Pudeur: la Loi de l'Intime

Nous savons maintenant qu'il existe 3 moi en nous et que nous devons autant que possible nous débarrasser des deux premiers... Mais que faisons-nous du troisième ? Ce moi essentiel, comment le protéger ? Si nous avons compris qu'il ne fallait pas le masquer, ne faut-il pas le cacher ou a minima le couvrir ? J'admets avec beaucoup d'humilité mon ignorance sur toutes ces questions, mais voici quelques pistes pour nous aider à avancer.

Votre Monument

Cette chanson de Royksopp, Monument est un chef d’œuvre en l’honneur de l’humanité. Peu importe si les auteurs de cet œuvre savaient ce qu’ils avaient fait mais les hauteurs qu’ils ont atteintes dépassent l’entendement.

Nous avons tous tendance à nous protéger en portant des masques. Ceux qui ont fait le choix de les abandonner, et ainsi de refuser la duplicité, peuvent commencer à vivre simplement. Pour tous ceux qui connaissent cette phrase « Heureux les simples d’esprit », vous avez maintenant une lecture plus claire de ce qu’elle veut dire : « Heureux ceux qui ne vivent pas avec un masque ».

Mais alors vivre sans masque veut-il dire qu’il faut vivre sans pudeur ? Ne faut-il rien cacher ? ne rien protéger ? ne rien couvrir ? C’est une question difficile et je n’ai pas réussi à en percer tous les mystères. Mais j’ai d’ores et déjà des pistes de réflexion dont l’une est dans la chanson : « Nous sommes un Monument ».

Me référant à la tradition hébraïque, j’associe ce monument au « temple » constitué de trois zones :

·       Les parvis

·       Le Saint

·       Le Très-Saint

La tradition juive nous informe du caractère plus ou moins public de ces lieux et la notion de « cocentricité » qui est associée. Plus nous sommes « adaptés » au « sacré » et plus nous pouvons y pénétrer en profondeur.

La zone la plus intime est donc le « Très-Saint » qui toujours selon la torah est là où « Dieu s’entretient avec Lui-même ». Mis à part quelques exceptions, cette zone est inaccessible. Elle est donc le lieu où réside « Celui qui est ».

Voilà donc une clé importante pour comprendre où se situe celui que nous sommes : Il est dans notre « très-saint » si nous considérons notre être comme un « Monument » ou un « Temple ».

Dans le langage courant, on dit souvent « en mon fort intérieur » et dans le langage chrétien on dit « Ne savez-vous pas que votre corps est le Temple de l’Esprit Saint », Corinthiens,6 :19

De là nous pouvons en déduire les règles de l’intime ou dit autrement la pudeur. La partie Sainte du temple est accessible à l’autre, mais seulement sous certaines conditions dont l’une d’elles est certainement la bienveillance. Nous pourrions dire que chez l’être humain, cette zone est le psychisme. C’est là que le psychologue ou psychiatre agit.

La personne humaine ouvre la porte de son sein ou de son « Saint » pour accepter l’aide d’autrui et partager une « certaine » intimité.

Mais le « très » intime, le « très saint » doit rester hermétique à l’autre car il est votre Lieu à vous celui où vous vous parlez. Celui qui garantit votre identité envers et contre tout. Et de manière réciproque, toute personne soucieuse d’une personne doit absolument respecter cette limite et ne pas tenter de la violer. Le respect de l’autre réside d’abord dans la pudeur de respecter un lieu intime.

Si quelqu’un vous propose donc d’y entrer, soyez pudique et refusez !

Si vous pensez devoir laisser entrer quelqu’un dans cette zone, soyez pudique et couvrez votre intimité.

Le Masque et le Voile

Nous voyons qu’il y a donc une différence fondamentale entre « masquer » et « couvrir ». De là nous pouvons analyser le symbole du « voile » que nous retrouvons beaucoup dans nos sociétés et qui posent tellement de problèmes. Car effectivement ce voile peut facilement basculer dans le masque alors qu’initialement il n’est là que pour couvrir.

Mais couvrir et masquer, est-ce si différent ? Oui !

