Réflexions de salon

« A quoi mesure-t-on un progrès en philosophie ? Au remplacement d’une certitude par un doute. A la dissipation du familier sous l’étonnement retrouvé. A la répudiation des convictions sous l’effort d’approfondir ce qu’on croit. Il est courant, chez ceux qui ne la pratiquent pas et s’en font une idée abstraite, de tenir la philosophie pour un art de « prendre de la hauteur » (ou de « prendre du recul »), alors qu’elle fait exactement l’inverse. La philosophie se donne comme un art non seulement d’avoir les pieds sur terre, mais aussi, et surtout, de creuser. » Raphaël Enthoven in « L’Esprit artificiel »

Envoi du texte de ce mercredi in extremis, ce sera une très courte carte postale du salon Autocar Expo à Lyon. Nous y tenons un petit stand assez bien placé, au milieu du salon dont l’espace se réduit d’année en année. Malgré tout, le public est bien présent, avec une seule et constante préoccupation : la transition énergétique.

On est loin de l’ambiance délurée des Mitcar de Paris, souvenirs floutés des escapades de ma jeunesse avec mes parents. Pourtant, les anciens sont toujours là, c’est une joie de retrouver de vieux amis ou de jeunes confrères. Les entreprises passent, les hommes restent, et c’est très rassurant. L’ambiance est studieuse, l’amitié sincère.

Bien sûr, on trouve sur le salon pas mal de cars électriques, et même quelques véhicules rétrofités en hydrogène (GCK). Mais on passe plus de temps autour des bulles qu’à visiter ces mastodontes de métal. Comme si leurs prix indécents les rendaient infréquentables, voire invisibles, tels des visiteurs du futur proche.

Ou bien est-ce déjà rentré dans les mœurs, comme une inéluctable évidence de l’histoire, nourrie par la conviction que nos clients auront à la fois la courtoisie et les moyens de mettre la main à la poche. Espérons qu’elles soient profondes…

Y aura-t-il un gagnant dans cette transition énergétique ? Rien de moins sûr. Et on pourrait même pousser le cynisme à se demander si ces véhicules tout électriques sont meilleurs pour la planète que nos Euro6 perfusés au biodiesel. Promis j’arrête – oubliez ce que je viens d’écrire.

Ne nous posons pas trop de questions. La transition est en marche, et nous devrons nous adapter. Arpentant les allées, j’harangue les foules – le terme est peut-être excessif - et les exhorte à couvrir leurs toitures de panneaux solaires pour produire l’électricité qui alimentera demain leurs autocars. On m’écoute avec un étonnement poli, chacun son métier, chacun sa religion.

Les extrémités de la journée, avant l’arrivée des visiteurs – que c’est bon d’être exposant ! – et après le départ de ceux qui doivent attraper leurs trains empêtrés par les grèves, sont réservées aux affaires spéciales, aux discussions exotiques, aux alliances contre nature et à quelques rendez-vous manqués. Mais il est encore trop tôt pour que je vous en parle. D’ailleurs, il se fait déjà tard et demain commence bientôt.

Je vous souhaite une belle et douce nuit, et promets d’être dimanche un peu plus prolixe.