Pyrénées: la population d’ours en augmentation constante
Selon le dernier rapport publié par l’OFB, il y aurait 76 individus dans le massif pyrénéen. Un chiffre en progression régulière, éclipsé par une attaque mortelle dans le nord de l’Italie.
Par Philippe Gagnebet(Toulouse, correspondant)
Le Monde le 14 avril 2023
Une bonne et une mauvaise nouvelle. Simultanément, le 5 avril, un nouveau décompte du nombre d’ours présents dans les Pyrénées françaises était publié, tandis qu’en Italie, on apprenait la mort d’un traileur de 26 ans, Andrea Papi, tué par un ours mâle dans la région du Trentin, dans le nord de la péninsule. Selon le suivi hivernal de l’Office français de la biodiversité (OFB) et son équipe « Ours brun », basée en Haute-Garonne, la population compterait 76 animaux à la sortie de l’hibernation. Trente-cinq mâles et 39 femelles, et deux de sexe non déterminé, se répartissent sur la chaîne montagneuse et une aire de 5 700 kilomètres carrés. Six dans les Pyrénées occidentales (Béarn, Navarre, Aragon), 69 dans les Pyrénées centrales (région du Comminges en Haute-Garonne, du Couserans en Ariège, Val d’Aran, Catalogne, Andorre, Aude, Pyrénées-Orientales), et un mâle, le vieux « Néré », passant d’un territoire à l’autre.
L’espèce est protégée par une directive européenne de 1992, qui contraint la France à maintenir une population ursine viable. Certains scientifiques estiment à environ 150 le nombre d’individus pour maintenir cette viabilité.
« On assiste à une progression un peu moins importante que les années précédentes, mais la population continue à se développer à un bon rythme », estime l’OFB dans son document de suivi. Depuis 1996, et les premières réintroductions d’individus en provenance de Slovénie, cette progression connaît un taux à peu près régulier de 11 % par an. Le suivi est réalisé par l’équipe Ours brun et ses 15 agents, ainsi que par 450 bénévoles, qui relèvent la présence des animaux grâce à des traces, des observations, des poils mais aussi des vidéos ou photographies, sur environ 60 circuits, et autant de caméras postées sur des arbres.
« Une émotion légitime »
La synthèse de l’OFB, qui comporte une faible marge d’erreur ou d’oubli, souligne que « la population est majoritairement jeune [80 % des individus ont moins de 10 ans] avec un sexe-ratio équilibré », et qu’« au moins huit femelles ont eu une portée en 2022, soit un minimum de 13 oursons. » Ainsi, les deux oursons de Caramelles, tuée par un chasseur en Ariège en novembre 2021, ont été détectés et portent tous les deux un nom : Titan pour le mâle et Aster pour la femelle. Quant aux trois oursons de Sorita – une femelle lâchée dans le Béarn en 2018 –, qui sont nés en 2021, ils ont été baptisés Bious, Larry et Béroï, par des enfants des écoles béarnaises. Par ailleurs, cinq plantigrades sont considérés comme disparus, car non repérés depuis deux ans, et « sept autres n’ont pas été détectés en 2022, mais ne sont pas considérés comme disparus, car repérés en 2021 », conclut le rapport de l’OFB.
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Ce recensement rendu public le 5 avril a été éclipsé par la mort du jeune traileur italien, un événement inédit. Alors que pro et anti se déchirent toujours autour de la présence de l’ours, notamment dans la région du Couserans, où une trentaine d’animaux est dénombrée, les tensions sont montées d’un cran. Dans un communiqué, Pays de l’ours-Adet, la principale association de défense des ours, estime que « ce drame suscite une émotion légitime car cet évènement rarissime est le premier de ce type en Europe du Sud-Ouest depuis de très nombreuses décennies ». Pour Cap-Ours, autre collectif et ses 40 associations environnementales adhérentes, « l’enquête, impliquant de nombreux spécialistes, permettra peut-être de démêler les circonstances de cette attaque ».
« Une nouvelle feuille de route au printemps »
Du côté des défenseurs de l’animal, on insiste sur l’importance de déterminer les raisons du comportement de l’ours impliqué et, si nécessaire, d’améliorer les mesures de prévention. Les réactions ont été diamétralement inverses chez les opposants. Ainsi, pour l’Association de sauvegarde du patrimoine d’Ariège-Pyrénées, composée essentiellement d’éleveurs de brebis, « c’est un fait. La réintroduction de l’ours tue. Habitants, vacanciers, traileurs, randonneurs, chasseurs, éleveurs, élus, nous devons tous agir ! Tout doit changer ». Très actifs, ces opposants appellent « à ce que le dossier ours [soit] retiré aux irresponsables qui l’ont imposé dans les Pyrénées contre l’avis des usagers de la montagne ».
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En Italie, le ministre de l’environnement et le président de la province ont convenu, mardi 11 avril, d’étudier un plan de déplacement de masse des ours du Trentin vers d’autres régions, selon l’Agence France-Presse. L’ours auteur de l’attaque mortelle est toujours recherché pour être abattu, et d’autres animaux « à problème », après des attaques répétées sur des troupeaux, devraient connaître le même sort. De quoi alimenter les réflexions du préfet « ours », Thierry Hegay, nommé en novembre 2022 dans les Pyrénées pour renouer le dialogue, à l’instar de ce qui se fait pour le loup dans les Alpes. Selon les services de l’Etat, « il poursuit ses consultations, qui devraient déboucher sur une nouvelle feuille de route au printemps ». Un document encore plus attendu que les années précédentes par les pro et les anti-ours.