Récit de la création de la plus grande Encyclopédie de l’Histoire
Larry Sanger (à gauche) et Jimmy Walles à droite - Source Radio France

Récit de la création de la plus grande Encyclopédie de l’Histoire

2 janvier 2001. 1932 Grand Avenue. San Diego. États-Unis.

 Arpentant l’avenue en direction du restaurant où il a rendez-vous, Larry Sanger déambule dans ses pensées et ses préoccupations du moment. Le docteur en philosophie est actuellement à la tête du projet web Nupedia, lancé depuis un an par l’homme d’affaire Jimmy Wales.

Inscrits dans le mouvement des logiciels libres qui se développe depuis les années 80, le projet Nupedia, Jimmy Wales et Larry Sanger ambitionnent de créer une encyclopédie entièrement libre de droits d’auteurs. Une encyclopédie dont les contenus et savoirs seraient entièrement partageables et utilisables, librement et légalement par chaque être humain. Une encyclopédie libre, mais d’une qualité comparable aux versions professionnelles vendues sur le marché. Une version web digne de l’œuvre de Diderot et d’Alembert. Pour cela il apparait évident à Jimmy Wales et Larry Sanger qu’il faut donc copier l’organisation des encyclopédies classiques en mettant en œuvre un comité de lecture composé de membres reconnus et légitimes. Il est également demandé, aux contributeurs à l’encyclopédie, un niveau minimum d’étude à l’université avant qu’ils ne puissent proposer leurs articles. Le comité de lecture comme les contributeurs sont tous bénévoles, motivés uniquement par l’envie de partager leurs savoirs, mais aussi de contribuer à un projet porteur de sens tout en se valorisant. Sur le papier le projet est séduisant… malheureusement Larry Sanger qui fait office de rédacteur en chef de cette encyclopédie 1.0, est frustré, très peu d’articles ont été validés et publiés pour l’instant. Le développement du contenu de Nupedia est beaucoup trop lent, or la qualité d’une encyclopédie se mesure justement à la quantité exhaustive de contenus qu’elle contient.

En entrant dans le restaurant mexicain, Larry aperçoit son ami et développeur informatique Ben Kovitz qui l’attend déjà à l’une des tables. Il le rejoint. Au cours du diner Larry partage naturellement ses préoccupations professionnelles du moment, avec en toile de fond cette question, comment accélérer la production d’articles sur Nupedia ? Très rapidement Ben pointe du doigt la problématique de Larry avec son comité de lecture qui freine inévitablement la production d’articles. Pour lui la lourdeur du processus de validation d’un article décourage celles et ceux qui souhaiteraient participer, tout comme cette sélection préalable et arbitraire de celles et ceux qui peuvent contribuer. Ben Kovitz propose à son ami de complètement basculer le modèle vers un Wiki. Wiki ? s’interroge Larry.

Aucun texte alternatif pour cette image

Ben lui explique que la technologie Wiki a été créée par un développeur informatique et théoricien du développement logiciel du nom de Ward Cunningham. Le Wiki a été créé sur les bases du web pour en devenir une application. L’objectif de cet outil est de permettre la création, la modification et l’illustration collaboratives de pages web. Chacun peut devenir contributeur sur une page en ajoutant, modifiant ou supprimant n’importe quel contenu. Au contenu statique et classique des pages web est opposé un contenu « émergeant » au fur et à mesure des contributions. Chaque contributeur pouvant bien entendu suivre les évolutions d’une page et intervenir lorsque les modifications d’un contributeur ne lui paraissent pas pertinentes. Les interventions « malhonnêtes » ou « erronées » étant compensées par le fait que n’importe qui peut en parallèle intervenir pour rectifier, laissant la place pleine et totale à la collaboration et la co-construction. Le système peut être doté d’un système de gestion des droits permettant de créer des « catégories » d’utilisateurs ayant plus ou moins accès à certaines fonctions de modification et d’administration du logiciel.

