Protège-moi si tu m’aimes !
Dimanche, au milieu de la morosité et de la fatigue qui touchent notre société fortement ébranlée comme tant d’autres par une crise sanitaire qui n’en finit pas, des milliers de moments de grâce, de bonheur et d’amour vont éclater partout dans le pays et se traduire, pour certains, par des demandes en mariage. Elles se concrétiseront quelques mois plus tard devant le premier édile de la commune, marquant ainsi le début d’une histoire, d’une aventure. Car la vie de couple n’est-elle pas une aventure, faite de péripéties, de rebondissements, de combats, de moments de joie intense, de bonheur et d’amour, mais également de moments douloureux marqués par les difficultés, la tristesse ou le deuil ? Une exploration passionnée de l'inconnu, qui vaut le coup d’être vécue car elle nous procure cette sensation exaltante de nous sentir vivant et d’être utile à l’autre.
Péripéties, rebondissements, combats, tous les couples qui se marient connaîtront sans doute cela. Mais combien d’entre eux, lors de leur mariage, qui fait souvent suite à une union préalablement officialisée par un PACS, sorte de fiançailles modernes aujourd’hui largement plébiscitées par les Français, combien d’entre eux auront au préalable consulté celui que l’on dépeignait autrefois comme le « Scribe de l’Amour »*, le notaire ? Trop peu manifestement, lorsque l’on constate les déconvenues fréquentes des époux quelques années plus tard, à l’occasion d’un divorce, d’un décès, ou d’un échec entrepreneurial.
Pour partir à l’aventure il faut s’équiper ! Et en la matière cela commence par se préoccuper sérieusement de son régime matrimonial, avant même le mariage. Les couples ratent souvent cette étape importante qui aura des impacts sur toute leur vie commune, pour plusieurs raisons, dont deux reviennent de manière récurrente. D’une part le sentiment qu’un contrat de mariage n’a pas d’utilité car au jour du mariage les époux, souvent jeunes, ne disposent pas encore de patrimoine personnel ou professionnel. Première erreur, car le régime matrimonial qu’ils auront choisi est avant tout destiné à s’adapter au mieux à l’histoire qui va s’écrire sur peut-être plusieurs dizaines d’années, et prévenir les aléas de celle-ci.
D’autre part le sentiment que l’aventure a en réalité déjà commencé il y a quelques mois ou quelques années auparavant par la signature d’un contrat de PACS, et que le mariage ne fera que « sceller » une union déjà solide. Deuxième erreur, car si cela peut se concevoir d’un point de vue affectif, il n’en n’est rien d’un point de vue patrimonial. Les partenaires liés par un PACS sont en effet soumis par défaut et majoritairement à un régime de séparation des biens ou, sur option, à un régime d’indivision. Ils sont alors souvent convaincus que le mariage ne changera rien à leur situation patrimoniale antérieure, se préparant ainsi à de fortes déconvenues lors de la création d’une entreprise et, parfois, lors de l’échec de celle-ci, ou encore à l’occasion d’une séparation. Car le mariage, sans contrat, aura tout changé, les soumettant sans même qu’ils en aient manifesté le choix à un régime automatique de communauté des biens acquis ou créés pendant le mariage ainsi que de l’intégralité de leurs revenus. Ils se seront, sans même le savoir, privés d’un choix décisif pour leur avenir.
On n’insistera jamais assez sur l’importance pour les candidats au mariage de prendre conseil auprès d’un notaire avant de se passer la bague au doigt, pour éventuellement « passer à l’acte » avec un contrat adapté, sur mesure, construit pour anticiper, prévenir, se protéger et protéger la famille.
Mais il faut également se poser la question de la pertinence encore aujourd’hui, en 2021, dans notre société, d’un régime légal automatique de communauté des biens, alors que l’immense majorité des mariages est précédée d’un PACS soumis au régime de la séparation des biens, un régime qui généralement convient parfaitement aux partenaires et qui fut celui choisi avec sagesse par le législateur en 2006 lors de la modification de la loi de 1999 sur le PACS. Quelle cohérence ? Le temps d’un vrai débat sur la question est sans doute venu.
En attendant ce débat, “protège-moi si tu m’aimes” !
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(*) Dictionnaire insolite du notariat ou le Notariat de A à Zèbre, de Jean-François Sagaut, Muriel Suquet-Cozic aux éditions Defrénois
Sylvain Chiloux - Courtier en prêt immobilier - Rennes et Janzé
3 ansProtège-moi si tu m'aimes. Bel article, clair et concis. A l'attention de tous les tourtereaux ! 🥰
🌍 Directrice des Opérations / Trade Facilitation Services / SGS France
3 ansJe ne peux que soutenir votre message et aider à la prise de conscience. Lors des bilans faits avec les personnes que je rencontre, le sujet est abordé. Le statut civil et les contrats de mariage ont des conséquences importantes sur le devenir du patrimoine en cas de décès notamment. Cela est connu de beaucoup de personnes mais en générale elles ne mesurent pas exactement les conséquences. Il y a aussi beaucoup de couples pacsés qui n’ont pas fait de testament et sont surpris d’apprendre qu’ils ne sont pas héritiers l’un de l’autre s’il ne font pas le nécessaire. “Protège-moi si tu m’aimes” j’adore !