Qu’est-ce que ça va être banquier dans les 5 / 10 ans ?


 

Disons-le d’entrée : plus particulièrement depuis ces dix dernières années les banques Historiques doivent faire face, dans des temps de plus en plus contraints, à un nombre croissant de sujets, de problématiques.

 

On a là une véritable accélération des choses avec de nombreux enjeux, qu’ils soient techniques et financiers, mais aussi réglementaires et même humains, le tout dans un climat de concurrence qui est de plus en plus exacerbé sur certains services, sans oublier l’évolution des besoins et des attentes clients.

 

Et tout ceci se passe de surcroît dans un contexte de niveaux de taux bas, lequel est lié à une  politique monétaire accommodante1, et qui devrait le rester puisque le Conseil des gouverneurs ne prévoit aucun relèvement des taux d’intérêts directeurs de la BCE, du moins pas avant cet été, voire même que début 2020. Ainsi, charge est faite aux banques de réseau ou BFI dans leurs activités d’intermédiation bancaire (sur le volet crédits qui nous intéresse ici plus spécifiquement) - et qui rappelons-le, constitue tout de même la majeure partie de leur « rémunération » - de concilier objectifs commerciaux et réalité économique. Plus simplement, la marge d’intermédiation étant réduite par ces taux bas, les établissements sont poussés à faire de plus en plus de volume crédits.

Tel est l’étau dans lequel sont prises plus spécifiquement les banques de détail.

 

Et surtout qu’enfin, une dernière actualité vient percuter et se surajouter à toutes ces inquiétudes : le compte à rebours qui est plus qu’enclenché avec le risque d’un Brexit dur. Un no deal serait signe d’un arrêt de nombreux principes européens pour l’économie, à commencer par le passporting, privant ainsi de nombreuses sociétés britanniques d’exercer en Europe, et inversement. Bref, un contexte peu favorable pour l’économie, et les banques.

Que de sujets !

 

Pour commencer, on s’arrêtera sur les nouveaux acteurs au premier rang desquels on trouve les banques en ligne (ceci dès les années 2000, c’est en France une douzaine d’acteurs principaux pour un peu plus de 3 millions de comptes, soit encore autour de 5 % du marché ; c’est aussi 25 millions d’utilisateurs de services bancaires en lignes, soit près de 1 client sur 2), et désormais les néobanques2. Ces dernières tentent de pénétrer les marchés des services traditionnels, de la banque au quotidien (paiement, compte courant, agrégation, et dans une moindre mesure le crédit, voire un peu l’épargne pour certaines).

 

1 En revanche, la BCE semble pour l’heure rester imperméable aux menaces qui s’accumulent et a mis fin en décembre 2018 à sa politique monétaire lancée en 2015 de Quantitative Easing (rachat d’obligations sur les marchés), laquelle permettait pourtant in fine de réinjecter quelques 80 milliards d’euro par mois dans les banques afin de facilité l’accès aux crédits pour les entreprises et particuliers et ainsi booster la consommation.

 

2 Plusieurs configurations pour ces dernières, lesquelles sont cependant imperceptibles par le client. Ainsi, certaines néobanques bénéficient d’une licence bancaire, alors que d’autres disposent seulement d’un agrément d’établissement de paiement, ou d’établissement de monnaie électronique.

Très souvent, ces néobanques dites aussi « banques nouvelle génération » ont pour ADN de s’appuyer sur une logique résolument tournée vers l’innovation (des services novateurs comme la reconnaissance biométrique faciale et vocale), une dynamique de création permanente et plus récemment une logique de « mobile first » (ou tournée tablette).