La philosophie du Wiki est cependant d’exploiter l’intelligence collective en permettant de relier et combiner les expériences et savoirs de chacun. Elle favorise la collaboration, l’auto-organisation et l’autorégulation collective. L’hypothèse de départ est que la motivation de la majeure partie des êtres humains est de partager, d’échanger et de s’exprimer. Quelle différence avec un forum ? Majeure, sur un forum l’information intéressante disparait toujours sous le bruit de fond des échanges, dans un wiki c’est l’information intéressante qui émerge au-dessus des flots des conversations et contributions. Avec ce système d’édition collaborative Nupedia pourrait accélérer sa production de contenus. Larry est interpelé… pas tout à fait convaincu. Si n’importe qui peut écrire, cela implique que n’importe qui également peut venir saccager le travail collectif. Oui, lui répond Ben, mais en retour n’importe qui peut venir corriger ce travail de sape. La force d’un wiki se trouve dans l’historique qui est conservé de chaque modification d’une page. Cet historique permet à tout moment d’accéder mais aussi de restaurer instantanément la copie antérieure d’une page qui n’est jamais supprimée…

Larry n’est toujours pas convaincu… mais il a l’intuition qu’il faut peut-être essayer. Pourquoi ne pas l’envisager comme un projet en parallèle, qui pourrait peut-être stimuler la création d’articles et servir d’antichambre au véritable projet sérieux qu’est Nupedia ? Dans la foulée de son diner il décide d’appeler Jimmy pour lui suggérer l’idée.

Au téléphone il met un peu de temps à convaincre l’homme d’affaire de lancer cette expérimentation. Celui-ci a déjà entendu parler de cette technologie mais n’est absolument pas persuadé de sa pertinence. Larry insiste. Nupedia restera la véritable tête de pont de leur projet. Une encyclopédie officielle et sérieuse, rédigée et validée par des experts qui apparaissent sous leur propre nom. L’autre encyclopédie exploitant la technologie Wiki est lancée à titre expérimental. Ouverte à tous elle va permettre à chacun de contribuer de manière anonyme… Ok, go ! Lance Jimmy.

Ensemble ils décident de donner un nom ridicule à ce curieux projet, Wikipédia.


10 janvier 2001. Quelque part sur www.nupedia.com


Titre du message : Faisons un wiki !

Auteur : Larry Sanger lsanger@nupedia.com

Mercredi 10 Janvier 2001. 12:50:32

« Non, ce n'est pas une proposition indécente. L’idée est d'ajouter une nouvelle fonctionnalité à Nupedia. Jimmy Wales pense que beaucoup pourraient rejeter cette idée, mais je ne partage pas cet avis.

Un « Wiki » ouvre la porte à une version très ouverte du web. Sur un wiki je peux par exemple créer une page […] et tout le monde (oui, tout le monde) peut venir modifier ce qu’il souhaite sur cette page (L'interface d'édition est très simple).[…] En matière de création de contenu c’est l’outil ULTIME "ouvert" et simple[…].

Le wiki Nupedia viendrait compléter Nupedia mais nous ne l’intégrerions pas dans le reste de Nupedia. […] Nous laisserions les gens curieux l’explorer s’ils le souhaitent. Sur la première page du wiki, nous afficherons de manière claire que cette partie est expérimentale, que les éditeurs Nupedia n'ont pas le contrôle de ce qui se passe ici, et que la qualité des articles, des discussions, etc., ne doit pas être considérée comme un reflet de la qualité des articles sur la partie principale de Nupedia.

Quelqu'un a-t-il une objection à ce que nous essayions cela ?

Larry »



Larry poste ce message alors même que la bulle Internet vient d’éclater. Beaucoup ne croient plus au modèle du tout-gratuit. Quelques mois à peine après ce message, la célèbre Encyclopaedia Britannica, une référence, annonce le lancement de sa version payante en ligne. Mais peu importe, pour Larry Sanger l’explosion de la bulle Internet n’est qu’une secousse qui ne remet pas en cause l’obsolescence des encyclopédies propriétaires. Ces dernières ne tiennent pas compte du désir humain naturel de communiquer et d’enseigner, un désir qu’exploitent Nupedia et Wikipédia.

Ce que ne perçoit pas Larry c’est que Wikipédia est beaucoup plus puissant que Nupedia. Ces deux projets exploitent certes les mêmes motivations, mais quand l’un présente des freins et des limitations à la publication, l’autre lève les barrières…

Wikipédia s’ouvre au grand public. Chaque création de page, chaque ajout et chaque modification apparait immédiatement sur le site sans révision. Au lieu d’empêcher les erreurs et les partis-pris, comme Nupedia, Wikipédia les invite tous. C’est son ADN. Chaque page est associée à une page de discussion ou chacun peut suivre les interactions. Si ses créateurs ne le perçoivent pas immédiatement, Wikipédia est en fait très différente des anciennes Encyclopédies, aucun de ses articles n’est jamais achevé. Une Encyclopédie « classique » cherche à être une photo à un instant donné du savoir humain, Wikipédia n’est pas une photo, mais plutôt un film en évolution permanente. Elle oblige à considérer la dynamique globale, celle de la co-construction du savoir et des tensions et dissensions qui l’habitent.

