Que diriez-vous d'une petite croisière ?

Avouons-le, j’avais quelques a priori, comme beaucoup parmi nous, d’embarquer sur un de ces gros navires.

 Quoi de mieux, pour ce faire une opinion, d’accepter l’invitation pour une croisière pré-inaugurale, à bord du MSC Grandiosa.

L’occasion aussi d’interviewer Patrick Pourbaix, un compatriote, Directeur Général France, Belgique et Luxembourg MSC Croisières & Président CLIA (Cruise Lines International Association). www.msccruises.be

-      Quelles sont les perspectives du secteur des croisières dans le monde et quid du marché belge ?

 Dans le monde il y a 30 millions de croisiéristes. Le premier marché est l’Amérique du Nord (Etats-Unis & Canada) bon pour 50%. Ensuite vient l’Europe (25%) avec surtout l’Allemagne (2,2 M) et l’Angleterre (2M), suivi par le reste du monde (25%). Ceci reste encore très modeste par rapport au milliard de touristes à travers le monde.

La Belgique et le Luxembourg représentent 1 % du marché européen. Les ¾ des passagers choisissent des destinations relativement proches (la Méditerranée - en progression de 8% -, l’Europe du Nord, les îles Canaries, les Etats Baltes).

 Les croisières d’une semaine ont un public plus jeune, les traversées transatlantiques et tours du monde ont un public plus âgé. Arrêtons de parler de tourisme de masse en ce qui concerne les 30 M de croisiéristes par rapport au milliard de touristes à travers le monde. Bien sûr, quand on voit un grand navire tout blanc, cela se remarque. Prenons l’exemple de Venise, qui accueille 31 M de touristes chaque année. Seulement 1 touriste sur 30 à Venise est un croisiériste.

 -      Quel est le Belge type qui part en croisière ?

 Le marché belge et luxembourgeois comptait 75.500 croisiéristes en 2019, avec comme âge moyen 52 ans. Le Belge moyen a une perception timorée, des préjugés tenaces, sans parler du phénomène de cruise bashing (campagne de dénigrement). La moyenne d’âge est de 45 ans, pas plus vieux comme certains auraient tendance à croire. MSC vise une clientèle Premium, pas le premier prix. Une idée de prix ? En saison intermédiaire, une famille avec 2 enfants peut partir en croisière pour moins de 2000 € en cabine extérieure pendant 1 semaine en pension complète. Selon les promos, les enfants sont parfois gratuits. En basse saison, en cabine intérieure, cela descend même à 1200€ ! 700 m² sont spécialement dédiées aux enfants.

 -        Le MSC Gandiosa est long de 331 m, avec une hauteur de 67 m et une largeur de 43 m ! Où sont les limites. Always bigger and … better ?

Dans le monde, il y a Royal Caribbean, qui est le produit mass market, avec Celebrity comme produit Premium et Silversea comme produit Luxe. Azamar occupant le créneau des expéditions. Ensuite nous avons le Groupe Carnival avec Costa en Europe pour le mass market, Holland America Lines comme Premium et Seabourn pour le Luxe.

MSC est Premium avec une partie Luxe mais sur le même bateau. Le MSC Yacht Club, situé sur les ponts avant, étant un bateau dans le bateau. Les 200 hôtes peuvent vivre en autarcie, profitant de tous les services d’un club privé. On est dans son quartier chic mais on sort en ville. Ici le small is beautiful, mais avec le big à côté.

Cirque du Soleil At Sea est présent avec deux spectacles originaux, six soirs par semaine.

 -        MSC fait de gros efforts en matière d’environnement. Les prochains navires fonctionneront au GNL (gaz naturel liquéfié). Le but ultime, des navires à zéro émission. Pouvez-vous nous en dire plus ?

