Réglementation et bonnes pratiques ne sont pas opposées ; elles sont complémentaires …
Proposition de directive sur les Pratiques Commerciales Déloyales (PCD) dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire
La Commission Européenne a présenté mi-avril, une proposition de directive[i] visant à instaurer dans tous les États membres, une norme de protection minimale contre des PCD spécifiques dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, applicable aux fournisseurs constitués sous la forme de PME
La proposition de directive établit une liste minimale de PCD interdites ; elle distingue (i) des pratiques interdites par leur nature même (annulation de commandes à brève échéance de denrées alimentaires périssables, …) et (ii) des pratiques interdites si elles ne sont pas convenues en termes clairs et dépourvus d’ambiguïté lors de la conclusion du contrat de fourniture (retour de denrées alimentaires invendues, …)
La démarche consistant à interdire des PCD spécifiques (vs. une interdiction générale des PCD) a été celle du législateur français pendant plus de 20 ans. Il s’est évertué - « épuisé » - à prohiber, au fur et à mesure qu’elles apparaissaient, des pratiques commerciales considérées comme des dérives. Il en est résulté un cadre juridique complexe, fluctuant, peu lisible, qui a pu susciter des stratégies de contournement de la règle.
En 2008, la Loi de Modernisation de l’Economie (LME) a rompu avec ce mode d’intervention en adoptant un texte à large spectre, interdisant le fait de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. » [ii]
Ce texte a permis de sanctionner des pratiques protéiformes, y compris en termes de prix, dans des secteurs variés. Le critère de « soumission » a permis d’appréhender des rapports de force déséquilibrés, qui ne sont pas la caractéristique des seules PME, pas plus qu’elles ne sont le fait des seules enseignes de la distribution alimentaire.
Ce mouvement initié en 2008, devrait trouver une forme "d’aboutissement" avec le projet de loi d’habilitation visant à " simplifier " par voie d’ordonnance le Titre IV du Livre IV du code de commerce »[iii] La transposition de la directive dans le droit national pourrait contrarier cet objectif.
Nul doute cependant que la France restera "vigilante " à ne pas affaiblir son dispositif national.[iv] La proposition de directive étant fondée sur une harmonisation partielle (minimale), la France pourra continuer à disposer de règles en matière de PCD allant au-delà de la norme minimale de la Directive.
Dans ce contexte, les initiatives volontaires des entreprises visant à promouvoir des bonnes pratiques commerciales pourront - doivent- se poursuivre.
C’est ce que mentionne la Commission qui rappelle également que la Supply Chain Initiative (SCI) a joué un rôle important depuis son lancement en sensibilisant aux PCD et en encourageant la loyauté en matière commerciale. [v]
En France, la Commission d’examen des pratiques commerciales [vi], la Médiation des Entreprises[vii], les organisations professionnelles[viii], mais aussi les entreprises qui mettent en oeuvre des politiques RSE fondées sur le dialogue avec les parties prenantes, participent à la promotion de ces bonnes pratiques.
Les bonnes pratiques besoin d’un cadre juridique clair pour prospérer ; elles tirent leur efficacité de l’adhésion de leurs destinataires, de l’effet d’entraînement qu’elles suscitent. Il est de la responsabilité de chaque acteur économique d’adhérer à ces initiatives, d’y participer, d’en faire le succès.
[i] COM (2018) 173 final
[ii] Art. L. 442-6 du code de commerce
[iii] Article 10 du Projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable,
[iv] Cf. CP Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation du 16 avril 2018. Le Ministre a déclaré que « La France souhaite également que la directive permette de clarifier l’application des règles de référencement ou d’achat aux centrales d’achat internationales et de renforcer la lisibilité juridique de leurs pratiques notamment pour éviter toute délocalisation de ces centrales à seule fin de contournement du droit national des Etats membres ».
[v] Initiative privée lancée par les entreprises dans le but de gérer les questions relatives aux PCD
[vi] La Commission d’Examen des Pratiques Commerciales émet des recommandations concernant le développement de bonnes pratiques dans une vision constructive de la vie commerciale (Art. L. 440-1 du code de commerce)
[vii] Cf. notamment Charte et label Relations Fournisseurs et Achats responsables
[viii] Recommandations de codes de bonne conduite, …