Quand le fait divers devient un fait social
La société sénégalaise est actuellement confrontée à une recrudescence de la violence, un phénomène qui ne peut être ignoré. Cette situation alarmante est le reflet de plusieurs facteurs sociaux et économiques que je tente ici de résumer en quelques points .
Le rôle des parents et la socialisation Les parents, en tant qu’agents de socialisation primaire, jouent un rôle crucial dans la transmission des valeurs et des normes sociales. Cependant, pris dans une course effrénée pour subvenir aux besoins quotidiens dans un contexte de coût de la vie en constante augmentation, ils peinent à jouer pleinement leur rôle éducatif. Cette défaillance dans la socialisation primaire contribue à l’émergence de comportements déviants chez les jeunes.
Déperdition scolaire et inadéquation du système éducatif Le système éducatif, souvent en déphasage avec la réalité des enfants et des jeunes, contribue à la déperdition scolaire. Les écoles ne parviennent pas toujours à offrir un environnement adapté aux besoins et aux aspirations des élèves, ce qui entraîne un désengagement et une perte de repères. Cette inadéquation entre l’école et la réalité sociale des élèves est, selon nous, un élément de contexte qui mérite une attention particulière.
Chômage et culture de l’oisiveté Le taux de chômage élevé instaure une culture de l’oisiveté au sein de la société. Les jeunes, sans emploi et sans perspectives d’avenir, sont plus susceptibles de sombrer dans des comportements déviants. Cette situation est exacerbée par l’absence de structures familiales solides pour encadrer et orienter les jeunes.
Impact des réseaux sociaux et désinformation Les réseaux sociaux, en tant que nouveaux agents de socialisation, jouent un rôle ambivalent. D’une part, ils peuvent diffuser des informations et des connaissances, mais d’autre part, ils sont souvent le vecteur de désinformation et de contenus sans intérêt voir dangereux et pervers.
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Les modèles et les « Nouveaux Gourous » La question des modèles de référence pour la jeunesse sénégalaise est cruciale. Actuellement, il semble que les influenceurs des réseaux sociaux soient les principaux modèles pour les jeunes. Cependant, ces influenceurs véhiculent souvent des valeurs de réussite facile, de faste et de richesse accumulée sans effort. Cette culture du paraître, qui privilégie l’apparence sur la réalité, contribue à des attentes irréalistes et à des comportements déviants. Les jeunes sont ainsi exposés à des modèles qui ne reflètent pas la réalité de la société sénégalaise, exacerbant leur désillusion et leur frustration.
De plus, on voit émerger au Sénégal des profils d’individus s’inventant des compétences de guides ceux que j’aime appeler les “nouveaux gourous”. Ces présumés modèles de savoirs et de vertus vendent de l’espoir sans fondement, sans ancrage dans ce que nous sommes et ce que la société nous offre. Ils exploitent les réseaux sociaux pour promouvoir des idéaux de réussite facile, contribuant ainsi à la désorientation des jeunes. Car en effet pour réussir il faut avant tout disposer de discipline, de rigueur, de connaissance et non pas seulement de capacités à bien s’exprimer et se tenir en public. La culture du paraitre au détriment de la culture de l’être éloigne notre jeunesse de son véritable potentiel et l’entraine dans des déviances, dans des jeux de rôle au combien destructeurs et vecteur de violence sous toutes ces formes.
Il est grand temps de se réveiller et d’agir. Les familles doivent reprendre leur rôle central dans l’éducation et la transmission des valeurs. Le système éducatif doit être revu pour mieux répondre aux besoins de la jeunesse et cela dès la petite enfance. L’État doit également jouer un rôle de régulation pour contrôler ce qui est diffusé sur les réseaux sociaux. Enfin, il est essentiel de redonner à la société sénégalaise, et à notre jeunesse en particulier, un cadre et un rêve pour l’avenir ancré dans nos valeurs culturelles garantes de notre stabilité et de notre sécurité.
Sandrine LEMARE, Sociologue
Enseignant-Chercheur en Science politique
4 moisJe suis dubitatif à l'idée qu'il y aurait "une recrudescence de la violence". Pour l'affirmer, il faudrait prendre du recul et analyser le phénomène sur 10 voire 20 ans pour dégager une conclusion. Il ne suffit pas de prendre le semestre ou le l'année écoulée. Il faut savoir distinguer le sentiment d'insécurité, créé notamment par la surexposition médiatique de faits divers, de l'insécurité réelle.
Chef de projet Tech4Mauritanie chez Simplon Africa | Digital Learning Manager
4 moisTrès bien dit. Vous avez pertinemment résumé la situation et l'environnement même dans lequel évolue la jeunesse sénégalaise
Social worker |Mediateur | Consultant indépendant
4 moisBelle plume et beaucoup de pertinence. Merci pour ce régal.
Étudiant en 3ème en administration des affaires option Commerce International et Marketing
4 moisTrès intéressant et pertinent
Rédactrice Web tourisme et loisirs | J'accompagne les professionnels du tourisme à rédiger du contenu touristique inspirant pour gagner du temps.
4 moisLes points développés sont tout à fait en adéquation avec la réalité. Une réflexion qui laisse la porte ouverte aux solutions.