Qu’y a-t-il de changé après les élections américaines ?
Le psychodrame politique qui a secoué la vie politique américaine ces derniers mois semble proche de se clore et nous pourrions être tentés de rêver que l’épisode Trump ne fut qu’un hiatus et que la vie va reprendre son cours normal avec l’élection de Biden. C’est loin d’être certain.
Pour les démocrates, les intellectuels libéraux, les diplômés de l’université (30% des Américains), les habitants des métro-polis, les jeunes, les mères de famille des banlieues « classe moyenne », les technologistes, les environnementalistes, les gays et les transgenres, l’élection de 2016 fut un tremblement de terre, et les quatre ans qui ont suivi une sinistre farce.
La présidence lamentable qui a suivi leur rendit espoir : certainement, l’inanité de ce président décillerait les yeux de ses électeurs et assurerait son renvoi dans les poubelles de l’histoire. L’élection de 2020 a montré combien cet espoir était vain. Trump, quoiqu’on veuille s’illusionner, ne fut pas loin de garder le pouvoir encore quatre ans, et plus d’Américains ont voté pour son « ticket » en 2020 qu’en 2016 (comment ? Parce que le taux de participation en 2020 a été le plus élevé depuis le début du XXe siècle). Alors, y a-t-il quelque chose de changé ?
Pour appréhender le résultat des élections, il faut faire le tri entre les électeurs républicains et les électeurs trumpistes. Les premiers, qui représentent au moins la moitié des votes pro-Trump, n’ont pas mis dans l’urne un bulletin pour le président sortant, ils en ont mis un pour le candidat républicain, en dépit du fait qu’il s’agisse de Trump. Signe clair : dans de nombreux districts remportés par Biden les démocrates ont perdu les élections au niveau local. Conclusion paradoxale, il n’y a pas eu de raz-de-marée démocrate et ce sont surtout des électeurs républicains – des « traîtres » - qui ont élu le ticket Biden-Harris.
Pour beaucoup de trumpistes, l’étiquette républicaine importe sans doute peu ; ils votent contre l’ordre établi et sont surtout sensibles à la tonalité raciste et xénophobe des discours de leur candidat et à son exaltation d’une Amérique mythique. Trump exprime – enfin ! – une frustration longuement accumulée contre l’Autre, qu’il s’agisse de l’establishment, des Mexicains, des illégaux, des athées, des intellectuels, des Noirs ou des déviants sexuels. Ils n’ont pas voté pour un programme (d’ailleurs Trump n’en avait pas), ils ont voté pour une identité qu’ils sentent menacée et contre un système dont ils pensent qu’il les méprise. On trouve d’ailleurs parmi eux des électeurs qui ont voté pour Barak Obama en 2008 et en 2012.
Après le départ de leur idole, il est possible que les trumpistes disparaissent progressivement de la scène politique, à moins qu’une autre grande gueule populiste ne vienne les rameuter. Ou que Trump ne revienne à la charge. Les fractures sociales et les évolutions démographiques sont toujours là, le discours politique est toujours extrêmement polarisé. Dans ce cadre, qu’est-ce qui peut vraiment changer ? Quelle latitude pourra bien avoir le duo Biden-Harris?
Expert suivi-évaluation chez UNDP
4 ansUne excellente analyse, mais il ne faut pas perdre de vue les mutations démographiques en cours. La population blanche qui diminue du fait de la baisse drastique du niveau de natalité. Parallèlement, les populations hispaniques augment de même que les populations noires et métis. Si cette tendances se maintient les prochaines années vont connaître des bouleversements remarquables, aussi bien d'un point de vue démographique que social.