Quelle valeur a notre travail ?
Article extrait de "La vie au travail, mode d'emploi"

Quelle valeur a notre travail ?

Travailler confère un statut social en créant de la richesse pour la société. Ce serait parce qu’il est créateur de valeurs sociales et économiques que le travail est érigé en valeur. Quand Karl Marx (Docteur en philosophie, penseur révolutionnaire allemand et membre fondateur de l’Association Internationale des Travailleurs) argumente que « Le travail est (donc) une marchandise que son possesseur, le salarié, vend au capital. Pourquoi le vend-il ? Pour vivre », il signifie que la valeur-travail n’est pas ce que produit le travailleur, mais c’est bien la valeur de son temps et de sa force de travail qu’il vend au capital, contre une rémunération. Pour autant, les mutations économiques et sociales, engendrant le chômage de masse de ces cinq dernières décennies, et la crise sanitaire, questionnant notre rapport au temps de travail, ont fait perdre un peu de consistance à cette valeur-travail. Certains adultes tendent même à faire le deuil du travail, par incapacité, par contrainte ou par choix.

Généralement, le travail est valorisé lors d’un échange économiquement contractualisé (troc, facturation, salaire). Il peut autant être réalisé sans contrepartie financière : l’esclavage, dont la valeur est appropriée par le maître ; la chasse et la cueillette pratiquées originairement pour la subsistance de la tribu ; le bénévolat effectué principalement par altruisme (par narcissisme, pour quelques-uns) ; les tâches domestiques exécutées essentiellement par nécessité, mais rarement reconnues.

Si la valeur du travail n’était seulement qu’économique, comme s’échine à vouloir nous convaincre l’idéologie libérale dominante, la principale satisfaction qu’en tirerait son auteur serait sa rétribution. L’argent serait donc la source essentielle du bonheur, comme nous assène la publicité dont le but est de tenter de nous faire croire que c’est en consommant que nous nous épanouissons. Alors, pour être heureux, il faudrait « travailler plus pour gagner plus » et augmenter de la sorte notre pouvoir, ce célèbre pouvoir d’achat, au risque de sacrifier notre environnement et notre vie privée sur l’autel de la consommation. Pour autant, le fait d’avoir un travail nous protège de moins en moins de la pauvreté. Selon une enquête de l’Insee de 2017, plus de 6 % des salariés et 17 % des indépendants vivraient sous le seuil de pauvreté. Les courbes du chômage n’étant pas inversement proportionnelles à celle de la croissance, si une minorité d’actifs travaille plus et gagne plus, toutes choses étant égales par ailleurs, d’autres travaillent moins et gagnent moins, en faisant augmenter la fracture sociale (sa facture aussi) !

De plus, le travail est créateur de lien et de bien social, vecteurs essentiels d’épanouissement et de richesse personnelle et collective : cette réponse à notre besoin primitif de sociabilisation et à notre utilité pour la société sont des marqueurs de reconnaissance qui participent de l’estime de soi. Donnant aussi une valeur au travail, le lien et l’utilité, deviennent des arguments de plus en plus déterminants pour l’engagement professionnel d’un nombre croissant d’actifs.

Probablement marqués par son étymologie latine, tripalium, certains réfutent l’idée que le travail puisse être une source d’épanouissement, constatant qu’il est souvent source d’aliénation, de douleur et de souffrance. D’autres définissent le travail comme « une action sur le réel pour le modifier » ; en changeant le réel, nous changeons notre environnement, donc nous-mêmes. Néanmoins, toute activité implique de réaliser un effort, plus ou moins important. Réaliser un effort, c’est employer une force pour vaincre une résistance, qu’elle soit physique ou mentale. Le travail est donc souvent générateur de relatives douleurs, dont la justification résiderait dans ses effets positifs, que ce soit pour notre protection (sécurité et intégration au collectif, entre autres) ou pour notre développement (évolution et épanouissement, par exemple).

C’est grâce à la régularité de nos efforts physiques réguliers que nous entretenons notre corps, que nous devenons plus aptes à nous protéger et que nous développons quelques talents. Il en est de même concernant nos efforts de mémoire, de réflexion et de concentration qui préservent et développent notre santé mentale, même s’ils nous semblent douloureux, de temps en temps. À l’instar du stress, et comme toute autre tension, ce sont l’intensité et la durée de l’effort qui génèrent une souffrance, parfois insupportable. Pour autant, quand il est bien dosé, c’est bien grâce à l’effort que nous nous épanouissons.

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