 

Elles fondent par ailleurs leurs arguments sur la simplicité (elles proposent des dispositifs d’ouverture de compte courant aisés et rapides), la fluidité, l’instantanéité (hyper-connecté, les clients délaissent de plus en plus les interactions physiques au profit d’interactions numériques, le plus souvent sur des opérations simples avec peu de valeur ajoutée et nécessitant moins de conseils), une expérience utilisateur qui se veut plus agréable et une tarification basse, voire même la gratuité sur certaines opérations (car on constate le développement du client dit « zappeur », lequel n’hésite plus aujourd’hui à faire jouer la concurrence, et il est plus exigeant), tout ceci dans le cadre d’organisations caractérisées par des systèmes agiles, une culture start-up orientée « test and learn ».

 

Nos modes de vie ont changé, et ces nouveaux acteurs ont su profiter de nouvelles technologies disruptives.

 

Leurs forces : c’est en premier lieu une forte focalisation client (volonté de repenser l’expérience client) ; elles peuvent aussi s’appuyer sur leurs systèmes IT qui sont ouverts et surtout capables d’intégrer des services tiers. Et compte-tenu de leur core business, qui reste tout de même très axé sur les paiements, leur dernière force c’est aussi un facteur extérieur qui leur est désormais favorable : l’accélération/l’amplification de l’Open Banking, tout particulièrement avec l’entrée en vigueur le 13 janvier 2108 de la directive européenne dite DSP2 qui promet de bousculer le monde bancaire (cette directive ambitionne de simplifier les paiements pour favoriser la concurrence ; elle vise par ailleurs à promouvoir le commerce électronique). Les SI bancaires vont devoir s’ouvrir aux prestataires de services d’initiation de paiements.

 

Pour encore mieux les cerner, ces néobanques se scindent en deux grandes catégories d’acteurs : celle issue de la grande distribution et des télécommunications ainsi que celle des start-up/FinTechs. Si les premières visent plutôt le marché de masse, la seconde typologie vise, elle, plutôt les millenials3.

 

Ces néobanques ont déjà convaincu près de 2 millions de clients. A ce stade nous sommes sur une vision positive, voire même optimiste de la chose et l’on peut se poser la question de savoir « où s’arrêtera la croissance de ces entités qui pour l’instant se poursuit ? ».

 

Mais c’est peut-être l’arbre qui cache la forêt : une réelle nuance doit en effet être apportée, en ce sens que leur modèle économique demeure plutôt fragile.

Quelques unes cherchent même encore leur business model alors que toutes les autres se sont lancées dans une course effrénée à la conquête de nouveaux clients, et surtout, malgré ces conquêtes clients, leur surface financière reste fine.

 

3 Communément appelés la Génération Y. Il s’agit des personnes nées dans les années 1980 / 1990, catégorie d’âge qui a grandi entouré avec les nouvelles technologies. On parle aussi très souvent de digital natives.

Dès lors, pour ces nouveaux entrants, atteindre une taille critique le plus rapidement possible leur permettant d’être rentable est au cœur de leurs préoccupations. Le régulateur bancaire français, l’ACPR (l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution), se pose d’ailleurs lui-même, entre autres questions, celle de leur capacité à gagner de l’argent. Pour ce faire, leur stratégie est pour la plupart de ne pas se limiter à leurs territoires nationaux et de s’étendre à toute l’Europe.

 

C’est en soi un modèle économique précaire et très certainement plusieurs disparaîtront, à mon sens à une échelle de 5 à 10 ans.

Les néobanques qui survivront seront celles qui auront réussi à devenir des acteurs pan-européens proposant des offres étoffées. Il est quasi-certain aussi que certaines seront rachetées par des acteurs traditionnels et qu’enfin certaines, carrément, disparaîtront.

 

Et dans tout cela me direz-vous : les banques traditionnelles ne sont pas restées sans rien faire. Elles offrent aussi désormais des solutions innovantes avec des outils en ligne. Elles ont purement et simplement su abandonner le modèle purement physique dit de brique et de mortier (« brick and mortar ») pour s’adapter à un nouveau modèle de « clicks and mortar » qui permet de combiner les avantages de la banque traditionnelle à la banque en ligne : on parle plus communément de « multicanal » (physique, numérique et nomade).