·       Masquer c’est pour dissimuler un mensonge que vous ne voulez pas montrer

·       Voiler/Couvrir c’est pour protéger une vérité que vous montrez seulement par un intermédiaire

Voyez la différence en particulier si l’on considère la vérité des choses et des êtres.

Le masque vous donne à voir une personne différente de ce qu’elle est alors que le voile vous donne à voir la personne en vérité mais derrière une protection. D’ailleurs souvent cette protection est « transparente » ce que n’est jamais un masque…

Tout le problème réside dans la perfidie de certains discours qui tendent à faire croire que leur masque n’est qu’un voile et donc le média de leur être véritable quand les autres tendent à faire croire que le voile est un masque qui cache quelque chose de mal. Pas étonnant que nous ayons un discours de sourd (et d’aveugle !) sur la question du voile.

Cette discussion est donc avant tout du funambulisme et le seul enjeu est de garder un équilibre sur cette ligne de crête dessinée par la pudeur !

Ayons donc à l’esprit quand nous abordons l’autre de respecter sa pudeur, en acceptant l’existence du voile qu’il met sur sa vérité sans être dupe du masque qu’il met sur son mensonge.

La pudeur, la loi de l’intime

Comprenant que l’intime est le lieu où réside celui que nous sommes et que ce « moi » est si fragile qu’il nécessite une protection, nous pouvons ériger la pudeur non comme du puritanisme mais comme une règle de préservation de soi par soi et pour soi.

La pudeur n’est pas de se conformer aux règles que notre temps et notre culture nous imposent sur une façon de s’habiller, une façon d’exprimer ses sentiments ou une façon de faire l’Amour. La pudeur est avant tout le cadre dans lequel nous entretenons notre vie intérieure.

Un espace ouvert à la discussion entre moi et moi. Un espace sacré que je garde à l’écart du monde et des autres car ici, seul « moi » est admis ! Il y a d’autres parts de mon « intérieur » auxquelles je laisse accéder : l’étranger pourra venir dans ma maison, le médecin pourra entrer dans mes veines, le psychologue pourra entrer dans mon psychisme, l’époux/épouse pourra renter dans mon sexe, mais personne n’entrera dans mon « Très Saint ».

Cette règle est une règle élémentaire liée à la pureté au sens de la chimie. Si vous prenez une substance A et une substance B. Dans un bécher, vous mélangez A et B. Dans un autre bécher vous mettez seulement A. Alors vous comprenez que si vous mettez A dans le mélange A+B, le bécher A reste pur alors que A dans A+B reste impur. Mais si vous inversez l’opération, alors le bécher A sera pollué et vous n’aurez plus jamais accès à la substance A sans en même temps prendre B. Vous avez perdu la pureté de A. Si vous voulez retrouver A il faudra le « purifier ».

Voilà donc ce qui suggère la pudeur comme loi de l’intime : garder la pureté de ce que vous êtes !

Dès lors vous comprenez qu’il est très important que vous fassiez attention à votre intimité la plus profonde, car si vous décidez de laisser entrer tout et n’importe quoi, cela va vous polluer et il sera difficile de vous retrouver « VOUS ».

Pire, si vous décidez de mettre un masque sur votre mensonge et déclarez ce masque comme le voile de votre intimité, alors vous faites deux fautes :

·       vous vous rendez « impur » de vous-même

·       interdisez à quiconque qui respecte votre pudeur de purifier votre personne

Vous voyez qu’ici la pureté n’est pas une notion liée au sexe ou au bien et au mal. C’est juste une question identitaire : qui êtes-vous ? que faites-vous de vous ? comment vous respectez-vous ?

Cultivez votre dialogue intérieur. Gardez-le secret des autres pour que la vie intérieure ne soit pas troublée, polluée par ce qui pollue chaque jour notre vie extérieure. Faites de vous un monument, un jardin d’Eden secret, un espace où votre moi sera respecté, admiré et finalement aimé !

Mon mentor m'a dit une fois

La Pureté est un pré-requis à l'Amour

Ce n'est que 15 ans après avoir entendu cette phrase que je commence à en sonder toute la sagesse et que je m'affranchis de toutes les mauvaises interprétations.