L’enjeu est capital. Les mers et les océans ont toujours été au cœur de nos activités. Aucun déchet n’est « jeté ». Les avancées technologiques sont importantes dans ce domaine. De récentes études d’ONG, financés par des mouvements écologistes, affirment régulièrement sur bases d’approximations que les grands navires sur d’importants pollueurs. Sans nier l’utilité de faire des études et de prendre la problématique à bras le corps, elles cherchent souvent la polémique. Nous n’avons pas attendu aujourd’hui pour agir !

Il y a 300 navires de croisières sur les 60.000 navires à vocation commerciale qui sillonnent les mers à travers le monde. Arrêtons de se focaliser sur les croisières. En matière de pollution, il y a primo les fumées qui sortent des cheminées et secundo, comment sont traités les déchets de tout ce qui est consommé à bord.

Pour parler du second sujet. Nous sommes probablement les meilleurs élèves. L’hôtellerie n’a pas de système de gestion des déchets comme nous. La plupart des individus sont de plus gros pollueurs que nous collectivement. A terre, en tant qu’individu, je suis probablement un plus grand pollueur que quand je suis sur un bateau.

L’entièreté de la flotte MSC ne s’approvisionne plus jamais en eau potable dans les ports. Cette dernière est produite à bord avec des systèmes de désalinisation de l’eau de mer. Sur le MSC Grandiosa, cela représente 3 millions de litres d’eau potable par jour. Les eaux grises /noires sont traitées et ce qui est rejeté en mer est quasi de l’eau potable. A bord, il existe 7 tris différents. Les canettes en aluminium sont compactées. Leur nombre est connu d’avance et recyclés ensuite à terre. Plus rien de nocif est désormais rejeté en mer, à part quelques portions alimentaires coupées en morceaux pour les poissons. A bord de chaque bateau il y a un officier d’environnement, qui veille à la bonne application des procédures mises en place.

On utilise également un fuel plus léger limitant drastiquement les particules fines.

Une fois arrivé à bon port, on coupe désormais les moteurs et on se branche sur la grosse prise du port, limitant ainsi toute pollution à quai.

72 % de la surface de la terre sont des mers. De récentes études prouvent qu’elles absorbent 50 fois plus de CO2 que les arbres. Certaines plantes marines absorbent 2000 fois plus que les arbres. Nous finançons certains projets liés à cette biomasse marine comme la culture de plantes aquatiques connues sous le nom de posidonies. Beaucoup d’éléments ont été et seront encore mis en œuvre pour protéger notre ADN, à savoir la mer !

 -        Quels conseils donnez-vous aux primo-croisiéristes ?

Oubliez tous les a priori. N’essayez pas de tout faire, laissez-vous guider par le rythme du bateau, sinon vous allez vous stresser. Une croisière, c’est justement le délassement, le bateau vous portant littéralement d’escale en escale. On n’a pas le souci de faire ses bagages. Lorsqu’on est dans un circuit, on est censé être complètement détendu. Même en ce qui concerne la nourriture, tout étant compris, il y a cette sensation d’en « profiter ». Il y a des moments où on a envie d’aller en discothèque, un autre moment où on préfère écouter du jazz à deux dans le sky lounge. Contrairement à une idée reçue, les grands navires offrent précisément ce choix.

 -                    Votre meilleur souvenir à bord ?

Les bons souvenirs, il y en a tellement. Entre autres une traversée transatlantique à bord de Cunard, avec une approche de New York dans la brume et la Statue de la Liberté qui se dévoile lentement. Un souvenir beaucoup plus récent, l’entrée des bouches de Kotor au Monténégro, facile à faire de nos jours. Mentionnons également Dubrovnik et La Valette.

Quant à moi, le trajet était de courte durée. De Calais à Rotterdam pour être précis. Ces quelques journées à bord m’ont néanmoins permis d’apprécier l’infrastructure du navire. Grandiose est le mot qui convient. Les arguments avancés par Patrick Pourbaix m’ont impressionné. Maintenant c’est à vous de vous faire votre propre opinion. Partir en croisière ? Pourquoi pas !

Marc Sprengers / Article paru dans le DHMag / Journal du Dimanche le 29 décembre 2019.