Quelques repères sur les droits et devoirs des manifestants :

Quelques repères sur les droits et devoirs des manifestants :

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→ Les fondements juridiques et encadrements légaux du droit de manifester :

  •  Les fondements juridiques :

La liberté de manifester n’est pas inscrite dans la Constitution.

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, intégrée au bloc de constitutionnalité, dispose toutefois, dans son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

Au terme de sa décision n° 2019-780 DC du 4 avril 2019, le Conseil constitutionnel, a considéré que le « droit d'expression collective des idées et des opinions » découlait de cet article 11.  

En conséquence, le droit de manifester est un droit fondamental.

Selon l’article 9.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Enfin, l’article 431-1 du code pénal réprime le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté de manifestation par une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Les encadrements légaux du droit de manifester :

Obligation de déclarer la manifestation :

L’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure prévoit que toutes les manifestations sur la voie publique sont soumises à l’obligation d’une déclaration préalable (hormis les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux).

La déclaration doit être faite à la mairie de la commune, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la manifestation. 

A Paris, la déclaration est faite à la préfecture de police. 

Elle est faite au représentant de l'Etat dans le département (le Préfet) en ce qui concerne les communes où est instituée la police d'Etat.

La déclaration doit mentionner :

-        Les noms, prénoms et domiciles des organisateurs,

-        La signature d’au moins un organisateur,

-        Le but de la manifestation,

-        Le lieu, la date et l’heure du rassemblement,

-        L’itinéraire projeté. 

L'autorité qui reçoit la déclaration doit délivrer immédiatement un récépissé. 

Risques de troubles à l’ordre public :

Si les circonstances font craindre des troubles graves à l'ordre public et à compter du jour de déclaration d'une manifestation sur la voie publique ou si la manifestation n'a pas été déclarée, dès qu'il en a connaissance, le Préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut interdire, pendant les vingt-quatre heures qui la précèdent et jusqu'à dispersion, le port et le transport, sans motif légitime, d'objets pouvant constituer une arme au sens de l'article 132-75 du code pénal. 

Interdiction de manifester :

En vertu de l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, si l'autorité investie des pouvoirs de police (le maire ou le Préfet) estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public, elle l'interdit par un arrêté qu'elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration au domicile élu.

Dans ce cas, les organisateurs peuvent saisir le juge administratif, qui devra s'assurer que les mesures de restriction de la manifestation sont légitimes et proportionnées. 

→ Les sanctions pénales encourues :

·      Les sanctions encourues par les organisateurs :

L’article 431-9 du code pénal punit de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amende :

·       Le fait d’avoir organisé une manifestation sur la voie publique n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration préalable,

·       Le fait d’avoir organisé une manifestation sur la voie publique ayant été interdite dans les conditions fixées par la loi,

·       Le fait d’avoir établi une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l’objet ou les conditions de la manifestation projetée.

·       Les sanctions encourues par les manifestants :

La Cour de cassation a jugé qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’incriminait le seul fait de participer à une manifestation non déclarée (Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 juin 2022, n° 21-81.054).

Selon l’article R 644-4 du code pénal en revanche, le fait de participer à une manifestation interdite est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.

L’article 431-9-1 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l'issue de laquelle des troubles à l'ordre public sont commis ou risquent d'être commis, de dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime.

En outre, le fait de participer à une manifestation en étant porteur d'une arme est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

→ La différence entre manifestation et attroupement :

La Cour de cassation a défini la manifestation : « constitue une manifestation, au sens et pour l'application de ces textes, tout rassemblement, statique ou mobile, sur la voie publique d'un groupe organisé de personnes aux fins d'exprimer collectivement et publiquement une opinion ou une volonté commune » (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 9 février 2016, n° 14-82.234).

L’attroupement est défini quant à lui par l’article 431-3 du code pénal comme « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public ».

La distinction n’est donc pas facile à établir.

Le code pénal prévoit qu’un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser demeurées sans effet, adressées par le préfet, le sous-préfet, le maire ou l'un de ses adjoints, tout officier de police judiciaire responsable de la sécurité publique, ou tout autre officier de police judiciaire, porteurs des insignes de leur fonction.

En application de l’article R. 211-11 du code de la sécurité intérieure, l'autorité habilitée à procéder aux sommations doit :

1° Annoncer sa présence en énonçant par haut-parleur les mots : « Attention ! Attention ! Vous participez à un attroupement. Obéissance à la loi. Vous devez vous disperser et quitter les lieux »,

2° Procéder à une première sommation en énonçant par haut-parleur les mots : « Première sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux »,

3° Procéder à une deuxième et dernière sommation en énonçant par haut-parleur les mots : « Dernière sommation : nous allons faire usage de la force. Quittez immédiatement les lieux ».