Et puis les besoins de la population ne sont toutefois pas uniformes. Ainsi, une partie de la population reste tout de même attachée à l’agence (source AFB : même s’ils ne sont plus que 21 % à se rendre en agence) et même les clients digitalisés tiennent encore parfois aux interactions humaines, au moins pour les opérations complexes.

Les banques traditionnelles ont enfin diversifié leurs activités. A ce titre, elles se sont encore plus fortement tournées vers de nouveaux produits et services ; c’est tout particulièrement le cas pour l’épargne salariale ou encore ce qui entoure les métiers de l’assurance.

 

Mais la concurrence ne s’arrête pas là. D’autres acteurs frappent à la porte des activités de services financiers des banques traditionnelles, et eux à bien des égards n’ont pas des pieds d’argile et sont même, bien au contraire, des colosses : je parle, là, des GAFA.

 

Ces géants de l’Internet ne se limitent pas à leur core business et se développent de plus en plus dans d’autres domaines comme l’énergie, l’électronique mais aussi et plus encore sur les services financiers. Je reviendrai sur les GAFA plus avant compte-tenu qu’à mon sens ils ont, eux, une réelle capacité à supplanter les établissements traditionnels bancaires.

 

Autre grand sujet : une inflation, et on peut même aller jusqu’à parler d’une « pression » réglementaire imposée par les régulateurs. Pression au sens où si, avant, les banques pouvaient se permettre d’avoir des projets qui s’étalaient sur deux à trois ans, aujourd’hui, les attentes exigent des réponses dans des délais beaucoup plus courts.

 

Les établissements évoluent en effet dans un environnement de plus en plus réglementé qui a pour conséquence d’offrir son lot de défis et de questionnements. Et ne pas respecter la réglementation ne constitue absolument pas une option. Le légal et la compliance prennent ainsi une place très importante dans les grands projets des banques.

 

Par ailleurs, les couches de réglementaire sont de plusieurs ordres : issues des régulateurs nationaux auxquels s’ajoutent du légal européen (des textes aussi de transposition européenne), voire même des règles et des normes internationales (exemple : normes IAS/IFRS, Bâle 3 et bientôt Bâle 4). Cet état de fait tient intrinsèquement aux dernières années qui ont été marquées par une succession de crises financières (crise des subprimes, crises des dettes souveraines), lesquelles au travers des différentes analyses ont mis en avant que les exigences de la réglementation, par exemple en terme de solvabilité et de liquidités, s’étaient révélées insuffisantes ou inadaptées. Et au final, l’idée sous-jacente ne serait-elle pas de redonner un peu de cette confiance perdue ? Ainsi, dans la même veine, quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense, le RGPD colle à cette idée et va en sens. En France, la législation est en effet déjà riche en ce qui concerne la protection des données personnelles. Le RGPD vient renforcer l’action de la CNIL en élargissant le champ d’application à toute entité traitant des données personnelles et en instaurant une harmonisation à l’échelle supranationale.

J’ouvrirai enfin sur une petite parenthèse qui est proche de cette idée de « confiance », à savoir le critère désormais devenu indispensable et à absolument penser par les banques traditionnelles : « être sociale » en améliorant son image de marque auprès de ses clients comme de ses collaborateurs par l’utilisation des médias sociaux.

Cette augmentation générale de la pression réglementaire se situe à tous les niveaux de tous les métiers du secteur bancaire ; elle est tout particulièrement prononcée sur les activités de gestion d’actifs (asset management).

 

Ces renforcements de règles ont, du point de vue des régulateurs, pour macro objectif d’augmenter les niveaux d’exigences, de qualité des informations et reporting (BAFI, COREP et FINREP, etc.), et de rapidité de leur remontée afin d’accroître la résilience du système bancaire et de se prémunir d’une crise systémique.

