QUANTITAS
".. au cours des dernières décennies, les disciplines humanistes ont été de plus en plus considérées comme inutiles et de plus en plus marginalisées non seulement dans les programmes scolaires, mais aussi et surtout dans les budgets des Etats et les comptes des organismes privés ainsi que des fondations. Pourquoi dépenser de l'argent dans des domaines condamnés à ne produire aucun profit ? Pourquoi consacrer des fonds à des savoirs qui ne débouchent pas sur une utilité économique immédiate et tangible ?
Mais, dans un tel contexte où tout semble devoir n'être pesé et mesuré que selon des critères qui privilégient la QUANTITAS, la littérature peut au contraire revêtir une fonction absolument essentielle (et, comme nous le verrons bientôt, on pourrait en dire tout autant des autres savoirs humanistes et de certains savoirs scientifiques qui sont dépourvus de toute visée utilitaire immédiate): c'est précisément le fait qu'elle est affranchie de toute aspiration au profit qui peut se révéler, en soi, une forme de résistance aux égoïsmes de notre temps, comme un antidote à cette BARBARIE de l'utilité qui a fini par corrompre jusqu'à nos relations sociales et nos sentiments les plus intimes. Son existence même implique en effet que soient mis en avant la 'gratuité' et le 'désintéressement' - ces deux valeurs aujourd'hui jugées intempestives et démodées." (Nuccio Ordine, in 'L'utilité de l'inutile', 2013)