Si l'utilisation du haut-parleur est impossible ou manifestement inopérante, chaque annonce ou sommation peut être remplacée ou complétée par le lancement d'une fusée rouge.

Si, pour disperser l'attroupement par la force, il doit être fait usage de grenades à effet de souffle, la dernière sommation ou, le cas échéant, le lancement de fusée qui la remplace ou la complète doivent être réitérés.

Toutefois, les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent.

L’article 431-4 du code pénal dispose que le fait, pour celui qui n'est pas porteur d'une arme, de continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

→ Les principales prérogatives des forces de l’ordre dans le cadre d’une manifestation :

·      Le contrôle et la vérification d’identité :

L’article 78-2 du code de procédure pénale prévoit que les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints peuvent contrôler toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

  • qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction,
  • qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit,
  • qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit,
  • qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines,
  • qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Ce texte prévoit également que l'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut être contrôlée pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.

Par ailleurs, en application de l’article 78-2-3 du code de procédure pénale, le Procureur de la République peut prescrire aux policiers, par des réquisitions écrites, de contrôler des identités pour des infractions précises : trafic de stupéfiants, ports d’arme… Dans ce cas, le Procureur doit indiquer de façon précise le lieu et l’heure à laquelle l’opération de contrôle se déroulera.

L’article 78-3 du code de procédure pénale dispose que si la personne refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, elle peut être retenue sur place ou dans un local de police.

Elle doit être présentée immédiatement à un officier de police judiciaire et doit être informée de la possibilité de faire aviser le Procureur de la République ainsi que de prévenir à tout moment sa famille, ou toute personne de son choix.

La retenue ne peut excéder quatre heures.

À la fin de la vérification, une copie du procès-verbal doit être remise à la personne contrôlée.

Si la personne interpellée maintient son refus de justifier de son identité ou fournit des éléments d'identité manifestement inexacts, les opérations de vérification peuvent donner lieu, après autorisation du Procureur de la République ou du juge d'instruction, à la prise d'empreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue l'unique moyen d'établir l'identité de l'intéressé.

Refuser de se soumettre à la prise d'empreintes digitales ou de se faire photographier est passible de 3 750 € d'amende et de 3 mois de prison.

Si elle n'est suivie à l'égard de la personne qui a été retenue d'aucune procédure d'enquête ou d'exécution adressée à l'autorité judiciaire, la vérification d'identité ne peut donner lieu à une mise en mémoire sur fichiers et le procès-verbal ainsi que toutes les pièces se rapportant à la vérification sont détruits dans un délai de six mois sous le contrôle du Procureur de la République.

·      La palpation de sécurité et la fouille :

Pendant une manifestation, la police peut effectuer une palpation de sécurité, définie comme une recherche extérieure, au-dessus des vêtements, d'objets dangereux pour la sécurité.

Cette palpation doit être accomplie par un policier du même sexe et ne peut en aucun cas consister en des attouchements ou une fouille à corps.

La fouille, c’est-à-dire la recherche de preuves d’une infraction dans un sac ou dans des poches, ne peut être faite que par un officier de police judiciaire, pendant les heures légales et dans le cadre d’une enquête. Elle est en effet assimilée par la jurisprudence à une perquisition.

La fouille intégrale, aussi appelée fouille à corps, consiste à rechercher sur le corps d'une personne des objets pouvant servir à commettre une infraction. La personne peut être amenée à se déshabiller.

La fouille intégrale est possible uniquement dans cas suivants :

  •   Flagrant délit (crime ou délit en train de se commettre ou qui vient d’être commis),
  • Enquête préliminaire, avec accord exprès de la personne, 
  • Commission rogatoire (ordre donné par un juge dans le cadre d’une enquête déjà ouverte),
  • Recherche de fraude douanière.

La fouille intégrale doit être indispensable pour l'enquête.

Elle est possible uniquement si la palpation de sécurité ou les moyens de détections électroniques ne sont pas suffisants.

·      L’interpellation et la garde-à-vue :

L’interpellation consiste en l’appréhension physique d’un individu aux fins de le présenter à une autorité policière ou judiciaire. Elle suppose l’exercice d’une coercition, faute de quoi il s’agit d’une invitation à comparaître.

Après une interpellation, un manifestant arrêté sera présenté à un officier de police judiciaire, qui a seul le pouvoir de le placer en garde à vue, notamment au motif d’arrêter une infraction en cours.

Dès le début de la garde-à-vue, la personne a le droit de :

  • Connaître l’infraction qu'elle est suspectée d'avoir commise, la date et le lieu présumés de celle-ci,
  •  Connaître les objectifs visés par la garde à vue.

