Quelles solutions de paiement à 10 ans ?
Pour Jean-Pierre Paugam, président de Cylande, le consommateur sera son propre identifiant, ringardisant de facto la carte bancaire. En caisse, le client déjà identifié n'aura alors plus qu'à s'authentifier. Ce qui simplifiera et accélèrera la transaction.
Imaginons le commerce dans 10 ans. Quelles évolutions anticiper pour les solutions de paiement ?
Le paiement est «le» moment crucial du commerce. Tant pour le commerçant que pour le client, c’est le moment où la transaction prend corps. En forçant à peine le trait, c’est l’instant où les intérêts divergent. Celui du commerçant qui a pour objectif de vendre le plus cher possible ?Celui du client qui veut acheter le moins cher possible. Vu de l’acheteur, le paiement est une étape «douloureuse». Et tout ce qui participe à l’atténuer améliore la relation-client.
Par exemple ?
La montée en puissance de la carte bancaire (plus de 40?% des transactions désormais selon la Banque de France) montre bien à quel point la praticité et la simplicité sont des vertus majeures à ce stade. Le chèque ne représente plus qu’à peine plus de 20 % alors qu’il est gratuit et que la carte bancaire est généralement payante. C’est la preuve que la carte bancaire (pas l’objet bien sûr, mais la pratique) a quelques avantages...
Quelle perspective en tirer à échéance de 10 ans ?
Le paiement de type carte bancaire va encore gagner du terrain. Mais, en fait, il va surtout changer de forme. Schématiquement, avec une carte bancaire, il y a deux phases. D’abord l’identification du client. La carte – en tant que support – est là pour ça. Ensuite, il y a l’authentification. C’était la signature, c’est devenu le code confidentiel depuis l’invention (française !) de la carte à puce. Demain ça pourrait être l’empreinte digitale, grâce à la biométrie. Là où l’évolution la plus notable pourrait s’opérer c’est sur l’identification. Le client, par le simple fait qu’il est équipé d’un téléphone portable par exemple, devient son propre identifiant. La puce du mobile communiquera avec son environnement. Et donc identifiera celui qui le porte ou le tient. Arrivé en caisse, le client sera déjà identifié. Ne lui restera alors plus qu’à s’authentifier, par son code ou son empreinte.
A quel coût ?
A dire vrai, ce n’est pas le problème ! Rarement en effet une évolution technologique – en l’occurence le sans contact – n’aura eu autant de bénéfices collatéraux. Et la vraie question pour un commerçant n’est pas tant «quel coût ?» mais «quelles perspectives, au-delà du simple paiement». Les web-marchands l’ont bien compris. L’identification du client – et sa mémorisation – facilite certes la procédure d’encaissement. Mais le vrai bénéfice est ailleurs. Dans la véritable personnalisation de la relation, dans le fait de «pousser» des offres qui sont vraiment en adéquation avec le client, etc. Ce que le client perçoit, in fine, comme un service lorsque par exemple Amazon l’informe de la sortie d’une nouvelle édition de sa série favorite.
Service ou intrusion ?
Au fond, n’est-ce pas finalement la même chose ?? Je considère un message comme intrusif lorsqu’il ne m’apporte rien. Si j’y trouve un intérêt, je suis content de l'avoir reçu. La conséquence, c’est de faire porter une sacrée responsabilité sur les marques et/ou les enseignes. A elles de se rendre intéressantes pour que leurs messages soient perçus comme des services !
Dans cette idée d’intrusion, il y aussi une autre idée sous-jacente : la traçabilité de l’individu. S’il est son propre identifiant, il est identifié, donc traçé. Big Brother en somme...
Attention à ne pas tenter d’imaginer le futur avec des yeux d’aujourd’hui. Il y a une double traçabilité. L’une est perçue comme négative bien sûr, dès qu’elle touche à la vie privée, à l’intime, etc. Mais il y aussi une autre traçabilité, positive celle-là, expérimentée et vécue tous les jours par les web-users, les nouvelles générations. Pour eux, ne pas être obligé de se ré-identifier par exemple sur un site fréquenté régulièrement est un service. C’est pourtant une forme de traçabilité. Et n’oubliez pas que dans une dizaine d’années, cette génération sera aux commandes de la consommation ! L’identification sera pour eux d’une banalité affligeante. Car ils ont bien compris qu’ils peuvent certes être «tracés», mais qu’ils n’en ont pas perdu pour autant leur liberté d’arbitrer. Une forme de traçabilité peut être acceptée, perdre sa liberté, en revanche, ne le sera jamais.
Comment rendre ce scénario du consommateur auto-identifié non seulement possible mais également probable ?
Si l’on accepte l’idée que le téléphone portable sera le support de cette identification nomade en communiquant avec son environnement commercial global (et pas seulement en caisses), il faut donc créer l’habitude d’usage du téléphone en situation de consommation? C’est la principale vertu de toutes les expérimentations en cours. Elles créent un usage qui, au fil des ans, se banalisera et ouvrira la voie au «téléphone identité».