Réindustrialisation : le potentiel caché de notre territoire ...
Refaire de l’industrie un projet de territoire
Après avoir longtemps dédaigné l’industrie, notre pays semble enfin avoir compris que la renaissance industrielle était la clé de notre avenir, et que les territoires, à diverses échelles, constituaient des réservoirs d’initiative et de créativité essentiels pour cette renaissance. C’est dans le tissu dense et informel des territoires que se construisent et se reproduisent « les sucres lents de la compétitivité », les ressources de longue durée comme les compétences et les réseaux relationnels qui permettent d’affronter des environnements changeants. Ces idées ont été développées par les chercheurs depuis de longues années, notamment à partir de l’exemple emblématique des « districts » de l’Italie centrale, qui dès les années 1980 ont semblé offrir une alternative à l’hégémonie des méga-firmes et du modèle de croissance qu’on appelait alors « fordiste ». Mais force est de reconnaître que la diversité des trajectoires économiques locales reste en grande partie une énigme. Pourquoi tel territoire réussit-il à maintenir l’activité et l’emploi industriel, y compris dans la crise ? Pourquoi tel autre, très bien doté en apparence par la géographie et les facteurs de production, s’enfonce-t-il dans une spirale dépressive ? Au grand dam des chercheurs, des administrations et des élus locaux qui aimeraient des réponses carrées à ces questions, il faut se résoudre au constat d’une complexité qui semble échapper à toute recette reproductible. C’est ce constat qui constitue le point de départ de la présente étude, et c’est cette complexité qu’explore avec une grande richesse Caroline Granier, en résumant les conclusions de quatre études de terrain et du cycle de séminaires de l’observatoire des Territoires d’industrie, piloté par Thierry Weil.
En 2019, l’observatoire des Territoires d’industrie avait publié une étude économétrique cherchant à lier la performance des territoires industriels à toute une série de facteurs objectifs comme la spécialisation, la taille (les effets d’agglomération), les conjonctures sectorielles, etc. Le résultat principal, et surprenant, de cette étude était qu’aucune corrélation vraiment forte n’émergeait pour expliquer l’étonnante disparité des territoires industriels (Carré, Levratto et Frocrain, 2019). Une autre étude, menée par Laurent Davezies, a montré que, même pendant les années noires qui ont suivi la crise financière de 2008-2009, le recul massif de l’emploi industriel, loin d’être homogène sur l’ensemble du territoire national, avait coexisté avec des poches très localisées de croissance, certes minoritaires, mais significatives. L’industrie ne recule pas continûment comme dans l’imagerie courante de la « désindustrialisation » : elle se renouvelle en permanence. Au cours des dernières années, la volonté de réindustrialiser pour regagner de la maîtrise sur notre destin et augmenter la valeur ajoutée du site France a constitué une évolution très positive, chez nos dirigeants mais aussi dans l’opinion en général. Dans les faits, le rebond manufacturier a été encourageant. En 2021, malgré le Covid, le nombre d’ouvertures de nouveaux sites industriels a battu un record. Mais la recette du succès ou du déclin des territoires reste manifestement difficile à agripper. Caroline Granier l’affirme d’entrée de jeu : il est vain de chercher une forme de déterminisme en cette matière.
Bien sûr, si l’on regarde les choses de très haut, au niveau international, des macro- logiques sont à l’œuvre. Le recul massif des industries très intensives en main-d’œuvre, comme celle de l’habillement, enregistré pendant la phase d’hyper-mondialisation, en est une illustration. Les salaires, la fiscalité, les réglementations, continuent de peser sur la répartition internationale des activités, y compris au sein de l’Europe. La politique de baisse des impôts de production et la protection efficace offerte par la puissance publique durant le Covid ne sont pas étrangères à la bonne santé relative de notre tissu industriel. Mais ces macro-logiques ne sont pas mécaniques, et ne l’ont jamais été. De nombreux contre-exemples montrent que l’on peut produire en France, de manière rentable, des biens qui ont été massivement délocalisés. Alors que les constructeurs automobiles français ont arrêté de produire des petits modèles en France, Toyota Valenciennes qui produit la Yaris a battu des records en 2022. Les exemples de production rentable, y compris dans des secteurs considérés il y a peu comme incompatibles avec les contraintes du territoire national, se multiplient.
