Quel avenir pour la liberté de ton des médias ?
Je souscris totalement aux propos de Laurent Ruquier ce dimanche dans le JDD ("Twitter détruit ce métier"). Il devient de plus en plus compliqué pour les producteurs ou directeurs de chaîne que nous sommes de protéger la liberté de ton de nos antennes.
Je précise qu'il ne s'agit en aucun cas de cautionner certains propos qui s'y tiennent ou de protéger leurs auteurs. Il m'est arrivé de sanctionner, logiquement, un non respect des règles, des propos inacceptables, blessants ou injurieux. En démocratie, un média libre et responsable n'a besoin pour le faire des conseils de personne, ni d'aucune pression. Le public saura de toute façon le sanctionner en le quittant s'il se soustrait à ses obligations.
Mais la récente explosion de délation et d'accusation qui se développe sur les réseaux sociaux et notamment Twitter, prenant d'ailleurs différentes formes, développe une implacable machine à censurer, mortifère pour nos libertés. Surtout lorsque ces nouveaux outils sont utilisés par des autorités telles que des ministres, y compris lorsqu'ils sont incompétents, au propre comme au figuré. Le scénario est bien huilé. Quelques signalements au CSA (le régulateur des médias audiovisuels), le relais d'associations ou personnalités plus ou moins aigries ou bien intentionnées via les réseaux sociaux et la mise en demeure du régulateur (a-t-il le choix ?) tombe comme un couperet. Attention toutefois à ne pas abuser de la méthode, cela peut finir par se voir et éclater au grand jour dans toute sa médiocrité !
Problème, pendant que de bonnes âmes utilisent Twitter et le régulateur pour régler des comptes et remettre la censure au goût du jour, réduisant la liberté de ton des antennes radio et TV dans des propositions historiques, sur les réseaux sociaux et le web justement, c'est la liberté totale de diffuser toutes les horreurs de la terre ! Sans gendarme ou presque à date. La toile reste à ce jour, en toute impunité, un déversoir de haine anonyme, d'insulte ou de violence impunies, d'apologie tranquille du négationnisme ou du terrorisme.
La dictature des réseaux sociaux se manifeste également de façon plus insidieuse. Twitter, j'entends tous ceux qui l'utilisent, n'a pas tardé à pénétrer le cerveau des animateurs et polémistes des antennes radio et TV régulées, tellement soucieux du bruit social de leurs propos qu'ils finissent par commenter sous influence. En effet, les membres de leur communauté exercent sur eux une pression permanente telle qu'au bout du compte, même inconsciemment, elle réduit leur libre arbitre et peut les entrainer à la faute. "Dois-je dire vraiment ce que je pense au risque de heurter ma communauté ?" Le dilemme est devenu permanent pour les animateurs accros aux réseaux sociaux. Il m'est arrivé de recommander à certains d'entre eux d'arrêter Twitter pour ne plus être sous influence et redevenir libres de leur parole, ce que leur média achète et ce que leurs auditeurs ou téléspectateurs attendent. Heureux les journalistes ou animateurs sans compte Twitter !
Il serait temps que tous les acteurs, journalistes, animateurs, producteurs, patrons de chaîne, régulateurs, autorités de tutelle, politiques, réfléchissent, chacun dans son périmètre de responsabilité, à la façon de rendre l'expression des médias audiovisuels plus libre et responsable à la fois, plus imperméable à l'influence des réseaux sociaux et à leur nocivité lorsqu'ils sont utilisés de façon malsaine. Méfions-nous de la censure et de ses nouveaux leviers, poisons pour la création, la prise de risque et la liberté de ton que doivent continuer d'incarner nos médias et notre démocratie.
Ceci étant écrit via un réseau social, preuve qu'ils ont aussi leur vertu...
CEO / CTO ONAIR.VISION
5 ansTrès juste texte François. Il est navrant en effet de constater ces dérives a l’heure où nos plus jeunes sont de plus en plus connectés. Ma crainte est de réussir le dialogue avec la nouvelle génération, biberonné au réseaux sociaux, pour qu’elle se construise à long terme dans la bienveillance et le recul nécessaire. Et c’est la tout le problème, lorsque nos dirigeants ou des personnes influentes dérivent dans le côté obscur. Pour autant, les réseaux sociaux sont des outils formidables de rencontres, de découvertes, d’opportunités ou simplement d’expression.
Construire et défendre la réputation des entreprises pour accompagner leur développement dans des conditions sereines et équilibrées. Communication Corporate, RP, Influence, Communication de crise
5 ansMerci François! Enfin un peu de bon sens! Les réseaux sociaux, et Twitter en particulier, sont un miroir déformant qui aliène totalement la liberté de pensée et d’analyse de ceux qui sont accro aux Like, aux 👍. , et autres followers... Autant dire de nombre d’usagers narcissiques. Parce que, soyons honnête, rien de plus narcissique que les réseaux sociaux...