Quand la bise fut venue... #cigaletech
source: openask.com

Quand la bise fut venue... #cigaletech

Depuis début 2018, j’alerte entrepreneurs, investisseurs et pouvoirs publics sur la fragilité de la chaîne de financement de la French Tech en cas de retournement de cycle… Très dépendante des investisseurs internationaux et des grands « corporates », cette chaîne manque cruellement d’investisseurs institutionnels domestiques « longs ». Au premiers frimas du prochain hiver économique, notre écosystème se retrouvera en string ficelle ce qui n’est pas la tenue idéale pour traverser une telle période !

En tant que co-président de France Digitale, j’espérais beaucoup de la loi Pacte. J’osais espérer que, pour la première fois depuis le septennat de Jacques Chirac, une véritable réforme de l’assurance-vie prenne place permettant une allocation décente de cet immense bassin d’épargne vers le non-côté et le capital-risque en particulier. En fait, comme Bruno Lemaire l’a indiqué, il n’y aura pas de « big bang » de l’assurance-vie fort difficile à imposer à des assureurs et épargnants très conservateurs dans leur grande majorité. En réalité, la loi de finances 2018 ayant mis en place le PFU (« flat tax ») au-dessus d’un certain plafond et non en fonction de la nature des contrats (maturité, garantie de capital) avait déjà rendu incohérente une véritable réforme permettant une vraie transformation des 1200 milliards de fonds euros totalement inadéquats pour financer l’économie réelle. Des éléments positifs sur les fonds Eurocroissance et l’éligibilité du capital-investissement dans des contrats en UC figurent bien dans le projet de loi Pacte mais rien qui, malheureusement, ne soit à la hauteur des enjeux…

Le gouvernement a fait un autre choix. Ce choix consiste à homogénéiser et rendre portable l’épargne-retraite (Perco, art.83, Madelin, PERP qui pèsent ensemble environ 200 milliards essentiellement placés en fonds euros). Le message envoyé aux Français est que l’assurance-vie n’est pas le meilleur outil pour préparer sa retraite et qu’une « retraite supplémentaire » peut être constituée en profitant d’une fiscalité attrayante (je déduis les versements de mes revenus actuels et je diffère leur imposition à ma retraite). L’épargne-retraite doit devenir une vraie alternative à l’assurance-vie et le projet de loi prévoit d’ailleurs que les assureurs seront mis en concurrence avec des gestionnaires d’actifs qui sauront peut-être trouver un meilleur rendement net à cette épargne à maturité longue notamment en l’affectant pour une portion non congrue à des actifs moins liquides mais plus rentables (comme le capital-investissement)… Stratégiquement juste, cette réforme devrait avoir des effets favorables sur notre écosystème à moyen terme (5 voire 10 ans). Le dress-code restera le string ficelle d’ici là ! Gla-gla !

Avant d’avoir les mains gelées, France Digitale ne baisse cependant pas les bras. Nous avons soumis au gouvernement un projet visant la mise en place de « fonds de fonds retail ». L’idée est de permettre à chaque épargnant qui souhaite investir dans l’économie réelle et les sociétés de croissance en particulier de pouvoir le faire au travers de fonds de fonds et d’avoir ainsi accès indirectement aux meilleurs fonds professionnels de capital-investissement réservés réglementairement aux investisseurs avertis. Ces investissements seraient compatibles des principales niches fiscales existantes (IR-PME, PEA-PME, Assurance-vie, PERP…), offriraient un rendement mutualisé sur différents fonds sous-jacents (nature et vintage) et garantiraient une liquidité à horizon 8 à 12 ans. L’idée n’est pas nouvelle. Ce qui est difficile, c’est de lancer la machine… Pour l’instant, Bercy se dit « intrigué avec réserves » quand  quelques députés LREM se montrent très motivés à tricoter cette petite laine nous permettant d’éviter l’hypothermie… A suivre donc.