On sait aussi que si on resserre le zoom sur l’espace national, l’industrie n’est pas distribuée au hasard. De grandes différenciations persistent. Les industries de base très intensives en énergies et très émettrices de GES sont par exemple très concentrées sur quelques plateformes (Dunkerque, Basse Seine, Fos et Étang de Berre, Sud lyonnais…). Les vieilles régions industrielles du Nord et de l’Est ont été plus affectées que d’autres par les crises sectorielles successives. Certains territoires restent aussi très marqués par des spécialisations sectorielles fortes, comme le décolletage dans la vallée de l’Arve, la serrurerie dans le Vimeu, la prothèse médicale en Haute-Marne – spécialisations qui étaient la norme jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, avant d’être laminées par les profonds bouleversements des Trente Glorieuses. Mais, lorsqu’on rapproche encore le zoom, et lorsqu’on considère le tissu manufacturier ordinaire, qui est soumis aux mêmes contraintes structurelles (fiscalité, prix des intrants, de l’énergie, normes sociales et environnementales) quelle que soit sa localisation dans l’espace national, tout se passe comme si la trajectoire des territoires relevait surtout d’alchimies spécifiques où l’histoire et la sociologie jouent le premier rôle. C’est ici que l’étude que vous allez lire prend le relais, résolument qualitatif, de l’économétrie défaillante.
« Qualitatif » ne veut pas dire déstructuré ou purement narratif. L’étude nous raconte quatre histoires de territoires, très différentes, mais elle ne se borne pas à en étaler la diversité. La question de fond est : que peut-on apprendre de ces histoires, dès lors que l’on abandonne l’idée d’en tirer des recettes, immédiatement transférables à d’autres territoires ? Pour ordonner l’analyse, Caroline Granier propose d’abord l’application d’une grille « structure, comportements, performance », empruntée aux disciplines de gestion et adaptée à l’économie géographique par Denis Carré et Nadine Levratto. Dans une deuxième partie, très riche en exemples variés, l’ouvrage passe en revue les grands ingrédients du développement local – organisation des acteurs, formation des compétences, qualité de vie, accès au foncier, innovation, financement.
Que ressort-il de ce tour d’horizon ?
Je retiens trois points principaux.
Le premier est l’extraordinaire variété des initiatives locales, dans une multitude de domaines. Une fois de plus, le contraste entre la morosité du tableau national, tel qu’il est dressé tous les jours par les grands médias, et le bouillonnement créatif des actions locales, passant sous les radars de la communication nationale, est frappant. La multiplication des dispositifs et labels nationaux (Territoires d’industrie, Territoires d’innovation, Contrats de relance et de transition, sans parler des actions davantage ciblées sur l’urbanisme telles que Cœur de ville, Petites villes de demain, etc.) a le mérite de révéler ces projets locaux, de les catalyser ou de les booster. Mais on voit bien que si le terreau n’est pas fertile, ce n’est pas l’acteur national, ni même régional, qui va permettre d’engager la dynamique de fond (au passage, si on pouvait simplifier un peu la sédimentation des dispositifs, et les inscrire vraiment dans la durée, tout le monde serait gagnant).
Le deuxième point essentiel qui émerge de cette moisson d’expériences que rapporte l’ouvrage est l’importance décisive de la capacité des acteurs locaux à se fédérer. Il n’y a pas de recette générale, mais s’il fallait ne retenir qu’un seul mot-clé, ce serait celui de coopération : coopération entre collectivités locales, entre acteurs économiques, mais aussi et surtout coopération entre ces deux mondes encore trop souvent cloisonnés, associant également les représentants de l’État local, de la formation, les instances multiples de la société dite civile. Les succès emblématiques, comme celui souvent évoqué de Vitré, sous l’impulsion de Pierre Méhaignerie, reposent toujours sur la capacité à se parler, à anticiper collectivement les mutations ou les crises, à chercher ensemble des solutions aux problèmes. Le design de ces dispositifs de coopération peut évidemment varier, selon la culture historique du territoire concerné. Mais il me semble que les choses marchent d’autant mieux que les acteurs trouvent, avec souplesse, la bonne distance avec les institutions formelles et les exigences opérationnelles : ni trop près, pour préserver la possibilité d’explorer de manière flexible des solutions innovantes sans rester prisonnier des jeux de rôle, des formalismes résultant de la multiplication des « schémas » en tous genres imposés par l’État, avec leurs calendriers contraignants, et des intérêts institutionnels spécifiques forcément divergents ; ni trop loin, dans une posture de pur accompagnement ou de prospective lointaine. Bien entendu, tout est aussi, toujours, affaire de leadership.