 

Les banques ont, semble-t-il, trouvé une réponse à cette inflation du réglementaire avec l’essor de la RegTech à grande échelle. Ces RegTechs sont une nouvelle typologie de startups qui est apparue dans ce terreau fertile. La RegTech est en passe de faire évoluer le secteur financier en permettant aux banques de répondre à toutes ces nouvelles exigences réglementaires et de se mettre en conformité, plus rapidement et à moindre coût. Cela s’explique par le fait d’une part, que ces nouvelles startups offrent l’avantage d’une souplesse quant aux effectifs mobilisés et, d’autre part, qu’elles ont la parfaite maîtrise des dernières technologies nécessaires à cela (Blockchain, Big Data, Deep Learning, IA, etc.). D’ores et déjà, ces RegTechs travaillent sur des métiers d’application concrète comme la compliance, la fraude, les reportings réglementaires, la cybercriminalité ou encore les KYC4.

 

Dans ce domaine du réglementaire, à mon sens, l’année 2019 va être clé, notamment en raison de l’acuité des multiples problématiques rencontrées et de l’évolution de la place du régulateur.

 

Cela nous amène à creuser une question qui ouvre à un troisième sujet : le digital et par la même la technologie même, peut-elle réellement aider à gérer ces changements ?

 

4 Know Your Customer (connaître son client). Processus adopté pour réunir un ensemble d’informations sur chacun de ses clients, visant à mieux les identifier, mieux les protéger.

Ce troisième sujet, nous y voilà, c’est le digital. Déjà présent et adopté depuis plusieurs années dans la sphère privée, le digital n’est donc plus à cet instant une révolution pour les entreprises y compris pour les banques, mais assurément une évolution, une évolution logique.

 

Dans la banque, le digital prend deux aspects. Le digital externe qui vise à une présence et une visibilité sur les réseaux sociaux au travers d’interactions que l’établissement peut, ou bien plutôt, doit avoir avec ses clients et ses prospects. Le digital interne qui impacte les collaborateurs, sur l’organisation et les processus opérationnels.

 

Aussi, pour satisfaire les attentes de ses clients et répondre à de nouveaux besoins, la banque d’aujourd’hui doit être agile, c’est-à-dire être capable d’adapter son organisation et ses processus internes et ainsi se conformer à de nouveaux standards.

Cela passe par une efficacité accrue qui trouve sa source dans l’automatisation et la digitalisation des processus.

 

Peu disposées au départ à investir, plus pour des raisons conjoncturelles avec les crises répétitives que véritablement pour des raisons structurelles, les banques ont rattrapé leur retard et désormais ont plus qu’amorcé ce virage, cette transition du digital.

 

La stratégie première a été de proposer une offre semblable aux canaux traditionnels avec toutefois un mode de communication privilégiant les canaux à distance.

De façon concrète cela a été d’avoir une plus grande disponibilité par téléphone avec la généralisation des calls centers. C’est également la généralisation de l’utilisation des SMS, visio, mail (et maintenant, même les réseaux sociaux). C’est ensuite les créations d’eagence et enfin l’apparition des applications mobiles bancaires (le Mbanking).

 

La seconde stratégie a été de proposer en parallèle une offre différenciée, le plus souvent centrée sur un type de produit ou de client en particulier (une offre « client type »), l’idée étant de proposer une nouvelle identité et une forme d’indépendance. Cette stratégie a été très mise en pratique sur une clientèle plus jeune.

 

Sur le digital interne, si l’on fait un focus sur les processus opérationnels, la transformation digitale se distingue autour de deux axes.

L’automatisation qui permet une fluidité, une simplification et un gain de temps sur les tâches simples ; ce dernier point permet ainsi de transférer de la charge de travail vers des tâches à plus forte valeur ajoutée.

La dématérialisation qui permet de réduire les risques, d’accroître la sécurité et de tracer des opérations. La GED (Gestion Electronique de Documents : CAD la création d’archives électroniques) est sans doute sur ce sujet l’une des démarches les plus parlante.

