Quelques rappels sur le Défi de Janvier
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Quelques rappels sur le Défi de Janvier

Dry January est une campagne qui a été lancée en 2012 par Alcohol Concern dans le but d’initier un nouveau rapport à l’alcool, d’encourager tous ceux qui s’interrogent sur leur consommation d’alcool et enfin, de donner l’envie d’un changement de comportement après un mois sans alcool positif et ludique.

Cette campagne a remporté un succès grandissant en 3 ans, et comptait plus de 2 millions de participants au Royaume-Uni en 2015.

Mais, pour être clair, ce challenge n’est pas une cure de désintoxification et ne s’adresse pas non plus aux alcoolodépendants. Au contraire, ce challenge s’adresse à ceux qui boivent un peu trop, un peu trop souvent (au-dessus des seuils recommandés par Santé Publique France) sans réaliser les effets que cela peut avoir sur leur santé.

L’alcool est lié à plus de 60 pathologies médicales, incluant des cancers, le diabète, la dépression, et l’hypertension artérielle. Bien que cela puisse être difficile pour les médecins d’aborder la question de l’alcool avec leurs patients, le Dry January permet de le faire d’une manière non invasive, d’encourager leurs patients à évaluer leur niveau de consommation et à le réduire.

En fait, presque tous les patients en recherche de traitement medical tireront un bénéfice en participant au Dry January car :

  • pendant l’hiver où le froid et les virus sont présents, boire de l’alcool n’aide pas à guérir et peut perturber le sommeil ;
  • l’alcool peut interagir négativement avec les traitements prescrits;
  • les conduites d’alcoolisation peuvent s’accompagner d’anxiété, de mélancolie et de dépression; le Dry January est l’occasion d’encourager les patients à rechercher dans leur mode de vie ce qui peut affecter leur bien-être;
  • arrêter de boire de l’alcool peut augmenter les chances de perdre du poids, si c’est l’objectif à atteindre, et
  • plus de 10% des HTA chez l’homme sont liées à l’alcool.

Une étude a été menée par l’université du Sussex par le Dr de Visser et collaborateurs en 2015.

3 792 personnes (1 070 hommes et 2 722 femmes) de 18 ans et plus (âge médian 40,7 ans) se sont inscrits sur le site DryJanuary.org.uk.

Au total, 1 684 personnes (479 hommes et 1 205 femmes) ont été incluses dans l’études, et elles ont été suivies pendant 6 mois. A 6 mois, 857 personnes (249 hommes et 608 femmes) ont répondu aux différentes questions posées, soit 64,1% des sujets retenus ou 22,6% de l’échantillon initial.

Le questionnaire AUDIT a été utilisé (10 items), ainsi qu’une échelle (de Likert en 7 points, depuis « très difficilement » jusqu’à « très facilement ») en 9 items d’auto-efficacité à refuser de boire (de l’alcool) explorant 3 domaines :

  • la pression sociale (quand mes amis boivent),
  • le soulagement émotionnel (quand je me sens inquiet),
  • lors d’une occasion précise (quand je suis devant la TV).

D’autres questions étaient posées, comme de savoir s’ils faisaient le DryJanuary seul ou avec d’autres personnes, et s’ils avaient l’intention de suivre le DryJanuary (arrêter de boire pendant 1 mois).

A 1 mois, l’échelle d’autoefficacité à refuser de boire était complétée à nouveau, ainsi qu’à 6 mois.

A 6 mois, le questionnaire AUDIT était à nouveau complété, et cela a permis de savoir qui avait suivi le DryJanuary et combien de temps (exprimé en jours/semaines/mois).

Parmi ceux qui ont suivi le DryJanuary (pas d’alcool pendant un mois), soit 549 personnes (64% de l’échantillon), on constate :

-         une augmentation de l’autoefficacité du refus de boire (dans les 3 domaines),

-         une diminution de la fréquence de consommation hebdomadaire d’alcool (1 jour de moins « sans alcool » par semaine),

-         une diminution de la fréquence des ivresses au cours du mois précédent (divisée par 2), et

-         une diminution du nombre moyen d’unités d’alcool consommées par jour (passant de 3,8 à 3,1).

Parmi ceux qui n’ont pas suivi le DryJanuary (inscrits, mais pas effectué pendant 1 mois), soit 308 personnes (36% de l’échantillon), on constate :

-         une augmentation de l’autoefficacité du refus de boire (dans 2 domaines, « pression sociale » et « soulagement émotionnel »),

-         une diminution de la fréquence de consommation hebdomadaire d’alcool (moins de 1 jour de moins « sans alcool » par semaine),

-         une diminution de la fréquence des ivresses au cours du mois précédent (passant de 3,8 à 2,1), et

-         une diminution du nombre moyen d’unités d’alcool consommées par jour (passant de 4,2 à 3,7).

De plus, en questionnant ceux qui ont suivi le DryJanuary, on apprend que :

  • 88 % ont économisé de l'argent,
  • 82 % pensent plus réellement à leur consommation d’alcool,
  • 80 % pensent qu’ils contrôlent mieux leur consommation,
  • 76 % ont mieux compris quand et pourquoi ils boivent,
  • 71 % ont réalisé qu'ils n'avaient pas besoin d'un verre pour s'amuser,
  • 71 % dormaient mieux,
  • 70 % ont amélioré leur état de santé général,
  • 67 % avaient plus d'énergie,
  • 58 % ont perdu du poids,
  • 57 % avaient une meilleure concentration, et
  • 54 % avaient une meilleure peau.

Mais il y n’avait pas de groupe contrôle dans cette étude : elle ne concernait que les personnes inscrites sur le site internet DryJanuary.