La personne gardée à vue a également les droits suivants : 

  •  Droit d'être examinée par un médecin,
  •   Droit de faire prévenir par téléphone un proche (un seul), son employeur, et si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de son pays,
  •  Droit d'être assistée par un avocat, choisi par elle ou commis d'office, dès le début de la garde à vue,
  • Droit d'être assistée par un interprète,
  • Droit de se taire, de faire des déclarations ou de répondre aux questions de l'OPJ,
  • Droit de présenter des observations au magistrat qui peut faire une prolongation de la garde à vue,
  • Droit de lire, au plus tard avant l'éventuelle prolongation de la garde à vue, le procès-verbal indiquant le début de la garde à vue, les procès-verbaux d'interrogatoire. S'il existe, il peut également lire le certificat médical établi par le médecin venu l'examiner dans les locaux de la police judiciaire.

La durée de la garde à vue est de 24 heures maximum, renouvelables une fois sauf exceptions (infractions commises en bande organisée, trafic de stupéfiants…).

Le début de la garde à vue est le moment où le suspect est retenu, parfois avec force, par l'OPJ. Par exemple, le suspect est empêché de partir des locaux de la police judiciaire.

Si à la fin de la garde à vue le procureur de la République estime disposer d’éléments probants suffisants démontrant que le manifestant a commis une infraction, il est possible qu’il décide de le déférer devant un tribunal, le plus souvent en comparution immédiate (qu’il est possible de refuser, mais au risque de rester détenu dans l’attente du procès).

→ La « résistance passive » ou « résistance non-violente » 

Le fait d’occuper un lieu de manière non violente, parfois en restant assis, n’est pas considéré différemment de la manifestation « en mouvement » et suit donc le même régime juridique, notamment lorsque cette action se rattache à une action non déclarée/non autorisée ou qu’elle se tient dans un lieu privé.

Dans ce cas, les forces de l’ordre peuvent recourir à la force pour disperser les manifestants concernés.

Toutefois, elle ne saurait être assimilée à un acte de rébellion, définie par l’article 433-6 du code pénal comme le fait d'opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public agissant, dans l'exercice de ses fonctions, pour l'exécution des lois, des ordres de l'autorité publique, des décisions ou mandats de justice.

→ Filmer et photographier pendant une manifestation

Selon l’article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

La circulaire n° 2008-8433 du 23 décembre 2008 prévoit que la liberté d’information, qu’elle soit le fait de la presse ou d’un simple particulier, prime le droit au respect de l’image ou de la vie privée dès lors que cette liberté n’est pas dévoyée par une atteinte à la dignité de la personne ou au secret de l’enquête ou de l’instruction.

Les policiers ne bénéficient pas de protection particulière en matière de droit à l’image, hormis lorsqu’ils sont affectés dans les services d’intervention, de lutte antiterroriste et de contre-espionnage spécifiquement énumérés dans un arrêté ministériel [comme le GIGN, le GIPN, la BRI…] et hormis les cas de publications d’une diffamation ou d’une injure à raison de leurs fonctions ou de leur qualité.

Les manifestants sont donc autorisés à documenter, photographier et filmer les forces de l’ordre qui opèrent dans l’espace public, notamment lorsqu’elles font usage de la force.

Les forces de l’ordre n’ont ni le droit d’interdire de les filmer dans l’exercice de leur mission, ni celui de confisquer ou détruire le matériel.

Il existe toutefois des limites à ce droit : ne pas violer le droit à la vie privée, ni le droit à l’image des personnes filmées, ne pas être diffamatoires, et ne pas appeler à la violence ou à la haine.

Lors d’une manifestation, toute personne peut prendre des images et les diffuser, à condition de ne traiter que le minimum utile de données personnelles (visages, voix de passants, etc.).

Selon l’article 223-1-1 du code pénal, le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser aux fins de l'exposer ou d'exposer les membres de sa famille à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens que l'auteur ne pouvait ignorer est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Lorsque les faits sont commis au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.

En outre, le fait de filmer ou photographier une personne commettant des violences sur une autre est constitutif d’un acte de complicité de violences, au sens de l’article 222-33-3 du code pénal.

Le fait de diffuser l'enregistrement de telles images est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

L’infraction n’est toutefois pas constituée lorsque l'enregistrement ou la diffusion résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice.

Avertissement : Ces informations ont valeur de renseignements d’ordre général et ne se veulent pas exhaustives. Elles ne peuvent se substituer, le cas échéant, aux conseils et à la représentation par un avocat.

Liens utiles : 

https://www.interieur.gouv.fr/actualites/actu-du-ministere/schema-national-du-maintien-de-lordre

Organisation de manifestations, défilés ou rassemblements sur la voie publique | Service-public.fr

En quoi consiste la liberté de manifestation ?| vie-publique.fr·   

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