 

Toujours dans cette idée d’être plus agile, les établissements doivent diffuser l’information de façon plus rapide et plus large. Ainsi, pour le quotidien des collaborateurs en banque, de nouveaux outils ont été mis en place. On citera l’apparition de réseaux sociaux d’entreprises, la messagerie instantanée, ou encore les MOOCs principalement pour faire des formations en ligne (y compris sur du réglementaire).

Cela s’est également accompagné par d’importants renouvellements d’équipements mis à la disposition des collaborateurs : ordinateurs portables (avec possibilité de faire de la signature électronique), tablettes, applications tierces…

 

Un dernier sujet, sans doute l’un des plus importants pour les banques traditionnelles à l’heure du Big Data, est celui de l’IT (Information Technology) et de fait de la gestion des systèmes d’information, lesquels subissent depuis quelques années et encore plus fortement que par le passé, une profonde mutation. D’ailleurs, plutôt que de parler de « gestion » des SI, il convient mieux de parler de « refonte » des SI.

Ils sont désormais totalement au cœur de l’activité bancaire et financière et se trouvent être l’objet de toute les attentions.

 

Ainsi, à l’ère de la digitalisation et de l’optimisation de l’expérience client, les banques doivent ouvrir leur système d’information, ceci par l’intermédiaire d’API5 (si l’on veut une image, c’est une sorte de « porte d’entrée » sécurisée dans les SI).

C’est par ces API que les banques entendent articuler leur transformation digitale. Une illustration concrète pour bien comprendre l’idée d’API ou plutôt d’Open/API : lorsqu’un client veut consulter son solde en ligne, il faut une porte entre le core banking system, où sont les données, et l’interface utilisateur, c’est-à-dire l’application mobile ou le site web de la banque.

 

Plusieurs facteurs poussent à se tourner vers ces API : l’utilisation croissante des réseaux Internet et la révolution de la banque mobile qui oblige à converser avec les systèmes d’information. A la clé de cela, on a une meilleure réactivité, une accélération du time to market (et au final, c’est un véritable outil de satisfaction client). Les établissements sont donc dans l’obligation d’adopter des core banking systems flexibles.

 

Plusieurs challenges sont donc lancés pour les établissements bancaires. L’un des tout premier demeure toutefois sans nul doute possible celui de relever les défis des impacts du digital sur les métiers. Capter toute la puissance des innovations et faire du changement un véritable catalyseur de succès deviennent essentiels.

 

Aussi, au-delà des outils et des technologies que nous avons abordés, l’humain entre en jeu avec comme ligne directrice d’accompagner tous les personnels. La conduite du changement prend alors tout son sens, impliquant en cela d’avoir une bonne communication stratégique (destinée à donnée le sens). Cette communication devra se mettre en place par la mobilisation, l’engagement, l’implication des acteurs qui, au sein de l’organisation, sont indispensables pour réussir le changement.

 

5 Application Programming Interface. Concrètement, c’est des interfaces de programmation ; on parle souvent aussi de briques technologiques (présentées comme des Lego).

C’est dans ce contexte haut combien complexe, et par ailleurs haut combien concurrentiel que les banques traditionnelles vont devoir rapidement trouver leur place, et surtout le bon équilibre pour continuer à se développer.

Quels services clients ? Et comment les développer ? Et avec quels acteurs ? Ou seules ?

 

On le voit, les lignes bougent ; et mon intime conviction pour se recentrer sur le cœur du titre de l’article c’est que le banquier devra évoluer, réinventer son métier.

 

Si je précise ma pensée, à mon sens la part d’extra-financier va augmenter. Les Banques traditionnelles ne pourront faire autrement que d’identifier clairement et rapidement les moments clés de la vie de leurs clients et devront les accompagner en amont et en aval de leurs projets.

Fini la segmentation trop classique de « service ». L’évolution même des profils des clients entraine d’aller vers une segmentation plus sophistiquée et de conduire à la personnalisation. La richesse et la quantité des informations qu’offre le Big Data devront se coupler à l’appropriation des ces informations par les chargés de clientèle.

