Quand notre comportement impacte les projets de végétalisation

Quand notre comportement impacte les projets de végétalisation

Permettez-moi un petit billet "coup de gueule”, une fois n’est pas coutume.

Dans le cadre de projets d’aménagement, de verdissement, de renaturation d’espaces urbains, il n’est pas rare d’observer une limitation des ambitions sur les strates végétales basses. L’argument avancé tourne généralement autour de la difficulté d’entretien de ces espaces. Passée la première surprise, il semblait intéressant de se pencher sur cet argument.

J'ai donc profité de la période estivale pour aller interroger, au gré de mes déplacements, les différentes parties prenantes. Commençons par les usagers de la voie publique et des espaces verts, dont je vous livre tout de go quelques commentaires.

C’est dégu… c’est plein de déchets et c’est jamais nettoyé !

Faut pas mettre des plantes au pied des arbres. Après, y’a des canettes et des papiers qui traînent.

Faut dire à la mairie de virer tout ça devant chez moi. Les chiens font leurs besoins, c’est plein de mégots et c’est jamais ramassé”. 

Vous remarquerez une certaine constance dans les remarques et il faut admettre que le constat sur l’état de certains espaces est assez juste.

Cela arrive, effectivement...

Par contre, le “pourquoi” de cette situation et le “comment en sortir” posent problème.

Les commentaires pointent généralement deux responsables, pour faire simple les services des espaces verts et d’entretien de la voirie de la ville. Alors, je suis allé interroger des personnels d’entretien de la voirie et de l’espace public, qui œuvrent dans nos rues dès potron-minet. Qu’en est-il de leur point de vue sur les parterres végétaux et les pieds d’arbres ?

Si on doit enlever tout ce qui est sous les herbes, on y passera la journée.

Les bandes sont taillées à intervalle régulier, et on ramasse à ce moment-là”.

Effectivement, l’entretien est moins fréquent que pour le reste de l’espace public, ça se comprend. Mais surtout, il y a cette douloureuse révélation : 

Regardez-là. Même avec une poubelle à deux mètres, il y a quand même des bouteilles”.

Alors la cause du problème apparaît clairement. Le responsable de cette situation n’est pas le service des espaces verts, qui va malicieusement verdir nos parterres et favoriser la biodiversité, ni les équipes d’entretien qui font un travail formidable et qui ne sont pas là pour pallier notre incurie, ni même les végétaux dont aucun, à ma connaissance, ne produit de bouteilles ou de papiers gras. 

Non, le fautif c’est NOUS, notre comportement, notre insouciance à laisser traîner le reliefs des repas, à jeter canettes, bouteilles, emballages de toutes sortes, sans oublier d’innombrables mégots.

L’embarras est tel que les meilleures intentions cèdent parfois face à une réalité de terrain trop lourde. 

Il est fort probable que cet enrobé qui enserre le tronc de ce jeune arbre soit un choix contraint, que l’option d’une strate végétale basse plus verte, plus résistante, plus diversifiée, soit abandonnée au profit d’une strate d’herbe simple, où la récolte des déchets sera simplifiée.

À l’impression de saleté et à la pollution, notre propension à abandonner nos déchets sur l’espace public peut conduire à restreindre les ambitions de végétalisation; et par voie de conséquence, à diminuer la biodiversité, restreindre l’infiltration pluviale et l’effet rafraîchissant de la végétation urbaine.

Si l’on se demande parfois “que puis-je faire de plus pour l’environnement ?”, on peut tous penser à utiliser l’une des poubelles publiques de proximité, ou à conserver nos déchets jusqu’à la prochaine si cette dernière est pleine. 

Pour finir sur une note positive, notons qu’il existe de très belles initiatives collectives, comme celle de la gestion participatives des pieds d’arbres proposée par le service des espaces verts de la Ville de Vichy (https://espaces-verts.ville-vichy.fr/jardinage-participatif/pieds-arbres/ ), un bel exemple parmi d’autres. 

 

Johana SANABRIA

Consultante | Gestion intégrée des eaux pluviales | Arbres de pluie | Mon métier est d'assurer que les projets d'espaces publics et privés intègrent le cycle urbain de l'eau au profit de la biodiversité.

1 ans

Excellente réflexion sur le comportement des citoyens et le point de vue des riverains. Dans le projet Life ARTISAN Arbres de pluie du Glyon, nous avons analysé ce sujet. En effet, le choix de la palette végétale a bien été impactée par la problématique des déchets et des pratiques d'entretien. La végétalisation des pieds d'arbres doit se faire avec un changement de pratiques et une intégration des citoyens. J'accompagne les collectivités dans cette démarche de transition des pratiques avec la méthodologie validée à Glyon; Switch. Le concept de SAFN de l'UICN est un excellent guide pour avancer sur des problématiques telles que celle que vous évoquez et bien d'autres. Pour plus d'informations, n'hésitez pas à me contacter.

Julien THOMAS

Ingénieur Système D - Sols, arbres, villes vivants

1 ans

Concernant l'entretien des pieds d'arbres, il serait intéressant d'avoir un bilan très détaillé des permis de végétaliser à Paris, qui ont été globalement un échec d'après cet article ... https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/01/18/a-paris-anne-hidalgo-signe-la-fin-des-permis-de-vegetaliser_6109929_823448.html On pourrait également retourner le problème des déchets au pied des arbres. En créant dans les parcs avec des vents dominants identifiés, des haies denses "piège à vent" permettant de collecter et d'accumuler les déchets qui seront ainsi plus rapides à évacuer pour les gestionnaires.

Une sacrée réalité sur le terrain effectivement. Est-ce qu'après l'étude des ICU et IFU avec les capteurs urbains dans chaque rue du milieu urbain il y aurait une option pour peser les déchets et mettre en relief les rues les plus propres de la ville, habitants disciplinés...afin d'appliquer des plans de récompenses pour les plus soigneux?! L'habitant au cœur des solutions...de nombreuses villes en témoignent déjà pour les pieds d'arbres, les eco-composteurs ... et aussi les déjections canines. Mais à qui reviendrait l'arbitrage ? Une idée de concept pour les biologistes, Trouver un incubateur d'Activateur De Neurones qui synchroniserait les gestes de bon sens avec notre espace de vie, socle commun dans nos ADN non?

Pierre FERLIN

Directeur général chez Laessa (et professionnel heureux malgré la crise 💪😅)

1 ans

Constat implacable de la conjugaison d’une société consumériste qui produit trop de déchets et d’une société individualiste qui a oublié le collectif; dont les espaces publics et l’environnement en général qui sont par définition des biens communs (y compris entre les générations). Une seule solution semble possible : l’éducation, l’éducation et l’éducation.

Bel article pertinent. Il y a aussi un aspect culturel et éducatif qui doit être abordé. Si vous visitez les pays anglo-saxons ou scandinaves, beaucoup moins de déchets sont jetés dans le domaine public, et généralement plus de bacs sont disponibles. En outre, des amendes sont infligées (et appliquées !!) à ceux qui polluent ou jettent des déchets. Est-ce un problème hérité d’une culture latino/catholique « pas de mal si on n'est pas pris en flagrant délit", qui est un "reste" de la croyance en la possibilité de racheter ses péchés, ce qui n’est pas possible dans la culture luthérienne ?

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