Chief Engineer IGF - IGC
3 ansMerci à Francois Abiven pour la correction : il fallait lire "kWh électrique" et non "kW électrique". Le fournisseur vend un travail en kWh et non une puissance en kW. C'est corrigé !