 

Ma seconde « vision » est qu’aujourd’hui les banques ne peuvent déjà plus - et dans l’avenir ne pourront pas plus, voire même plutôt encore moins - tout contrôler dans la chaîne de valeur. C’est pourquoi, pour répondre aux besoins clients, elles se concentrent sur leur core business et généralement sous-traitent les autres services avec des partenaires, tout cela étant imperceptible pour les clients. Je trouve que cette stratégie fondée sur la notion d’architecture collaborative (permise notamment par les RegTechs) est d’autant plus intelligente qu’elle permet de minimiser les coûts de production et de maintenance.

 

Enfin, en parallèle à tout cela, la conduite du changement prend tout son sens. Dans une société qui bouge, évolue de plus en plus rapidement, la conduite du changement prend et va prendre de plus en plus de place ; c’est une nécessité, une évidence même.

 

 

 

Et puis, n’oublions pas qu’il y a un autre sujet, lui aussi tout autant primordial pour tous ces acteurs, sujet dans le sujet si l’on peut dire ainsi, l’Intelligence Artificielle.

Cette dernière nous amène à se poser la question suivante : va-t-on aller vers un conseillé « augmenté » ?

 

En effet, le machine-learning et plus encore sa version la plus aboutie de deep-learning, permet désormais de développer des algorithmes capables d’apprendre sur la base d’un important jeu de données. Leur démocratisation est en cours, et les services financiers ne sont pas épargnés. Car très clairement, l’IA, couplée à des technologies de type RPA (robotisation) pour l’automatisation des processus offre des avantages pour le moins nombreux : de contrôle et optimisation, de rapidité d’exécution, de réduction des risques d’erreur, et in fine et surtout de réduction des coûts.

 

Or, certaines de ces technologies sont déjà présentes dans notre quotidien.

 

Dans tout cela, très clairement, les géants de l’Internet que sont les GAFA et les BATX6 ont pris un peu d’avance. Car déjà à la base, non contents de disposer d’une surface financière démesurée, ils disposent aussi d’un nombre extrêmement important de clients/utilisateurs et surtout d’un réel savoir-faire dans l’exploitation des données de leurs clients au travers de mécanismes intelligents de sollicitation proactive.

Et notons-le, les établissements financiers sont eux-mêmes déjà consommateurs d’offres de ces géants : que ce soit sur des solutions de cloud, de ciblage marketing ou de paiement (Apple Pay ou Google Pay / proposé par le Groupe BPCE). Et des premières incursions des GAFA au sein des banques ont déjà eu lieu. Les GAFA veulent là très clairement se familiariser avec les enjeux bancaires. Mais n’est-ce pour ne pas mieux se préparer à des initiatives futures, et d’un tout autre ordre les faisant devenir des banques à part entière ?

 

Et dans ce cas là, toutes les stratégies des banques traditionnelles seraient à repenser.

 

Mais ne soignons pas si pessimistes : les banques traditionnelles ont déjà prouvé qu’elles savaient réagir, se transformer, et elles ont tout de même quelques atouts à faire valoir. On citera une très bonne connaissance des enjeux et des contraintes du secteur financier, un réseau physique de distribution et une image de tiers de confiance qui demeure forte7.

Ces forces constituent le socle sur lequel les banques traditionnelles pourront construire leur offensive.

 

6 Les BATX : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi. Ils se concentrent, eux, sur l’Asie et pour l’heure aucun signe n’est identifié qui pourrait indiquer une volonté à court/moyen terme de se développer en dehors, et tout particulièrement en Europe.

 

7 C’est d’autant plus le cas depuis le récent scandale de Cambridge Analytica qui a mis en avant l’utilisation par Facebook des données personnelles sans obtention du consentement des utilisateurs.

Article de Stéphane JAUFRENEAU pour GRACE Aqui

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