Récession + hausse de la dette en Europe = un cocktail explosif qui ravive de vieux fantômes du passé
Déjà très fragilisée par les craintes liées au Brexit et aux tensions commerciales sino-américaines, c’est une économie européenne très vulnérable qui affronte la crise sanitaire du Covid-19.
La France et l’Italie ont tous deux enregistré une contraction de leur économie au T4 tandis que l’économie allemande est restée stable sur cette période (0,0%). Une récession au 1er semestre 2020 est très fortement crainte au sein de ces trois pays parmi les plus touchés par le coronavirus (on y ajoute aussi l’Espagne). L’Italie, véritable épicentre de l’épidémie en Europe mais aussi économie européenne la plus vulnérable, est aujourd'hui la région la plus à risque.
Les projections réalisées par l'OCDE début mars au début de la crise du coronavirus en Europe ciblaient déjà une croissance nulle en Italie en 2020. Bien que ces projections soient désormais obsolètes, elles soulignent néanmoins la vulnérabilité des locomotives économiques de la région face aux chocs économiques et financiers provoqués par la pandémie mondiale.
Source: OCDE
La banque centrale européenne arrivant à bout de souffle après avoir maintenu à bout de bras l’économie européenne pendant plus de 10 ans à coup de taux négatifs et injections massives de liquidités (plus de 2,6 Trn€ injectées sous forme de rachat de dettes publiques et privées), les gouvernements européens multiplient ces derniers jours les annonces de plan de soutien et mesures de relance budgétaire :
Plan de 25 Mds€ d’aides directs en Italie / Plan de 45 Mds€ d’aides aux entreprises en France et garantie apportée par l’Etat sur 300 Mds€ de prêts bancaires / Plan d’aide de 17 Mds€ en Espagne et garantie apportée par l’Etat sur 200 Mds€ de prêts bancaires / En Allemagne, le gouvernement s’est dit prêt à utiliser très largement les 550 Mds€ de fonds de la banque d’Etat
Essentiels durant cette période de crise qui traverse la région, ces plans de soutien et la hausse des déficits publics qui en découlent soulèvent la question de la soutenabilité de la dette européenne qui n’a cessé de gonfler depuis la précédente crise financière de 2008-2009. Si la dette publique agrégée de la Zone Euro reste inférieure à 90% du PIB total de la région (86% au T3 2019 d’après les dernières données de l’organisation Eurostat), ce ratio est plus important en Espagne et en France (98%) et surtout en Italie (135%) qui est le second pays de la Zone Euro le plus endetté derrière la Grèce.
Source : Eurostat
Le gouvernement français a détaillé hier les premières répercussions directes de la crise sanitaire et de sa politique budgétaire expansionniste :
Contraction de la croissance de -1% en 2020 vs. +1,3% initialement anticipé par le gouvernement
Déficit public attendu à -3,8% du PIB en 2020 vs. -2,2% initialement anticipé par le gouvernement
Risque que la dette publique dépasse en 2020 pour la 1ière fois la barrière symbolique des 100% de PIB
Dans un contexte de ralentissement de la croissance, la hausse significative des dépenses publiques au sein de pays déjà très lourdement endettés soulève quelques interrogations et beaucoup de craintes de revoir la région frappée par une crise similaire à celle de 2011-12 avec l’Italie jouant le rôle de la Grèce. Malgré les annonces de soutien ces dernières heures des gouvernements et de garantie des prêts bancaires, les banques sont en première ligne parmi les victimes collatérales de cette crise. Le risque de défaut des entreprises dans le contexte de confinement actuel opéré par un grand nombre de pays européens pour lutter contre le coronavirus demeure important aussi on observe sur le mois écoulé un large repli des titres bancaires qui pour certains d’entre eux ont perdu plus de 50% de leur valorisation.
Données actualisées au 18 mars 2020 (13h00). Source : MSCI
On assiste ces derniers jours à une forte hausse des taux d’intérêt obligataires en Italie, en Espagne et en France, le taux 10 ans dans ces trois pays ayant atteint cette semaine un pic d’un an et plus (voir graphes ci-dessous). Par ailleurs, le coût des CDS à 5 ans ; contrats d’assurance contre le risque de défaut des gouvernements nationaux ; a également fortement bondi et atteint un pic de près de 2 ans en France et de plus de 7 ans en Espagne (voir graphes ci-dessous).
Données journalières actualisées au 18 mars 2020 (13h15). Source : Reuters
Après avoir été le « hit » du début du mois mars avec un rebond de 6%, l’euro redescend brutalement sur terre et enregistre un recul de -4% sur les 6 dernières séances. Le cours EUR/USD oscille actuellement à hauteur de $1,10 et reste vulnérable face à une triptyque inquiétante – crise sanitaire, économique et financière – qui menace l’Europe, et en premier lieu ses leaders économiques.
Données journalières actualisées au 18 mars 2020 (13h15). Source : Reuters