Quel est l'impact de la crise actuelle sur une jeunesse en rupture ?
Interview des auteurs du Livre "Les enfants de la déconstruction. Portrait d’une jeunesse en rupture"(éd. Marie B., 2019).
Quel impact va laisser la crise du Coronavirus sur le modèle économique et civilisationnel occidental ?
Le Coronavirus est à l’image de la mondialisation. Cette économie des transports de marchandises, des flux humains incessants entre pays et civilisations a permis un essor économique majeur au cours des cinquante dernières années.
Aujourd’hui la donne a changé...
Les prophéties de Billes Gates sur la possibilité d’une épidémie lourde contre laquelle le monde n’était pas préparé n’ont pas été prises au sérieux.
Dans ce système où l’efficacité et la rationalité sont les mots d’ordre, le monde découvre que les médecins sont contraints à faire des choix dans les patients, les pays développés s’étonnent que l’on puisse manger des chauves-souris, que des animaux puissent être porteurs de maladies graves. Au phénomène écologique qui ne semblait suffisant pour induire un changement radical, la menace d’une contagion généralisée à entravé l’essor économique mondial.
Le coronavirus est anxiogène car il ne se cantonne pas à certaines régions du monde, ce n’est pas un virus que l’argent peut soigner ou qui se cantonne aux pays du Sud. Le Coronavirus dépend des comportements individuels, de la capacité des hommes à épargner des risques à autrui. Deux modèles s’opposent entre l’autoritarisme chinois qui semble s’être montré très efficace (bien que certains doutes planent sur la réalité des chiffres annoncés par le gouvernement de Xi Jinping) et un appel assez tardif à la responsabilité individuelle pour les modèles occidentaux. Pour l’Occident cette crise interroge sur la capacité des peuples à s’autodiscipliner et pour les Etats à résoudre la complexe équation entre libertés publiques et efficacité.
Incontestablement, la crise sanitaire que nous traversons doit nous pousser à reconsidérer le rapport des nations à la mondialisation ainsi que la pérennité d’un modèle économique qui ignore les défis environnementaux.
D’un côté, « la Startup Nation » se mobiliser pour aider à faire face à la situation actuelle (ex : Tooddoc, Everlywell, Kartable), d’un autre, « la France qui nous sauve » manque cruellement de moyens : pourquoi ces oppositions ?
Dans l’analyse des jeunesses proposée dans le livre, un hiatus tant économique que social et générationnel se manifeste entre une jeunesse « versatile », celle des startups et de la mondialisation, qui semble « dans le sens de l’histoire » et une France périphérique qui n’est qu’un « tous les autres » quand on n’a pas besoin d’elle et qui s’avère pourtant si importante comme le prouve la crise que nous traversons.
En cela, il faut bien distinguer la critique des startups (qui n’est pas le propos du livre) de celle de la startup nation qui s’incarne dans la politique d’un gouvernement qui semble oublier ceux qui font vivre la France.
Des Gilets Jaunes aux grandes grèves de début d’année, à l’action héroïque de toutes les personnes qui luttent au péril de leur vie contre le virus, ce « tous les autres » mérite mieux et il est triste que ce soient ces crises qui le démontrent.
La critique qui est formulée ne s’adresse pas uniquement à cette hégémonie de la pensée « startup » mais bien à la lame de fond qui poussa nos pays industrialisés à aller vers une économie de services au détriment de leur souveraineté et de nombreux savoirs faires. L’effort exceptionnelle que font actuellement nos entreprises (grandes ou petites) dans la production de gel hydroalcoolique, de masques ou de blouses rendent appréciables notre capacité industrielle nationale.
Quid de notre génération Y et Z qui composent avec l’avènement de l’IA et des réseaux sociaux ? Quelles sont les 3 étapes de vies de ces générations ?
Il existe un écart générationnel entre la génération Z (moins de 20 ans) et ses aïeux et la génération Y qui se construit comme un pont (entre 20 et 30 ans) ayant à la fois connu le monde d’avant Internet et ayant grandi avec son développement.
Les trois étapes qui composent la vie de toute individu, analysées dans le livre sont « m’aimer », « me faire », « me battre ». Ces étapes ne sont pas forcément linaires et varient d’un individu à l’autre, toutefois quand il s’agit d’analyser les tendances de fond de notre génération, ce découpage apparaît probant.