Une autre conclusion majeure est qu’il n’y a pas de fatalisme. Certains territoires ont plus de mal que d’autres, parce qu’ils ont moins d’atouts, mais il n’y a pas de territoire condamné. La récolte d’initiatives du livre en donne des exemples. Elle est trop riche et trop diverse pour être enfermée dans quelques formules. Un grand mérite de l’ouvrage, à mon sens, est de mettre l’accent sur les contraintes les plus pragmatiques et concrètes du développement, sans se contenter des discours ronflants et généraux sur l’industrie 4.0, en particulier. La question de la technologie et de l’innovation numérique est abordée, et elle n’est certes pas secondaire. Mais des chapitres passionnants sont aussi consacrés à la question du foncier et des réglementations d’urbanisme, ou encore au cadre de vie des salariés et de leurs familles (logement, mobilités). Quiconque a travaillé sur le terrain avec le monde industriel sait que ces questions, loin d’être anecdotiques, sont fondamentales pour le développement. Si nous voulons un pays « amical pour l’industrie », il faut avoir cette vision globale où la dimension culturelle (image de l’industrie et des formations qui y mènent) et les dimensions pratico-pratiques de l’accueil sont cruciales.
Quelques remarques, pour finir, sur les changements en cours : comment pourraient évoluer, dans les années qui viennent, les grandes thématiques du développement local recensées dans l’ouvrage ?
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Le premier point est qu’il faut, à mon sens, sortir de la focalisation trop exclusive sur le manufacturier et les usines. Certains économistes pensent que la présence physique de la fabrication sur le sol national n’est pas essentielle : ce n’est absolument pas mon avis. Nous avons besoin d’usines. Mais il est vrai que l’industrie est déjà, et sera de plus en plus, dépendante du tissu de services qui l’irriguent, en amont, en aval, et latéralement. La fabrication sera de plus en plus automatisée, les emplois dans les usines de moins en moins nombreux, et de plus en plus qualifiés. Les emplois seront surtout créés à la périphérie de la fabrication proprement dite (conception des produits et des process, maintenance, services aux clients, logistique, etc.). Industrie et services s’entremêlent dans des complexes continus d’activités que j’appelle « hyper-industriels ». Les modèles économiques, en outre, sont de plus en plus « serviciels ». Ils basculent doucement vers la vente de fonctionnalités, le soutien à des usages, et ne se borneront plus, comme hier, à la livraison d’objets physiques plus ou moins sophistiqués. C’est donc cet ensemble hyper-industriel que le développement territorial doit considérer, et pas uniquement sa composante usinière.
Le deuxième point concerne les modifications de fond de la demande et notamment le basculement, flagrant dans les pays riches, vers des biens et des services directement liés aux corps, aux cerveaux, aux émotions des personnes, comme la santé, le bien-être, l’alimentation de qualité, l’éducation, le divertissement, la sécurité, ainsi qu’à des systèmes collectifs comme ceux de la mobilité ou de l’habitat. Ce sont là les nouvelles frontières de l’industrie. Elles préparent un monde assez différent de celui de l’accumulation compulsive d’objets qui a été le moteur de la croissance depuis la deuxième moitié du vingtième siècle (l’économie que j’appelle « garage-salon-cuisine », que Perec avait magistralement décrite dans Les Choses). On notera au passage que la dimension territoriale locale jouera un rôle essentiel dans cette nouvelle économie : la santé, l’éducation, par exemple, s’appuieront de plus en plus sur le territoire comme échelle pertinente d’innovation et de mise en œuvre, sans parler des biens-systèmes de la mobilité ou de l’habitat, objets territoriaux par nature.
