Résumé de livre : L’âge des low tech, de Philippe Bihouix, 2014
Préambule : Le but de cet article est de présenter les idées principales du livre, il n’entend pas les critiquer ni les entériner. Il ne se prétend pas non plus exhaustif, rien ne pourra remplacer la lecture de l’ouvrage lui-même.
Si vous devez retenir une seule idée de ce livre, en voici une intéressante : si nous répartissions de manière égale le temps de travail dans la population en garantissant à chacun un salaire, arrêter une activité industrielle, reviendrait à baisser le temps de travail de toute la population. Philippe Bihouix prône dans ce livre le développement de technologies économes en ressources plutôt que celui des high-tech.
Dans une première partie, Philippe Bihouix décrit un des futurs casse-têtes du XXIe siècle : le double pic des énergies fossiles et des métaux. Nous utilisons abondamment les ressources fossiles et les métaux, or les réserves de ces ressources sont de moins en moins concentrées. Le pic du pétrole conventionnel – qui a le meilleur EROEI (1) – a eu lieu en 2006, celui du gaz naturel et du charbon devrait avoir lieu entre 2020 et 2030. L’extraction des métaux demande de plus en plus d’énergie et nous avons au même moment besoin de plus de métaux pour produire de l’énergie. Bien que les métaux soient théoriquement recyclables à l’infini, il existe des limites pratiques, notamment les alliages complexes ou les usages dispersifs.
D’autre part, les percées technologiques ne peuvent résoudre seules des problèmes urgents, notamment à cause de deux effets. D’une part, l’effet parc : même si on crée une technologie bien plus performante, remplacer tout le parc existant prend du temps. D’autre part l’effet rebond : des économies dans un domaine peuvent conduire à un report dans un autre ; par exemple, si un individu acquiert une voiture consommant moins d’essence au kilomètre, il peut se mettre à l’utiliser davantage.
L’auteur n’est convaincu par aucune des récentes high-tech : pour lui la bioéconomie n’est pas une solution car nous ne disposons pas d’assez de biomasse pour biosourcer notre chimie, les nanotechnologies ont des avantages mais sont incorporées dans d’autres éléments donc non-recyclables et l’économie 2.0 est un leurre puisque le virtuel a besoin d’infrastructures physiques.
La deuxième partie est fondée sur l’idée que puisque nous allons finir par manquer de ressources, il nous faut trouver des moyens de baisser la consommation de ressources par habitant sans que cela affecte trop notre niveau de vie. L’auteur propose différents principes allant dans ce sens. Tout d’abord, la remise en cause de nos besoins dont il propose des exemples par ordre croissant de non-acceptabilité : interdire les prospectus publicitaires, l’eau en bouteille ou la publicité, limiter la vitesse des voitures, ne plus climatiser, moins chauffer. Les objets plus durables devraient être réparables et autant que possible produits localement pour gérer sur place les externalités négatives. Les bouteilles pourraient être standardisées, ce qui permettrait une consigne plus efficace puisqu’elles pourraient alors être réutilisées dans n’importe quelle usine. Philippe Bihouix propose d’accepter des technologies moins efficaces si cela les rend plus réparables et de démachiniser les services, à l’exception des métiers les plus dégradants.
La troisième partie est consacrée à présenter une vision d’un monde low-tech, différents secteurs sont donc énumérés. Concernant l’alimentation, l’auteur prône le retour a de petites exploitations de polyculture-élevage, un recyclage des excréments et une diminution de notre consommation de viande et de sucre. Il imagine un monde où l’on payerait plus cher la nourriture, mangerait de saison et où les revenus seraient mieux répartis entre producteurs et distributeurs. Pour le transport, Philippe Bihouix est convaincu que rien ne permettra à l’ensemble de la population de se déplacer autant qu’un européen actuellement. Pour diminuer l’impact de nos transports, il faudrait éviter des déplacements et opter pour le co-voiturage, le vélo ou le bus pour les déplacements incompressibles. Nous devrions aussi aller vers une diminution de la surface de bâtiment par personne ; ce qui pourrait être acceptable si l’extérieur est plus agréable (notamment en cas d’une diminution forte de l’utilisation de la voiture). Plus généralement, les nouveaux bâtiments devraient être construits en pensant multifonctionnalité et durabilité, quitte à ce que leur construction soit plus longue. L’auteur se fait l’avocat de l’interdiction du luxe extrême, qui témoigne de grandes inégalités et crée de l’envie dans toutes les couches de la population. Les nouvelles technologies, notamment internet, ne sont pas considérées mauvaises en soi, mais il faut les orienter vers des usages essentiels.
La dernière partie discute de la faisabilité d’une transition vers le monde de basses technologies (low-techs) envisagé précédemment dans le livre. Une telle transition serait (ou sera) difficile mais l’absence de transition implique des problèmes tout aussi difficiles à affronter. Pour l’auteur, nous allons vivre un effondrement lent du fait de l’élasticité de la demande, il va nous falloir le vivre en commun sans céder à la tentation du survivalisme. La question de l’échelle des changements est importante : Philippe Bihouix ne pense pas qu’il soit possible de mettre d’accord un grand nombre de pays et considère plus intéressant de travailler à l’échelle de quelques pays, voire de quelques régions. Pour réaliser une telle transition, une évolution morale et culturelle est nécessaire, elle passe par la revalorisation des métiers manuels, une baisse des écarts de salaire et la valorisation d’une consommation matérielle plus faible, remplacée par exemple par plus de culture.
Une idée de la fin de l’ouvrage est qu’il faut donner envie aux gens de changer le monde pour leur vie et pas pour celle de leurs petits-enfants. Un monde sans voiture ne serait-il pas éminemment agréable ?
(1) L’EROEI, pour « energy return on energy invested » ou taux de retour énergétique, représente le rapport entre l’énergie utilisable et l’énergie utilisée pour extraire l’énergie.
NOISE AgroParisTech