Quand la France couvre des assassinats politiques
Le 9 janvier 2013, trois militantes kurdes étaient assassinées dans le Xème arrondissement de Paris. Cet assassinat politique s'inscrit dans le contexte de répression dont sont partout victimes les opposant-e-s au régime de Recep Tayyip Erdogan. Les commanditaires n'ont pas été inquiétés. La mobilisation pour exiger vérité et justice s'amplifie.
Le triple assassinat a visé Sakine Cansiz, 54 ans, fondatrice du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan), Leyla Saylemez, 24 ans, militante kurde, et "Rojbîn" Fidan Dogan, 28 ans, représentante du Congrès national du Kurdistan, basé à Bruxelles. Omer Güney, seul suspect dans l'affaire, est mort en prison fin 2016 avant que le procès puisse avoir lieu.
Les enquêteurs français ont souligné « l’implication » de membres des services secrets turcs (MIT) et des médias turcs avaient dévoilé un « ordre de mission » oral du MIT pour Omer Güney. Depuis, deux responsables du MIT piégés par le PKK auraient fourni des détails sur leur rôle actif dans l'assassinat de Sakine, Rojbin et Leyla. Malgré les promesses du gouvernement Valls, l'enquête a pris fin suite au décès du principal suspect.
La manifestation d'hier a réuni des milliers de manifestant-e-s venus pour exiger la vérité et la justice. Les familles des victimes doivent enfin être reçues par les plus hautes autorités françaises et, au vu des éléments accablants l'enquête doit être réouverte. Le silence assourdissant des autorités ne saurait durer, encore moins au moment où Erdogan continue la répression des contre-pouvoirs et de l'opposition en Turquie. Sa réception lors d'un dîner officiel par le président Macron aurait pu être l'occasion idéale pour le gouvernement français de montrer son soutien aux victimes turcs et kurdes, et d'affirmer l'indépendance politique de la justice hexagonale.
Le triple assassinat de nos camarades kurdes nous rappelle les nombreux autres militant-e-s politiques exécuté-e-s dans les rues de Paris. Il y a plus de cinquante ans, Mehdi Ben Barka, révolutionnaire socialiste marocain, était tué à Paris par les agents marocains couvert par les services français. Henri Curiel, communiste engagé en Égypte et "porteur de valises" pendant la guerre de libération algérienne, a lui aussi connu la mort à Paris, assassiné dans des circonstances troubles. Plusieurs leaders tamouls auront connu le même sort, toujours à Paris, dont Nadarajah Mathinthiran, l'un des leaders des tigres tamouls assassiné en 2012. La liste pourrait hélas encore s'allonger. Citons Dulcie September, militante anti-apartheid et leader de l'ANC, assassinée à Paris en 1988 après avoir demandé, en vain, une protection policière aux autorités françaises. Enfin, le cas d'Ali André Mécili, assassiné à l'entrée de son immeuble parisien en avril 1987, aura mené à une affaire d'État. Combattant de la libération pendant la guerre d'Algérie et co-fondateur du Front des forces socialistes, il travaille dans les années 80, aux côtés de l'ancien dirigeant du FLN Hocïne Ait Ahmed, devenu leader de l'opposition, au rapprochement de ses différents courants politiques.
Aucun de ces assassinats politiques n'a pu bénéficier d'un jugement digne de ce nom. La plupart se sont soldés par un non-lieu.
Aujourd'hui, mardi 9 janvier 2018 - cinq ans après leur assassinat - une marche blanche sera organisée depuis les locaux du Conseil démocratique kurde en France jusqu'au lieu du triple assassinat de Sakine, Rojbin et Leyla. Une plaque en leur hommage sera inaugurée.
RDV à 13h30, au départ du 16 rue d'Enghien jusqu'au 147 rue La Fayette, suivie de l'inauguration de la plaque, devant le 147 rue La Fayette, à partir de 14h30 (cérémonie organisée conjointement avec la Mairie de Paris).