Troisième aspect majeur du changement : les dimensions géopolitiques et géo-économiques, dont on voit bien à quel point elles sont aujourd’hui incertaines. Je me borne à quelques hypothèses. Une bonne nouvelle pour les pays riches dont nous faisons partie est que la numérisation et l’automatisation permettent de plus en plus de dissocier la performance industrielle du coût du travail – et même, à l’inverse, favorisent les contextes de main-d’œuvre hautement qualifiée. La technologie devrait donc faciliter le retour de la production physique à proximité des marchés les plus solvables et des tissus de services les plus sophistiqués. Cette production relocalisée pourra être « customisée » à la demande, et mise en œuvre de manière flexible, en utilisant notamment les jumeaux numériques. L’automatisation tant redoutée pourrait ainsi devenir, en réalité, un vecteur pour une géographie mondiale de l’industrie resserrée sur les zones les plus riches, les pays pauvres perdant l’avantage comparatif des bas ou très bas salaires. Ceci va de pair avec la tendance actuellement observée d’une régionalisation de l’économie mondialisée autour de trois grands ensembles : Amérique du Nord, Europe et surtout Asie de l’Est. Chacune de ces zones semble d’autre part s’organiser entre pays cœurs et périphéries proches : dans le cas de l’Europe, on constate ainsi que le rebond industriel, sensible en France ou en Allemagne, est particulièrement fort en Europe de l’Est (ex-RDA comprise), dans les Balkans, ou en Afrique du Nord. Les cartes régulièrement publiées par Trendeo montrent qu’en France ce sont surtout les zones frontalières du Nord et de l’Est, avec la vallée du Rhône, et les pourtours de quelques métropoles, qui semblent aujourd’hui accueillir les nouvelles implantations, parmi lesquelles, du reste, on trouve beaucoup de centres logistiques.
Mais il y a aussi beaucoup de nuages. Le plus sombre aujourd’hui concerne évidemment le coût de l’énergie. Nos entreprises industrielles vont avoir beaucoup de mal à vivre avec une énergie trois fois plus chère qu’aux États-Unis et deux fois plus chère qu’en Chine. Est-ce passager, ou structurel ? On peut se demander si la géographie industrielle ne va pas se réorganiser autour de quelques grandes logiques très différentes et en partie divergentes : celle de l’accès à la compétence humaine, qui va dominer les localisations industrielles courantes, avec peut-être deux niveaux (les pôles de forte innovation, autour des métropoles, et ceux de la production courante) ; celle de l’accès à une énergie peu chère et décarbonée, pour les industries très gourmandes en énergie. Le basculement d’une partie des secteurs électro-intensifs (acier, aluminium, cloud) vers les zones arctiques de la Scandinavie est significatif à cet égard. À terme, en combinant les ressources éoliennes de la mer du Nord, hydroélectriques de la Scandinavie, solaires de l’Europe du sud et de l’Afrique du Nord, le « quartier d’orange » des longitudes européennes devrait ainsi pouvoir bénéficier d’une énergie décarbonée et souveraine. Mais avant d’arriver à ce stade, le chemin sera périlleux.
L’accès au foncier, largement évoqué dans l’ouvrage, est un autre point de préoccupation. Au-delà des réglages nécessaires à court terme du ZAN (zéro artificialisation nette des sols), et en endossant clairement la nécessité de la sobriété dans l’usage du sol, la question est, comme l’ouvrage le montre bien, celle de l’acceptabilité globale par nos sociétés, entièrement tournées vers le bien-être résidentiel, des inévitables contraintes de la production matérielle – ceci valant en particulier pour les nouvelles énergies renouvelables qui, contrairement aux énergies fossiles, devront être produites localement. La question de la localisation des éoliennes et du solaire aura valeur de test à cet égard.