Aucun texte alternatif pour cette image

Wikipédia, comme Nupedia, permet à chacun de redistribuer son contenu, sur Internet ou sur toute autre plateforme ou support sans avoir à demander d’autorisation, y compris dans le cadre d’une activité commerciale. Mais à la prudence de Nupedia, Wikipédia s’ouvre au risque en étant une encyclopédie qui peut être consultée et modifiée par tous. Le processus éditorial est entièrement transparent puisque chacun peut également accéder aux différentes versions d’une page et consulter les conversations où peuvent également apparaître controverses et polémiques. L’hypothèse fondamentale de Wikipédia est qu’à court terme des erreurs peuvent s’installer dans le contenu, mais sur le temps long c’est toujours la vérité qui finit par l’emporter.

Dans la semaine qui suit la publication du message de Larry rien ne se passe sur le wiki… laissant penser à l’échec de cette initiative. Puis la machine se met en route, au-delà des espérances de Jimmy Wales et de Larry Sanger. En 6 mois 6000 articles sont publiés. La qualité d’un article s’améliore avec le temps. Les contributeurs développent un sentiment de communauté, voire de camaraderie, ainsi qu’un sentiment de responsabilité. 9 mois après son lancement la presse spécialisée, puis généraliste, s’intéresse de plus en plus à cette étrange expérimentation. Les articles s’enchainent présentant ce projet qui a pour rêve de dépoussiérer nos vieilles encyclopédies grâce à la collaboration. Le grand public découvre Wikipédia. En septembre plus de 10 000 articles sont déjà publiés par plus d’un millier de contributeurs. Chacun s’étonne de l’auto-organisation de la communauté et des contributeurs. Que cela fonctionne étonne finalement autant Larry que James… et pourtant c’est bel et bien le cas.

 

1er mars 2002. Floride. Etats-Unis.

Dans son bureau Larry Sanger ressent un mélange de sentiments désagréables. Tristesse, colère et déception. Le docteur en philosophie vient tout juste de rendre sa lettre de démission à Jimmy Wales. Les deux hommes ne s’entendent plus. Pire, Jimmy qui présentait jusqu’alors Larry comme le cofondateur du projet Wikipédia, ne le considère plus que comme son employé. Après tout, Jimmy considère que c’est lui et sa société Bomis qui sont les propriétaires de ce projet. Ce sont eux qui prennent en charge les frais d’hébergement de l’encyclopédie en ligne dont le trafic Internet ne cesse de croitre. Peu importe que Larry ait été ou non à l’origine de l’idée, il n’est pour Jimmy qu’un employé qui vient de démissionner.

Ce délitement dans leur relation est avant tout le fruit d’une tension née au cœur même du projet Wikipédia. Une tension inévitable, inscrite dans son ADN. En effet, Wikipédia est à la fois une encyclopédie et un wiki. D’un côté, la philosophie de l’Encyclopédie impose de définir des règles éditoriales sur le contenu et la syntaxe, de l’autre, la philosophie du Wiki est une philosophie qui refuse la règle et les structures de pouvoir.

Les premiers mois de vie de Wikipédia ne font cependant pas apparaitre cette dualité inscrite dans les fondations même du projet. Quelques centaines d’experts contribuent à Wikipédia. Des conflits éditoriaux apparaissent, mais ils sont systématiquement réglés dans un climat apaisé par la discussion et le consensus. Cet Eden en apparence désordonné prend cependant fin quand la renommée de Wikipédia se développe rapidement. Larry et les premiers experts vivent alors de manière soudaine l’arrivée de centaines de nouveaux contributeurs et parmi eux des « vandales » et des « trolls » comme on les appelle. Si des contributeurs positifs alimentent toujours la communauté, ils sont accompagnés de ces personnes aux attentions malveillantes qui viennent dénigrer ou défendre des idéologies sur certains articles. Des conflits interminables se déclenchent autour de nombreux sujets. Certains experts vivent mal leur remise en cause par des individus sans diplôme. Deux courants s’opposent, les régaliens, militant pour l’établissement de règles nécessaires selon eux à l’établissement d’une Encyclopédie de qualité et ceux refusant toute idée de règles et de hiérarchies. Au cœur de ce combat Larry, qui apparait pour les uns comme pour les autres comme le rédacteur en chef, se trouve pris de court. Sa volonté est avant tout de conserver la philosophie de Wikipédia en permettant à la communauté d’apprendre par elle-même à s’organiser et à définir ses propres règles.