Autre piste intéressante, annoncée à Vivatech par Mounir Mahjoubi, la mise en place par BPIFrance de « venture loans » de taille significative. Cet instrument nouveau en France devrait, à minima, permettre à certaines « deep techs » ou « scale-ups » en mal de refinancement par de nouveaux investisseurs de rester offensives. En cas de retournement du marché, elles devraient être nombreuses... En conjonction avec les investisseurs déjà actionnaires, BPIFrance pourrait ainsi offrir une solution de financement pas (ou très peu) dilutive permettant à ces sociétés de passer l’hiver et d’en sortir renforcées au lieu de sombrer dans le cycle malthusien de la pénurie de "cash" entraînant réduction des efforts R&D ou des moyens de développement du business. Le produit étant fondamentalement un produit de dette à fort rendement, on peut même imaginer l’émergence de nouveaux acteurs souhaitant, à l’instar de BPIFrance, offrir ce type de financement. Sans doute ne cibleront-ils eux que les profils les moins risqués !    

Le nombre de trimestres restants d'exubérance telle que celle que notre écosystème connaît aujourd’hui m’est inconnu. Il se compte, sans doute, sur les doigts de mes deux mains (encore chaudes) voire d’une seule !

Les 18 premiers mois du quinquennat Macron auront été marqués par des réformes positives "à large spectre". Espérons que les mois à venir nous permettront aussi de devenir plus percutants et décisifs quant aux enjeux de la "start-up nation" que nous souhaitons bâtir !


Michel Toury

Dirigeant de la société MICHEL TOURY CONSEIL

6 ans

En tant que conseil en financement d'entreprise je partage pleinement votre analyse. Même si des améliorations ont été constatées ces dernières années on manque encore en France de financements réellement pérennes pour les PME. Reste aussi un autre "trou dans la raquette": le problème des PME régionales qui ont des perspectives de développement, mais pas assez fortes pour intéresser les investisseurs qui attendent des ROI élevés. Pourtant si les taux de rendement y sont effectivement généralement plus faibles, les valorisations à l'entrée et les taux "de casse" aussi, et un problème ponctuel a moins d'impact sur les comptes de l'investisseur

laurent bonnin

Juriste-expert. Conseil régional des Hauts de France

6 ans

Rien compris.

Papa Massourang Sourang

Expert juridique et sûreté en aviation civile chez cafac /anacim

6 ans

khalass

Occo Hellendoorn

Technicien Systèmes et réseaux chez Cegid

6 ans

Loin de moi la prétention d'être un spécialiste mais il me semble que par exemple la crise de 2008 a souligné notre dépendance à la finance Américaine, que les Mairies de France sont plombées par la spéculation par le biais de la Dexia sur des fonds toxiques (Américains je crois aussi...)encore aujourd'hui et pour de nombreuses années...etc... Il me semble bien avoir lu, en Anglais, une histoire relatant le renflouage par les Américains "secret et en urgence" de la plupart des grandes banques Françaises (une délégation s'est déplacée aux États-Unis très rapidement une semaine avant d'affirmer en France d'une même voix que "tout allait bien madame la marquise"... dans les médias Français...)Je ne me souviens pas avoir entendu parler ni même remarqué de solidité financière particulière en Europe et encore moins en France...je me trompe ?

En fait, si je devais reformuler vos propos, vous réclamez que l'Etat donne des moyens à des investisseurs sans garantie de retour et la contrepartie sous-entendue, est un retour sur investissement indirect pour l'Etat en participant à l'émergence de la "startup nation", soit la bonne recette des pertes publiques et des bénefs privés. Si vous êtes certains (vous au pluriel ici, le Board comme vous dites) que l'Etat a cet intérêt, c'est à dire qu'il peut raisonnablement endosser ce risque, pourquoi ne pas commencer la démonstration par vous même ? les associations sous certaines conditions peuvent émettre des obligations. Cela peut constituer des fonds pour investir en capital. Vous allez me dire que ce n'est pas le bon ordre de grandeur, mais qui parle de limite ? Après, vu la composition de l'asso, les discussions pour attribuer vont être fastidieuses vu les conflits d'intérêts que cela pourra générer mais bon, l'intendance suivra non ? 

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