Plus problématique encore pourrait être, à moyen terme, la question des compétences et des ressources humaines. À court terme, la « grande démission » ou la « grande flemme » relèvent du buzz médiatique plus que d’analyses sérieuses. Ainsi, les taux de démission et de turn-over dans les entreprises sont élevés ; mais pas plus qu’ils ne l’étaient autour de l’année 2000, quand la demande des entreprises était aussi très forte. Mais nous savons bien qu’il reste de très gros progrès à faire pour redresser l’image de l’industrie dans l’esprit des jeunes et des familles et faire de notre système éducatif l’acteur central qu’il devrait être dans la construction du monde industriel nouveau. Les lycées techniques et professionnels sont à l’épicentre de la bataille pour la renaissance hyper-industrielle. Il est vraiment urgent d’en finir avec le dédain dont ils sont l’objet de la part des « élites » exclusivement formées au moule des formations générales. Ajoutons que, y compris dans les filières considérées comme nobles, le désintérêt croissant pour les sciences, chez les filles mais pas seulement, est très inquiétant. Aux États-Unis, les sciences et les technologies sont largement développées par les étudiants et des professionnels étrangers, asiatiques notamment. Devrons-nous en arriver là ? Redonner le goût des sciences, par une pédagogie profondément repensée, devrait être une grande cause nationale (à cet égard, j’ai trouvé l’exemple de Joseph Puzo, dirigeant d’Axon’, enseignant les sciences en usine, particulièrement fascinant).
Le quatrième grand sujet qui est devant nous, et qui est intimement relié à ceux qu’on vient d’esquisser, est celui du verdissement de notre industrie. À l’heure où le gouvernement prépare un plan « usines vertes », il faut souligner que c’est toute l’industrie – et pas seulement quelques secteurs – qui doit être verdie, services compris. C’est une question de responsabilité écologique, mais aussi de compétitivité, à l’heure où nos concurrents mettent les bouchées doubles en la matière, comme on le voit avec le plan Biden. Bien entendu, les trajectoires devront être pesées avec soin, pour ne pas créer de ruptures trop brutales. Mais la trajectoire doit être accélérée. Du point de vue technologique, beaucoup de recherches sont aujourd’hui menées sur la décarbonation de la production des grands matériaux, intrants essentiels du tissu manufacturier et de la construction. Le basculement vers des énergies propres est aussi, bien entendu, un élément clé. Il se traduira par une électrification accrue, qui va demander des investissements importants, car il faudra renouveler une partie des machines. Enfin, de nombreux industriels ont commencé à repenser leurs process pour les rendre plus éco-efficients, moins carbonés, et moins polluants. Mais le point essentiel est celui-ci : une industrie verte n’est pas la somme d’usines émettant moins de GES. Le défi est plus large. Car il faut aussi repenser les produits, pour les rendre plus simples, plus réparables, plus durables. Il faut raisonner sur les chaînes de valeur, et pas sur les unités isolées. Il faut envisager les cycles de vie complets, et sortir autant que possible des modèles linéaires pour circulariser les flux. On comprend tout de suite que ces objectifs sont collectifs, et impliquent des tissus d’entreprise, et pas seulement des entités juxtaposées. En réalité, au-delà de la décarbonation des usines, l’enjeu est celui de l’émergence d’un nouveau paradigme global pour l’industrie, et l’hyper-industrie. Dans ce nouveau paradigme, les interdépendances à longue distance et les effets d’échelle et de spécialisation ne seront pas abolis : on ne fabriquera pas des puces partout, dans des usines de proximité ! Mais la dimension territoriale reprendra une nouvelle vigueur. Ces chantiers vont être ceux de la nouvelle génération. Leur réussite dépendra dans une large mesure de notre capacité à redonner de la vitalité et de la vision aux territoires, dans l’esprit que présente cette nouvelle et importante publication de l’observatoire des Territoires d’industrie et de la Fabrique de l’industrie.
Pierre Veltz, Ingénieur, économiste et sociologue
Professeur émérite à l’école des Ponts ParisTech, membre de l’Académie des technologies et président du conseil scientifique de l’Institut des hautes études pour le développement et l’aménagement des territoires en Europe