Malheureusement, face aux dérives, Larry devient de plus en plus le « gardien du temple » avec le souci d’établir de nouvelles règles, voire à la définition d’un statut spécial, par exemple, pour les universitaires. Ses idées créent la polémique et l’opposition chez les anarchistes qui sont anti-règles et anti-élite. De plus en plus controversé, Larry demande finalement à Jimmy Wales d’intervenir. Ce dernier est un peu vu par l’ensemble de la communauté comme leur « reine d’Angleterre », une sorte d’autorité morale sans pouvoir interventionniste. Jimmy refuse de s’opposer à une partie de la communauté. De plus la récente bulle internet à mis à mal l’activité de son entreprise, il souhaite se séparer de Larry et de son salaire.

L’idylle entre les deux hommes est consommée. Wikipédia perd donc son pseudo rédacteur en chef. La communauté est désormais seule pilote à bord, elle peut s’auto-organiser librement. Trouvant son équilibre entre les régaliens et les anarchistes, Wikipédia est animée par une communauté de plus en plus dynamique. Porté par des idéaux égalitaires et démocratiques, l’ensemble des interactions sont mises au service d’une création libérée et sans hiérarchie. En parallèle s’organise cependant des structures où des membres sont nommés comme super-administrateur pour accéder soit à des pouvoirs de jugement soit de punition. Ces pouvoirs de contrôle permettent à des représentants de la communauté d’arbitrer certains conflits éditoriaux et de bannir les « vandales » et les « trolls ». Au fur et à mesure des décisions collectives, l’organisation de Wikipédia se complexifie. Elle articule démocratie directe et représentative ainsi que séparation des pouvoirs entre ceux qui peuvent juger et ceux qui peuvent punir. L’organisation de Wikipédia est faite pour la communauté de Wikipédia, par la communauté de Wikipédia.

 

20 juin 2003. Floride. Etats-Unis.

La propriété de Wikipédia par l’entreprise de Jimmy Wales n’était plus tenable. Ce projet se veut libre, auto-organisé et ne peut donc être considéré comme la propriété d’une organisation privée à but lucratif.

Jimmy Wales en avait conscience depuis un moment, c’est pourquoi il vient de décider la création de la fondation Wikimédia, une organisation à but non lucratif à laquelle il cède l’ensemble des actifs concernant Wikipédia. Cette fondation devient propriétaire de la marque et devient l’hébergeur de l’encyclopédie, ainsi que des projets annexes qui se sont développés depuis, Wikitionary, le dictionnaire en ligne, Wikiquote, la collection de citations ou encore Wikibooks, la collection de livres sans droits d’auteurs. La fondation Wikimédia est dirigée par un conseil d’administration désigné par une élection en ligne, prolongeant l’idéal démocratique de Wikipédia. Son financement est intégralement issu de dons qui parviennent du monde entier.

Quelques mois plus tard Jimmy Wales prend une autre décision, inévitable, la fermeture de Nupedia. L’encyclopédie qui était pourtant le projet principal de Jimmy Wales ne peut exister aux côtés de Wikipédia. Si les deux encyclopédies s’appuyaient sur les mêmes idéaux de libre accès à la connaissance et sur les mêmes ressorts de motivation des contributeurs, Nupedia n’a pas su compenser les freins qu’elle plaçait à l’entrée pour les contributeurs par une valorisation de son étiquette « plus sérieuse ». Au moment où Nupedia disparait elle possède 25 articles, alors que Wikipédia en compte déjà des centaines de milliers. Tout en conservant le même niveau de motivation des contributeurs, mais en supprimant les freins à la participation, Wikipédia remporte son match face à Nupedia par KO.

Un match qu’elle remporte également face aux autres encyclopédies. Notamment Citizendium, le nouveau projet que Larry Sanger lance en 2006 avec pour ambition de corriger les problématiques qu’il perçoit chez Wikipédia. Il souhaite s’appuyer, notamment, sur une meilleure valorisation des universitaires et l’interdiction de l’anonymat. Citizendium n’est pas traversé par des controverses, mais par aucune dynamique non plus… là encore, victoire par KO de Wikipédia lorsque Larry abandonne également ce projet.

