A quoi bon entreprendre?

A quoi bon entreprendre?

Première salve d’une réflexion qui ne changera probablement rien

Qui veut du gâteau, le politique à côté de la plaque, le huissier roi et le méchant patron à la botte de l’état 

Cela fait dix ans que j’ai lancé ma première entreprise. Au fil des succès, peu importe leurs tailles, il m’a été donné l’opportunité de grandir et d’étendre mes activités au fur et à mesure, petit à petit. Mais plus on grandit, plus cela devient étonnamment compliqué d’avancer. 

 Après l’euphorie du lancement, j’ai très vite compris que le chemin serait semé d’embuches. Je ne parle pas du business, qui, naturellement, fluctue au gré de la conjoncture, des tendances et des envies. C’est la notre mission de défendre notre vision et nos convictions et de les transformer en produits pour nos clients. Cet exercice réserve des surprises, des changements, demande une énorme habilité à pivoter et à remettre les choses en perspective. Parfois on se trompe, parfois on a raison. Mais finalement, n’est-ce pas dans cette quête qu’un entrepreneur pourra se différencier d’un autre ? A coté de ces fluctuations naturelles du marché, c’est bien l’ensemble de l’environnement entrepreneurial qui se complexifie lorsque nous grandissons, des banques aux administrations, des entités pseudo-étatiques auto-établies aux discours politiques déconnectés d’une réalité qu’ils ne semblent pas pouvoir imaginer.

 

Quelques points qui me traversent l’esprit ce jour et qui me poussent à partager:


  • Qui veut du gâteau ? Aujourd’hui, celui qui prend des risques sera le dernier à prendre une part du gâteau, et tout le monde s’en fout s’il  n’en reste rien. Il sera facile d’accuser l’entrepreneur d’avoir mal conçu son plan d’affaire si après avoir payé l’ensemble de ces charges, il n’est même pas capable d’en sortir quelque chose pour lui. La honte! On peut payer des millions par an de taxes diverses à l’état et employer des centaines de personnes et ne rien en ressortir, cela ne choque personne ?

Quand remettrons-nous en question les facteurs (et ils ne sont pas que financiers) pouvant mener à la prise d’initiative ?

L’entrepreneur supporte seul le risque, mais partagera toutes les retombées positives. Si nous voulons encourager l’initiative, et nous savons comme elle est importante dans le modèle taxicomaniaque de notre pays, il est primordial de sécuriser une part du gâteau à l’entrepreneur. Et pas seulement en cas d’exit ou de giga-succès.

L’entrepreneur devrait avoir une autre alternative de réussite financière que celle liée à la vente de ce dont pourquoi il a consacré tant d’énergie. La valeur sociétale d’une entreprise dépasse son seul bénéfice bilantaire. L’ensemble des retombées positives entrainées par son activité, qu’elles soient économiques ou sociales, devraient être considérées dans la gratification de son initiateur. Pourquoi n’en parlons nous jamais ? Aujourd’hui, la fiscalité nous encourage à vendre nos parts sans être taxés plutôt qu’à continuer le développement de notre propre entreprise, dans laquelle nous sommes assommés si nous voulons en sortir quelque chose. 

 

  • Un monde politique à coté de la plaque. En dehors des discours de campagne, tantôt anti-patron, anti-réussite, tantôt pro-entreprise, pro-succès, les politiques mettent trop peu en place pour protéger et encourager l’entrepreunariat. C’est pourtant le terreau d’une source de richesse illimitée, de l’épanouissement personnel et collectif au sein de notre société, d’une culture de la réussite et de travail et, surtout pour eux, d’un moteur d’emploi indispensable si nous voulons garantir le modèle social en vigueur. L’appareil d’état ne pourra pas indéfiniment donner du travail à tout le monde, les grandes entreprises encore moins. Qui reste-t-il ?

A l’inverse, les structures publiques semblent aujourd’hui s’obstiner à rendre le plus décourageant possible le moyen de réussir dans notre pays. Evidemment, nous avons besoin d’une vision politique triomphante, de grands chantiers, d’ambitions dans les secteurs du futur, de la ré-industrialisation de certains de nos territoires. Mais comment pensent-ils y arriver concrètement si aucun entrepreneur n’y trouve son compte quand il faudra, sur le terrain (et non pas sur les plateaux de tv), dans la réalité des enjeux, se retrousser les manches pour se mettre au travail ?

 

  • Le huissier est devenu roi. Cette tendance semble répondre à une course effrénée à trouver de l’argent, beaucoup et vite, peu importe ce qu’il en coute et des dégâts que cela engendrera pour le ponctionner. Que ce soit pour une facture en retard de paiement, ou des intérêts ONSS, de nombreuses entreprises et organismes publics semblent considérer comme judicieux de faire appel à des huissiers comme première solution pour régler un problème, et ce quelle que  soit la somme, et la forme d’ailleurs, la durée du retard ou une éventuelle explication. On s’en fout! En dehors des frais exorbitants de ceux-ci, la démarche fait réfléchir. Cela donne un aperçu assez déprimant de l’état dégradé des relations entre les différents acteurs, de l’état envers les entreprises privées, et celles d’un client et ses fournisseurs. La concertation est morte, les aides inexistantes, l’empathie disparue. L’état devrait être l’initiateur d’un monde où l’on s’arrange plutôt que d’un modèle où les décisions radicales sont préférées à la conciliation amicale. Si j’ai plus d’idée, je deviendrai huissier!

