réflexion sur la présomption d'innocence en droit pénal des affaires
La présomption d’innocence peut être considérée comme un principe général qui garantie à toute personne poursuivie dans une affaire, un procès juste est équitable, autrement dit aucune personne ne pas être, en aucun cas, victime d’arbitraire. Donc la présomption est érigée comme rempart pour les libertés individuelles en face de l’Etat et ses organes dans le domaine répressif.
Ainsi énoncée, la présomption d’innocence est d’abord une règle de preuve, qui veut que la charge de la preuve incombe au ministère public ou à la partie civile lorsque les poursuites sont déclenchées sur la base d’une plainte. Il s’agit alors d’un principe procédural qui gouverne l’enquête, l’instruction puis le procès pénal. Ainsi la présomption d’innocence fait peser sur la partie poursuivante la charge de la preuve, c'est-à-dire la démonstration que la partie poursuivie se trouve réuni en sa personne tous les éléments constitutifs de l’infraction. Toutefois si un doute subsiste aux termes du procès, il doit obligatoirement profiter à l’accusé.
Ce principe fondamental du système judiciaire est promu en tant que principe universel du Droit de l’Homme et se trouve ainsi proclamé par l’art 9 de la Déclaration de Droit de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu’il ait été déclaré coupable… »
L’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 de ONU : « Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cour d’un procès public ou toutes garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. »
Ce principe est également affirmé par l’art 23 de la loi fondamentale du 1 juillet 2011 : "La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis". Le code de procédure pénal consacre lui aussi ce principe en tant que principe procédurale dans l’article premier en prévoyant que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie, en précisant que le doute profite à l’accusé.
Mais la présomption d’innocence est aussi une règle de fond, elle est érigée en principe général qui reconnait à l’accusé le droit de ne pas être victime de mesures arbitraires. Selon Fabrice DEFFERRAD « la présomption d’innocence […] se présente comme une règle de fond destinée pour l’essentiel, à tenir l’innocence établie et à distribuer la charge de la preuve éventuellement contraire à celui qui la conteste. [1]»
Si la présomption d’innocence en droit pénal dispense l’accusé de démontrer son absence de faute ou son absence de participation aux faits incriminés, il en va autrement en matière de droit pénal des affaires, ou pour des raisons d’efficacité répressive, ce principe se trouve paralysé pour laisser place à un ajustement et une adaptation de ce principe à dessein de moraliser et d’instaurer la confiance dans un système économique et financier considéré comme potentiellement vireux.
C’est toute la structure de l’infraction pénale dans le domaine économique et financier qui s’est adaptée au monde complexe et évolutif des affaires. Cette pénétration de la règle pénale dans ce domaine a eu pour conséquence un recul progressif de la prise en compte de l’élément moral dans la détermination de l’existence de l’infraction, mais aussi une distanciation de lien de causalité entre la faute commise et le dommage. C’est cette fonction principale assignée à la règle pénale de maintenir et de préserver l’ordre public économique et financier subséquente à un souci d’assurer l’efficacité des règles qu’elle protège, qui donne une spécificité à l’imputation en notre matière. Mais c’est également l’affaiblissement de la prise en compte de l’agissement matériel au profit du résultat infractionnel qui donne aux obligations professionnelles une place primordiale dans la reconnaissance d’une faute.
Cet impact de la pénalisation du monde des affaires se manifeste d’abord par la réduction des fondements objectifs de la preuve de le faute pénale, qui ne repose plus sur le comportement physique du prévenu, ensuite par une extension de lien de causalité, en raison de la dissociation de l’auteur et de l’exécutant matériel. Mais également par cette difficulté à saisir l’acte imputable qui correspond à une multitude d’abstentions fautives ou des comportements positifs largement définis, de telle manière qu’on peut considérer l’acte imputable comme déduit des manquements professionnels. Cela conduit à la création à l’encontre des professionnels d’une véritable responsabilité pour risque, car, d’une part, il est des cas où il est impossible de caractériser une faute humaine à l’origine de l’infraction qui est née uniquement du fait de l’entreprise, d’autre part, l’existence d’infractions purement matérielles affaiblit d’une manière quasi absolue le caractère fautif du comportement imputé et surtout si la faute elle-même ne peut être déduite que de l’exercice de pouvoir.
En droit pénal des affaires, la qualité du sujet pénal renforce les conséquences traditionnellement attachées à l’application d’une présomption de faute, et les professionnels trouvent beaucoup de mal à faire admettre qu’ils n’étaient animés d’aucune volonté délictueuse ou à faire valoir leur possible pour éviter la violation de la prescription légale[2].
En fait la norme pénale est intervenue dans le domaine des affaires pour assurer une discipline collective, mais aussi pour assurer l'effectivité des règles économiques et financières que le legislateur édictent. Cela a conduit à la création d'une véritable présomption de faute à l'égard du chef d'entreprise. A cette présomption légale s'ajoute une présomption jurisprudentielle, car les magistrats ont tendance à déduire la responsabilité d'un professionnel d'un simple manquement à une obligation légale, ou d'un manque de contrôle ou de surveillance. En fait cette présomption se trouve justifiée par le pouvoir (réel ou supposé) dont dispose le chef d'entreprise, seul apte à prévenir et à empêcher la réalisation de l'infection dans son entreprise.
1] F.DEFFERRARD, Le suspect dans le procès pénal, L.G.D.J, 2005, p.40.
[2] Bernard Bouloc ,« en définitive, dans notre domaine ce qui est a prouvé c’est essentiellement l’existence de l’infraction, la matérialité comme on dit, et le détermination de celui à qui cette infraction peut être imputée, c’est-à- dire celui qui en serait l’auteur ou plus précisément l’auteur fautif , car, même dans les infractions sans intention, il est nécessaire qu’il y ait une faute , si non l’agent ne saurait être raisonnablement déclaré coupable », Les techniques probatoires d’analyse des comportements économiques , in les enjeux de la pénalisation de la vie économique, Dalloz, collection Thèmes et commentaires 1997, p. 83 et s.