Qu'est-ce que l'intelligence collective ?
L’intelligence collective n’est pas une mode managériale, c’est le management qui est une mode de l’intelligence collective.
En tant qu’Homo Sapiens, nos modes relationnels et d’interaction sont le fruit de l’évolution et de la sélection naturelle. Des centaines de millions d’années ont façonné ce qu’on pourrait schématiquement appeler des « algorithmes biochimiques » dont nous sommes tous les héritiers. Comprendre et analyser comment ces algorithmes biochimiques se sont développés permet de refonder le management sur une approche anthropologique.
Nous sommes tout d’abord des êtres d’intelligence collective. C’est à travers elle que notre espèce a pu survivre en s’adaptant. En effet, avec l’apparition de la marche debout chez l’un de nos ancêtres, le poids de notre crâne s’est trouvé mieux réparti sur l’ensemble de notre squelette, permettant, au fil des générations, d’y augmenter le nombre de neurones, une augmentation qui a permis l’apparition d’une propriété émergente, favorable à la survie, l’intelligence humaine individuelle.
Cependant cette intelligence individuelle n’aurait jamais pu voir le jour s’il ne s’était pas développé en parallèle, de manière biologique, des mécanismes d’empathie et de coopération. En effet, pour différentes raisons physiques et physiologiques, nous avons « payé » le prix de notre intelligence individuelle par une naissance prématurée. Nous naissons « inachevés » en comparaison d’un ours, d’un loup ou d’un cheval dont les nouveau-nés sont autonomes bien plus rapidement qu’un nourrisson humain. Bébés prématurés, nous avons, en tant qu’espèce, survécu parce que s’est développée en même temps que l’augmentation du nombre de neurones dans notre cerveau – et donc de l’apparition de l’intelligence humaine –, une capacité d’empathie, c’est-à-dire une capacité de se mettre à la place de l’autre. C’est cette capacité empathique qui me donne, par exemple, envie de bâiller lorsque je vois quelqu’un bâiller. Équipés de cette capacité empathique, nos premiers ancêtres ont notamment pu comprendre que, lorsque le bébé pleurait c’est qu’il avait faim, froid ou encore besoin d’être protégé.
D’un point de vue biologique, notre intelligence individuelle s’est donc développée en même temps que notre intelligence collective, capacité d’empathie et d’interaction. Ce sont ces deux mécanismes concomitants, intelligence individuelle et capacité de coopérer, qui vont structurer notre Histoire humaine, dès ses prémices. La meilleure illustration étant l’invention du feu. C’est bien l’intelligence individuelle des premiers humains qui va se saisir du feu pour le mettre au service de notre survie, en nous permettant d’éliminer les parasites sur la viande, en tenant à distance les prédateurs, en prolongeant la journée ou encore en nous permettant de nous réfugier dans des grottes. Cependant, fruit de l’intelligence individuelle, le feu ne peut devenir une innovation sans la capacité du groupe à coopérer, car je dois être capable, en tant qu’individu, de pouvoir m’endormir en étant certain que quelqu’un veille sur le foyer.
À une époque où les termes d’intelligence collective et de management collaboratif semblent être à la mode, il est primordial de rappeler que la collaboration n’est donc pas une mode managériale, mais un mode naturel de fonctionnement de l’Homo Sapiens qui a permis sa survie. S’il y a une mode, c’est bien plutôt celle du management, dans son acception moderne, qui à l’échelle humaine n’a même pas 200 ans, une « poussière » des centaines de milliers d’années de nos algorithmes biochimiques.
Cette explication permet également de souligner un point qui aura une influence majeure sur l’approche de la facilitation : l’Homo Sapiens n’a pas attendu la mondialisation, la « société capitaliste », le management ou encore les organisations modernes pour se motiver et coopérer, c’est au contraire son mode de fonctionnement naturel. La sélection naturelle ne favorise pas le plus fort, mais celui qui coopère le plus.
Nombre de nos modes de fonctionnement et d’interaction doivent se comprendre à cette aune. En tant qu’Homo Sapiens, nous nous sommes développés pour coopérer et créer des sphères de sécurité psychologique nous permettant d’affronter ensemble les menaces extérieures. Notre cerveau s’est développé pour favoriser les relations humaines. Ce système de contacts sociaux dans toute sa complexité fut un déterminant majeur du développement de notre intelligence en tant qu’espèce.
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Cette réflexion possède ce corollaire : on n’impose pas la coopération au sein d’un groupe, on crée les conditions favorables, on est simplement facilitateur d’un mode de fonctionnement naturel de l’être humain.
Le facilitateur, le chef de projet ou encore le manager doivent développer une approche proactive de l’intelligence collective, en s’en donnant une définition opérationnelle :
L’intelligence collective naît de l’interaction entre les individus. Une interaction qui fait que l’intelligence collective est supérieure à la simple juxtaposition des intelligences individuelles.
Favoriser et utiliser l’intelligence collective revient donc à faciliter les interactions. La réunion d’Homo Sapiens pour réfléchir, travailler et créer ensemble devrait toujours être guidée par cet objectif. C’est la voie à emprunter pour développer une culture de l’intelligence collective, de l’organisation apprenante et de la réunion efficiente.
Toutes les références sur lesquelles s’appuient les paragraphes précédents sont à retrouver dans Manager Sapiens, De Boeck Supérieur, 2021
Pour aller plus loin dans la pratique de la facilitation, lire 121 Outils pour développer le Collaboratif, Eyrolles, 2017
Facilitatrice d'Intelligence Collective, Accompagnante, Praticienne certifiée DISC, Formatrice et Coach certifiée en préparation mentale appliquée à l'entreprise
2 ansMerci beaucoup pour cet article Cyril de Sousa Cardoso ! Je partage complètement votre vision ! J'espère vous croiser au salon Préventica 😉
Dirigeant.e.s, décidez avec lucidité, agissez avec audace🍀
2 ansMerci Cyril de Sousa Cardoso pour cet article. Partagé! Je me permets d'ajouter que "naturel" n'est pas nécessairement synonyme de "facile" 🙂
Consultant, chef de projet et intervenant - Lean Management, Agilité et Education
2 ansEt c'est loin d'être le propre des Homo Sapiens !
CEO chez Polaria 🧠 Démocratiser les technologies d'IA, les processus de créativité et d'innovation
2 ans✍ Les visuels illustrant cet article sont de l'excellente Agnès Payraudeau.