 

  • Le méchant patron qui gagne plein de fric. Et si seulement c’était vrai … Mais avoir une image de merde alors que c’est galère, c’est vraiment pas incroyable! J’en ai marre d’opposer les travailleurs et les patrons. Les syndicats sont aujourd’hui des organismes tout puissants condamnant, attaquant, jugeant sans distinction des entrepreneurs démunis face à une telle autorité. Le patron a peur du travailleur syndiqué, qui se syndicalise par peur d’être entubé par son patron. Comment en sommes-nous arrivés là ?

La bipolarité du modèle profite à ces organismes qui s’auto attribuent (grâce à quelques soutiens politiques) le droit de pouvoir imposer aux employeurs une vision sociale définie. Too big to fail ? Les entrepreneurs ont besoins des travailleurs, et vice versa. L’alignement des intérêts est crucial pour avancer dans une même direction. Du bien-être des travailleurs au partage de la richesse (mais que reste-t-il encore du gâteau ?), les pistes d’un nouveau modèle d’entreprise fructueux pour demain ne manquent pas. J’ai malheureusement souvent la malchance de pouvoir observer que la radicalité des organismes de défense des travailleurs tend à nous éloigner de cette trajectoire, et ce n’est bon pour personne. La réalité du terrain est que le travailleur est sur-protégé par la législation sociale et que la tentation d’en profiter ressurgit de temps à autre. L’employeur est alors totalement démuni. Nous devons sortir de ce modèle d’affrontement social. Qui veut du gâteau ?   


  • Nous passons trop de temps à faire autre chose que ce pourquoi nous avons créé une entreprise. Le core-business de l’entrepreneur est devenu de gérer l’administration, non pas de son entreprise, mais bien de notre état. Nous sommes constamment soumis à des demandes et des surprises (rarement bonnes). Les démarches pour développer une activité sont meurtrières, les amendes en cas d’infraction tonitruantes. Les organismes communaux, régionaux, fédéraux, les agences mandatées par l’état, une liste sans fin de corps intermédiaires ponctionnant sans arrêt, à tout-va, souvent sans raison, des entreprises sans moyen de défense, pour la bonne gloire des cabinets d’avocats, des consultants et de ces fameux huissiers…

L’entrepreneur ne serait-il pas finalement le fonctionnaire le plus rentable de l’état ? Sans contrat de travail et avec une protection plus faible que les autres, sans revenu fixe et surtout sans minimum légal, ni indexation, il est assuré de présenter une motivation qu’il lui faut sans faille et de générer de l’activité (et donc des revenus). Pas d’inquiétude, si l’entrepreneur n’arrive plus à générer assez de revenu, il sera facile et rapide, sans préavis, de l’envoyer à la case faillite, en récupérant ce qu’on peut sur la carcasse du courageux défunt. 

  

Je rêve d’un système plus juste pour tous. Conscient que ceci ne changera probablement rien, je ne peux m’empêcher de croire que l’on pourrait faire tellement mieux. Tellement mieux pour accompagner les entrepreneurs à se lancer, à encourager la prise d’initiative, aussi à la récompenser, tellement mieux pour adoucir les relations entre les différents intervenants. Un état qui encourage avant de ponctionner. Des huissiers qui sont appelés quand aucune conciliation n’a permis d’y arriver. Des travailleurs et des patrons alignés. Fatigué de bosser à temps plein pour un modèle qui n’assume rien quand ca va pas mais qui prend tout quand ca va bien, à me battre constamment contre des législations inadaptées, face à des fonctionnaires désinteressés. Fatigué par le racket perpétuel organisé par le balais des vautours qui attendent notre fin. Je rêve d’un système plus juste pour tous, ou tout le monde pourra manger à sa faim! Qui veut du gâteau ? 

Mehdi ZOUAOUI

HR Manager chez Senzu S.A.

2 mois

Magnifiquement écrit, j'ai l'impression que tes mots sont un prolongement de nos pensées quotidiennes et malheureusement tellement vrai. Quelle tristesse ! je partage !!

Tristan Pierson

Chateau Favori family

3 mois

Super texte, belle rédaction et surtout belle définition des problèmes actuels.

Carlien Cavens

Say YES to life and reveal your wildest self 🔥 | Wilderness, Breathwork & Psychedelic Retreats for curious souls | Nature & Life Guide | Keynote speaker | Belgium's 40 under 40

3 mois

Amen 🙏

Mais tellement !! La question, l'herbe est vraiment plus verte ailleurs ?

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets