Que sera la commande publique en 2025 ?

Que sera la commande publique en 2025 ?

« Le futur appartient à celui qui a la plus longue mémoire » Friedrich Nietzsche


C’est une prise de risques maximum, que de commencer, dès le 2 janvier, à tirer des plans sur la comète pour annoncer le programme commande publique de la nouvelle année… Surtout que 2024 nous a largement montré que rien n’est jamais certain...

Même pas peur ! Il suffit de procéder par ordre, avec des critères pondérés à l’aulne du réalisme.  


2025, année de la simplification …

Assurément, c'est quand même plus simple quand on dispose d’un Gouvernement (relire "Les ministres "commande publique" du Gouvernement Bayrou") ! Après cet épisode qui nous aura tenu en haleine pendant la trêve des confiseurs (relire "Noël sans JO… La bûche reste au frigo ?"), le Gouvernement aura réussi à publier deux décrets, entrés en vigueur ce 1er janvier 2025.

Le premier vient sauver in extremis le seuil des marchés de travaux à 100K€ (lire "Seuil des marchés de travaux : juste à temps !" et "Seuil 1OOK€ pour les marchés de travaux : à la recherche d’un vecteur alternatif ").

Le second décret, « portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique », est publié au Journal Officiel du 31 décembre 2024 (lire "Décret de simplification de la commande publique : 6 points clés à retenir"). Après la consultation lancée auprès des acheteurs, la Direction des affaires juridiques de Bercy a pris soin d’en expliquer le contenu. Elle liste les avis reçus qu’elle envisage par ailleurs de retenir, éventuellement, pour de prochains textes (relire "Projet de décret commande publique : ce que la DAJ retient de vos observations" et "Simplification de la commande publique : quelques précisions de la DAJ").  

Dans la rubrique, "Certitudes", on peut aussi sans grand risque annoncer, très probablement en novembre, les nouveaux seuils européens de procédure 2026/2027, car révisés tous les deux ans.  


… en tout cas dans le libellé

Au titre des travaux Commande publique certainement engagés, au niveau national, on notera le projet de loi de simplification de la vie économique. Déclaré d’urgence, il devrait reprendre son parcours législatif en passant devant l’Assemblée nationale (relire "Le Sénat adopte la loi « Simplification » : les mesures "commande publique""). Son libellé "simplification" permet un affichage politique bien commode, même si certains éléments récents sont venus mettre à mal l’apparente évidence (relire "La «simplification » contre la souveraineté nationale ?"). Par ailleurs, nul doute que le texte est loin d’être figé : de nombreux amendements pourraient le "gonfler" jusqu’à l’obésité, à l’occasion de telle ou telle initiative parlementaire ou repris de quelques rapports bien sentis (relire "[Interview Boris Ravignon] Augmentation des seuils et diminution des coûts de procédure : «une demande très forte des collectivités publiques»").

Bien avancée dans son parcours, la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales pourrait aussi être rapidement votée (relire "Financement de projet : une exception pour les petites communes ?").

Enfin, et dans un contexte terrible, la proposition de loi sénatoriale visant à rendre la commande publique réellement accessible aux artisans et petites entreprises locales en outre-mer (relire "Accès à la commande publique : une proposition de loi spéciale « outre-mer »") devrait aussi avancer, peut-être plus rapidement que prévu. Il ne serait pas étonnant que la loi spéciale de reconstruction de Mayotte, qui devrait être présentée la semaine prochaine, comporte des dérogations à  la commande publique et des modalités de financement assouplies, à l'instar de ce qui a été fait après les émeutes de l'été 2023, pour la reconstruction des bâtiments publics, ou encore pour la reconstruction en urgence de Notre-Dame de Paris. L'annonce par le premier Ministre de la création d'un établissement public dédié étaye cette hypothèse.   


Une révision des directives sous tension

Au niveau européen, la procédure de révision des directives devrait débuter. La consultation publique est lancée (relire "Révision des directives : qu’en dites-vous ?").

C’est un enjeu fort pour l’Europe : elle devra prendre en compte les critiques fortes émanant des Etats membres, mais aussi de la Cour des comptes européenne. Après un rapport très critique sur la faible concurrence en Europe (relire "Rapport Draghi sur la compétitivité de l'UE : la commande publique à la rescousse ?") et l’échec des directives étant largement pointé (relire "Concurrence en berne : la lettre de mission du Conseil de l'Union européenne à la Commission" - "Faible concurrence dans les marchés publics de l’UE : un échec des directives européennes ?" -"Dix ans de Directives "marchés publics" : un anniversaire « sous tension »" et "Commande publique européenne : la concurrence en régression. "Mais que fait la Commission ?"") il sera absolument nécessaire de répondre à la demande renforcée de protectionnisme au vis-à-vis des Etats tiers. Certes, en 2024, le législateur européen a pris des mesures avec la mise en place de l’Instrument relatif aux marchés publics internationaux ( IMPI : consulter notre dossier dédié), opérant ainsi selon certains un revirement « idéologique » (relire "[JAP 2023] Réciprocité dans les marchés publics : le réveil de la Force ?").

Selon Clémence Olsina, Directrice des affaires juridiques de Bercy, « il y a une réelle évolution du débat sur la souveraineté, la résilience et la sécurité d’approvisionnement ». Elle considère que « l’achat local sera un très gros sujet lors des négociations » (relire "[FSMP 2024] Les perspectives 2025 de la commande publique selon la DAJ"). Car les Etats membres connaissent des poussées de localisme et de prise en compte de critères géographiques.

Certes, l’adoption de nouvelles directives va prendre du temps. Mais cela ne signifie pas que la réglementation européenne est à l’arrêt ! La nouvelle commission européenne (relire "Commission européenne : le nouveau casting «commande publique»") procède désormais par règlements sectoriels ! (relire "L’Europe met-elle la commande publique au vert ?" et "Concurrence, souveraineté, achat durable… Il va bien finir par y avoir du mouvement dans la commande publique européenne !").

Bien plus tard, à l’occasion de ces directives, le Gouvernement français, qui entend depuis longtemps exporter son modèle d’achat public durable, devra surtout veiller à ne pas se voir à nouveau accusé de sur transposition…. L’Europe semble vouloir jouer la carte de la souplesse (relire "Europe : assouplir la commande publique, un objectif partagé"). Dans le contexte de simplification à échelle nationale, il faudra y veiller particulièrement !

Pour terminer, et au chapitre de l’improbable, on mentionnera la proposition de loi relative au secret professionnel (relire "Une proposition de loi pour mettre fin au secret des affaires") : il y a peu de chances qu’elle prospère, tant les oppositions se sont rapidement exprimées : « on ne touche pas au secret des affaires ! ».


La rédaction d’achatpublic.info vous souhaite une excellente année 2025

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Jean-Marc Joannès

Explorer les sujets