Pour y remédier, les auteurs ci-dessus cités ont effectué une nouvelle étude prospective en ligne, à l’aide de questionnaires, en janvier, février et août 2019. Ils ont comparé 1192 participants au Dry January et 1549 adultes consommateurs d’alcool, mais ne participant pas au DryJanuary. Ces derniers ont été recrutés selon la méthode des quotas (appariement sur le sexe, l’âge et la région géographique).

Le bien-être physique a été évalué (une question avec 5 modalités de réponse, allant de « mauvais » à « excellent »), ainsi que le bien-être psychologique (14 questions, avec 5 modalités de réponse allant de « jamais » à « tout le temps »), l’autoefficacité du refus de boire (échelle décrite ci-dessus), et le questionnaire AUDIT-C (3 questions de l’AUDIT portant sur la consommation d’alcool).

Les personnes inscrites au Dry January ainsi que celles qui ont essayé de s’abstenir de boire sans être inscrit au Dry January ont été regroupé en un groupe « ont essayé le Dry January », et ils étaient 1 667. L’autre groupe était donc constitué par ceux qui n’étaient pas inscrit au Dry January et n’ont pas essayé de s’abstenir de boire, soit 1 074 personnes.

Les personnes du groupe « ont essayé le Dry January » (60,8% de l’échantillon) diffèrent de celles du groupe « n’ont pas essayé le Dry January » (39,2% de l’échantillon) :

  • elles sont plus jeunes (45,4 ans vs 49,8 ans), il y a plus de femmes (75,3% vs 50,9%), elles ont un niveau socio-économique plus élevé ;
  • à l’inclusion, elles ont un meilleur bien-être physique, se sentent plus concernées par l’effet de l’alcool sur leur santé et par le contrôle de leur consommation, mais elles ont un bien-être psychologique plus faible et il y a plus de buveurs « à risque », avec un score AUDIT-C plus élevé (8,5 vs 5,5).

62,4% du groupe « ont essayé le Dry January » ont réussi à ne pas boire pendant 1 mois, et ils ont un bien-être physique et psychologique qui augmente, tout comme l’autoefficacité du refus de boire.

6 mois plus tard, ces 3 paramètres sont restés stables et élevés ; la conséquence, c’est que leur consommation d’alcool a diminué, comme l’objective la baisse du score AUDIT-C depuis leur inclusion dans l’étude (6,7 vs 8,9). De plus, ils sont plus nombreux à s’engager dans une activité physique (48,7% vs 23,8%) et à manger de manière plus saine (52,3% vs 28,2%).

En 2019 ; les autorités sanitaires françaises avaient décidé de mettre en place à leur tour le Dry January, avec la MILDECA et Santé Publique France. En effet, la France reste parmi les pays les consommateurs d’alcool au monde, au 6ème rang parmi les 34 pays de l’OCDE, selon Santé Publique France.

Ainsi :

  • la consommation annuelle d’alcool pur, par habitant de 15 ans et plus, est de 11,7 litres,
  • 23,6% des 18-75 ans dépassent les repères de consommation en 2017,
  • 41 000 décès (30 000 hommes et 11 000 femmes) directement attribuables à l’alcool.

Une étude a été menée par Marion Coste et collaborateurs, de l’université d’Aix-Marseille, dans différentes structures d’addictologie, des ELSA et dans des bars. Les 179 personnes incluses dans cette étude avaient un score AUDIT supérieur à 15 (trouble de l’usage de l’alcool, selon le DSM-V). Un entretien semi-structuré était alors proposé, abordant les thèmes suivants :

  • le context de consommation,
  • les soins médicaux,
  • le traitement suivi pour leur alcoolisation,
  • les autres addictions éventuelles (tabac), et
  • l’environnement familial.

Il en était ressorti que les barrières à l’accès aux soins étaient représentées par : la normalisation de l’alcool (le vin surtout) comme mode de socialisation, la fonction sociale de l’alcool, la difficulté de l’accès aux soins, l’absence du médecin généraliste dans cette démarche d’accès aux soins, les co-addictions, et le soutien familial.

Le Dry January s’inscrit bien dans cette dénormalisation de l’alcool (du vin, en particulier), de la pression sociale, de l’utilisation (simple) du Dry January par les médecins généralistes (encore plus simple que le RPIB), et du fait de suivre cet évènement à plusieurs, comme le conjoint, les amis.

A l’occasion du Dry January 2022, la ligue contre le cancer a commandé une enquête à l’institut de sondage BVA, effectuée auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 français selon la méthode des quotas.

Alors qu’ils n’étaient que 23,6% en 2017, 31% des Français dépassent les seuils limites recommandés par Santé Publique France. Les jeunes (18-24 ans) sont particulièrement exposés : 78% d'entre eux déclarent boire de l'alcool et 45% en consomment au-delà des recommandations.

L'impact de la crise sanitaire sur les comportements est flagrant : 17% des participants à l'étude estiment boire davantage depuis le début de la pandémie, un taux qui grimpe à 30% parmi les personnes ayant une consommation à risque et à 28% parmi les jeunes de 18 à 24 ans.

Une large majorité des Français reconnaissent les bénéfices d'une pause dans leur consommation d'alcool pendant 1 mois sur leur poids (89%), leur énergie (88%), leur concentration (85%), leurs finances (84%) et ensuite le sommeil (82%).

Le Défi de janvier porterait bien son nom, car il semble en effet difficile de ne pas consommer d'alcool pendant 30 jours pour 29% des Français et pour 59% des gros buveurs.


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