Quelques principes d'une philo-thérapie
1° Lorsqu'on vient à cause d'un événement, d'un acte réprouvé par la morale
La personne doit raconter ce qu’elle a fait, même si cela paraît un moment une forme d’exhibitionnisme, car en le racontant, elle verra dans l’autre comme un miroir de sa propre âme. Cf Alcibiade de Platon : pour se connaître soi-même l’autre est mon miroir. Or, la présence du philo-thérapeute doit rendre possible une approche sereine du vice, une approche froide mais qui devra trancher. On ne pourra par exemple plus dire des homosexuels : « Il fait ce qu’il veut ». La conscience, quand elle est en parfaite santé, réprouve vivement les actes homosexuels. C’est dans le dialogue que la conscience doit redevenir vive, sans pourtant éprouver une honte telle qu’elle soit insupportable (ce qui serait un sentiment inspiré par l’orgueil : une forme de haine dirigée contre soi). Il faut aussi arriver à maintenir dans le dialogue un parfait respect des personnes, et réprimer toute haine à l'encontre de la figure général de l'homosexuel, notamment, ou du délinquant. Une forme de douceur doit triompher du discours sur le pur et l'impur, en sorte que jamais la tendresse et la douceur ne semblent, à aucun moment, avoir disparu, sous l'effet du jugement moral qui peut paraître trancher avec aigreur, ou emportement, colère. Or, c'est justement la colère qui devrait avoir disparu, et l'amour emporter le droit de tracer le Chemin par lequel l'égarement a surpris la personne seule avec ses fantasmes ou son cinéma.
2° Lorsqu'on vient à cause d'un échec en société, au travail ou en couple
Là aussi, le récit prime, même s'il balbutie. L'attention du philosophe est sa vertu essentielle. Il pourra installer un dialogue, si le récit ne parvient pas tout de suite à se faire. Il arrive que certains récits deviennent interminables. Mais il faut laisser le temps de ce défaut, et au besoin noter quelques éléments dont le patient, manifestement, désire que l'écoutant ait bien pris conscience. C'est surtout le cas pour la vie de couple, les histoires d'amour. Parfois, le patient veut tellement être écouté, qu'il ne supporte pas de voir le philo-analyste prendre des notes. En effet, comme dit saint Augustin, on écrit uniquement parce que la mémoire peut faire défaut sur ce dont on prend notes (!) L'échec amoureux est donc une situation très délicate, et il faut y accorder une grande qualité d'écoute, une compréhension parfaite : il faut manifester une forme de confiance dans le récit du patient, bien que celui-ci soit intérieurement confronté à la possibilité d'enjoliver, d'escamoter, bref, de mentir d'une certaine façon. Quant à l'échec au travail, ou l'échec social, il faudrait pouvoir donner, par le dialogue, l'occasion à des pensées positives de se multiplier soudain, pour que le tableau ne devienne pas trop sombre.
3° Lorsqu'on vient parler d'une pathologie qu'on ne maîtrise pas et qu'on ne comprend pas bien
C'est le cas, surtout, pour les schizophrènes, qui affrontent des disfonctionnements du cerveau, donc de leur pensée, qui sont épisodiques et passagers. Dans une certaine mesure, le dialogue doit permettre au schizophrène, quand sa maladie est légère, de comprendre par quels mécanisme l'angoisse, l'affectivité et les délires sont liés. Notamment s'il s'agit de délire paranoïaque. Le récit des rêves peut venir compléter celui des épisodes psychotiques. Le philo-analyste est là pour écouter le récit, qui lui-même est un acte thérapeutique. Il y a bien sûr d'autres types de malades, mais la schizophrénie est très répandue (1% de la population française !). Les personnes souffrant d'hystérie, ou de phobie, de cyclothymie ou de déprime "longue durée" doivent aussi pouvoir trouver dans la discussion au sujet d'elles-mêmes, de leur monde, de ce qu'elles vivent, un moment de soulagement, qui deviendra peu à peu aussi un moment de soin authentique, complétant les médicaments prescrits par le psychiatre.