Ces étapes vont être profondément différentes pour les générations à venir et la coupure avec les générations passées bien plus forte. Là où des générations se déchiraient sur des idées, sur des auteurs, sur des pensées de liberté ou d’autorité, de religion ou d’athéisme, la génération qui précède et celle qui suit sont menacés non pas d’un déchirement mais d’un silence. Les moyens de communications sont différents, le lien social est réinventé par de nouveaux outils, le rapport au temps n’est plus le même ; ce sont deux mondes qui peinent à communiquer.
« La startup nation est une promesse » : comment faire en sorte de tenir cette promesse et de la rendre vertueuse ?
La startup est l’étape qui est censée précéder une réussite fulgurante.
Il est important de voir la startup, non comme une promesse mais bien un préalable, un espoir pour des entreprises fortes, profondément innovantes et au service d’un mieux-être.
La startup nation n’est pas uniquement un lieu où se concentrent, par bonheur, un grand nombre d’entreprises mais bien un écosystème dans lequel l’Etat, dans toutes ses formes, s’engage, financièrement ou non. Cette startup nation n’est pas un bloc homogène ; Israël qui a longtemps été appelé ainsi ou la Silicon Valley n’ont pas la même identité et ce serait une erreur d’espérer répliquer simplement les méthodes d’ailleurs pour que nos startups sortent de terre.
La France, par ses dirigeants, doit donner aux entreprises innovantes une direction volontariste et engagée. Le courage de choisir entre des innovations audacieuses, profitables à tous, technologiques ou médicales par exemple et des innovations que nous appelons avec humour « de supermarché » qui sont là pour vendre des produits avec un marketing racoleur, relève d’un engagement politique fort. L’écologie, la technologie de pointe, la santé et les territoires semblent être les grands axes de cette politique d’investissement majeur pour créer de l’innovation au profit de tous.
Comment va-t-on devoir repenser l’innovation post situation actuelle (Techforgood, Innovation sociétale…) ? Quels sont les 3 espoirs remèdes pour reconstruire un monde plus saint dont vous parle le livre "Les enfants de la déconstruction" ?
Incontestablement le télétravail qui est devenu une obligation pour un très grand nombre d’entreprises pourra s’inscrire de manière plus prégnante dans la vie des entreprises.
Sur le plan écologique c’est une opportunité très forte de réduire les déplacements et ainsi les gaz à effet de serres. Toutefois, les français s’en rendent compte, le télétravail n’est pas rose, les horaires sont devenus flous, ce lieu de déconnexion qu’est le domicile est devenu un lieu d’activité professionnel avec toutes les contraintes physiques et psychologiques que cela pose et la dimension inégalitaire entre les travailleurs en fonction de la qualité de leur lieu de vie.
Il est un peu tôt pour prévoir une révolution de l’innovation lié au Coronavirus, mais l’engagement pour l’écologie qui a pris une part de plus en plus grande dans la sphère publique depuis les cinq dernières années est lui des plus important. Les espoirs sont dans la terre, la science et l’éducation. Ensemble ce sont les éléments qui font battre notre pays depuis toujours, de Rousseau à Marie Curie, de Jaurès à André Citroën. Ce sont ces atouts et ces choix qui offriront à la France les moyens de créer un avenir qui ne soit ni dans l’isolement ni dans le suivisme.
L’espoir de la France de devenir la grande nation éco innovatrice n’est pas vain, notre territoire regorge de potentiels pour les énergies vertes et cet engagement pour une économie engagé au service des hommes doit passer par la France entière, c’est-à-dire l’ensemble de son territoire et l’ensemble de sa population.
Merci Paul Melun et Jeremie Cornet pour cet interview riche d'enseignements !
enseignant - designer - dessinateur
4 ansLa crise liée au Corona virus est très précisément une crise liée directement aux incapacités des générations Y et Z. Le repli sur soi, gérer l'image et la communication à la place de gérer la crise, l'étude statistique en temps réelle qui prime sur les prospectives sont typiques de ces tranches d'âge. Ces jeunes actifs ont inversé des valeurs en voulant immédiatement changer le monde mais en le figeant au moment où les choses doivent changer.