 

Aucun texte alternatif pour cette image

Si le développement et la croissance sont du côté de Wikipédia, son histoire n’est cependant pas un long fleuve tranquille. La renommée mondiale s’accompagne de polémiques. Des personnalités attaquent le site pour des contenus qu’ils jugent diffamatoires sur les pages les concernant. Des artistes et musées portent plaintes pour atteinte aux droits d’auteur sur leurs œuvres. Les polémiques et critiquent coulent en flot concernant ces étudiants et journalistes qui se contentent désormais de simples copier-coller sur l’encyclopédie la plus célèbre du monde. Les manipulations du contenu de certaines pages par des politiques, journalistes et spécialistes du marketing sont dénoncées.

Certains pointent également du doigt une communauté aux manettes du site qui semble de plus en plus « influencer » son fonctionnement et rompre avec ses idéaux initiaux d’ouverture, d’anarchie et de démocratie auto-organisée. Des jeux de pouvoir et d’influence semblent prendre place. Autour de la bête étrange rôdent les entreprises et financiers qui souhaiteraient mettre la main sur ce joyau. Wikimédia résiste et refuse toute approche. Certains s’interrogent cependant sur la relation de Wikipédia avec les géants du web. Pour quelles raisons Google place-t-il si souvent les pages Wikipédia dans les premières places de ses recherches ? Son nombre incalculable de pages et de liens qui font directement écho à la structure même du web créé par Tim Berners-Lee et son équipe, explique en partie ce positionnement. Certains regrettent que cette place monopolistique de l’encyclopédie ne paraisse pouvoir être remise en cause.

Les polémiques se succèdent, le nombre de contributeurs et d’articles publiés évoluent à la hausse ou à la baisse suivant les langues. Mais rien ne semble cependant véritablement déstabiliser Wikipédia. C’est bel et bien une encyclopédie toujours en mouvement, jamais achevée et qui parie sur le temps long pour faire émerger la vérité sur chaque sujet. N’en déplaise à ses détracteurs, les études, si tant est qu’elles aient un sens, ne semblent pas montrer que Wikipédia possède un niveau de qualité véritablement moindre que les encyclopédies professionnelles.

Mais Wikipédia n’est déjà plus vraiment une encyclopédie, plutôt une sphère sociale dédiée à la connaissance. Elle est traversée par des dialectiques et un savoir en mouvement qui se juge dans sa dynamique et non à un instant donné. Elle possède des millions d’articles et aucun équivalent. Une telle quantité de savoirs ne peut être exempt de critiques ou de polémiques. Mais elle reste fidèle à ses idéaux, libre et gratuite, ouverte à tous et démocratique. C’est le premier site non commercial du Web mondial. Désormais toujours placé dans les 10 sites les plus fréquentés et existant en plus de 250 langues.

Wikipédia est profondément en opposition avec une élite intellectuelle qu’elle ne reconnait pas en ne lui attribuant pas un statut particulier. En conséquence, cette même élite intellectuelle la rejette. Mais aux jugements du présent s’oppose la puissance des perspectives qu’ouvrent Wikipédia. Si son information est mouvante, varie en permanence, l’historique des modifications de chaque page et des conversations qui en découlent encourage plutôt à une lecture active de chaque contenu. Ses données (le contenu de chaque page) et ses « métadonnées » (historique des modifications, de conversations mais aussi de trafic sur chaque page) représentent également un potentiel sans équivalent dans le Web. Contrairement à tous les autres « gros » sites web qui appartiennent à des entreprises privées, Wikipédia et ses ressources sont libres d’accès et d’utilisation. C’est avec elle que se développe aujourd’hui les projets de nombre de chercheurs qui l’étudient en sociologie, psychologie ou encore en économie. C’est encore avec elle que se développe des projets ambitieux autour de l’intelligence artificielle ou du web sémantique, cher à Tim Berners-Lee. Ces projets ont, avec elle, accès à une quantité de données sans aucun équivalent actuellement. Une mine d’or pour tous. Wikipédia accompagne aujourd’hui l’émergence de technologies plus intelligentes, aptes à accompagner le développement humain. Si tant est qu’on sache cependant les utiliser…

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets