Rappel: Finances islamiques en Algérie, pourquoi et comment ? acte I - 24/10/2008
par Zerouali Mostefa In Le Quotidien d'Oran le 07/05/2008
Ces derniers jours, nombreux sont les responsables et les personnalités qui sont intervenus pour évoquer un aspect longtemps omis par toute la corporation bancaire algérienne: les finances islamiques en Algérie.
La corrélation entre convictions personnelles et pratiques bancaires n’est pas à démontrer car il suffit de poser la question à n’importe quel algérien, concernant le crédit ou le dépôt pour avoir une seule et même réponse : les intérêts sont prohibés «haram» !!! Un nombre important d’entrepreneurs sont convaincus que les intérêts bancaires ont un caractère usuraire, non conforme aux préceptes de la Charia islamique. De ce fait, un potentiel extraordinaire de flux se déroule en dehors des banques «considérées comme usuraires».
Actuellement, en Algérie, aucune étude détaillée, basée sur une analyse approfondie des données et appuyée de chiffres statistiques fiables ne s’est penchée sur ce phénomène. Le volume de l’épargne privée hors circuit bancaire n’est pas déterminé, le volume de la perte potentiel en investissements privés n’est pas cerné, la pratique de remplacement créée et développée par cette frange de la société n’est pas identifiée. En effet, une activité parallèle considérée comme légitime du point de vue religieux, même illégale du point de vue juridique, s’est sûrement substituée aux pratiques courantes, risquant ainsi de fausser toute estimation ou tentative de prévision efficace.
Cette situation pose de multiples contraintes à la fois aux pouvoirs publics, aux déposants potentiels, aux investisseurs éventuels, et enfin, aux institutions bancaires :
D’abord, la traçabilité des transactions à la fois commerciales et financières devient pratiquement impossible du moment qu’elles s’effectuent en dehors de tout cadre juridique ou comptable.
Ce qui ne permet aux pouvoirs publics ni leur identification, ni leur suivi, ni leur évaluation et encore moins leur éventuelle correction quantitative et qualitative. On peut aisément mesurer l’ampleur du manque à gagner par l’Etat.
Ensuite, les déposants et les investisseurs potentiels, voulant absolument se conformer aux recommandations de la loi coranique, seront contraints par l’absence de toute voie légale, à avoir recours aux moyens disponibles, même illégaux, ce qui risque de mettre en péril leurs biens et leurs richesses. Car dans ce cas aucune protection ne leur est conférée par la loi. On peut, là également, mesurer l’ampleur du risque auquel sont exposés nos concitoyens. Enfin, pour ce qui est des institutions bancaires nationales en générale et publiques en particulier, il y a un segment très important de leur marché qui leur échappe non seulement du point de vue collecte de ressources et bancarisation de la population, mais aussi du point de vue investissements. Car cette clientèle particulière est caractérisée, généralement, par de la discipline et des valeurs morales supérieures.
Alors, la création d’un cadre institutionnel et juridique devient plus qu’un impératif mais une opportunité à saisir impérativement : l’ascension fulgurante des finances islamiques au niveau international est évidente, pourquoi ne pas en profiter et faire profiter les algériens ? Le marché des produits bancaires islamiques est totalement vierge, même si, El Baraka Banque a pris une longueur d’avance sur le reste de la communauté bancaire algérienne. Il n’est offert aux algériens que quelques produits ne répondant pas à leurs besoins multiples. Des produits caractérisés par un champ d’utilisation limité, un coût élevé et une orientation vers des opérations ponctuelles et instantanées.
Ceci dit, dans son ouvrage, les banques islamique : entre la théorie et la pratique, le docteur ACHRAF MOHAMED DAOUABEH analysant des statistiques publiées par un certain nombre de banques islamiques notamment en Egypte, Jordanie, Koweït, Arabie Saudi, E.A.U, Soudan, Pakistan, arrive à des conclusions pertinentes et intéressantes à observer :
D’abord, les dépôts de la clientèle des banques islamiques sont de courte durée et en devises étrangères, ce qui les rend extrêmement volatiles et instantanément exigibles. Donc les banques doivent les garder en actifs liquides afin de faire face à toute demande de retrait ou de désinvestissement.
Ensuite, les financement des banques islamiques sont orientés, de faite, vers les placement à courte durée «opérations d’exploitation », excluant, là également de faite, les financements de longue durée «opérations d’investissement».
Enfin, une conclusion, qui, à mon avis, est dépassée par la croissance de la finance islamique et son développement, à savoir, la faiblesse des investissements islamiques dans les titres financiers, ce qui pénalise fortement la croissance économique tirée par les marchés financiers. Cette conclusion, qui était d’actualité à l’époque de l’édition de l’ouvrage, est effacée ces dernières années par le développement de ce qu’on appelle les «SOUKOUK», une sorte d’obligations financières conformes aux règles islamiques : les Soukouk subissent le risque des marchés dont ils découlent, ils ne donnent pas droit à un intérêt fixe, ils donnent droit à une partie du bénéfice et le cas échéant, supportent une partie des pertes.
Donc, toute tentative de création, de développement et d’encouragement de cette finance en Algérie devra être inspirée des trois motivations citée en haut, prendre en considération ces trois conclusions et enfin, prendre comme objectif, l’amélioration de tout le cadre bancaire et financier en Algérie.
Certains se posent sûrement des questions sur le comment et les prédispositions à prévoir afin de rendre efficace et efficiente cette option, surtout que du point de vue macro économique, l’Algérie est totalement à l’aise et libre d’agir comme elle le veut. En premier lieu, l’aspect juridique régissant toute l’activité bancaire et financière doit intégrer les opérations dites islamiques, fixant ainsi un cadre légal définissant les obligations de tous les intervenants. Donc, le code de commerce devra être revu et élargi pour englober tous les produits de la banque islamique. Les études notariales doivent intégrer ces opérations spécifiques et nouvelles pour préserver les droits des opérateurs activant dans ce domaine. Les juges doivent être formés aux litiges pouvant naître de cette activité.
En second lieu, les aspects comptables et fiscaux doivent également être modifiés pour intégrer et gérer ce segment, surtout concernant les flux physiques engendrés par l’activité des finances islamiques. En effet, le code fiscal doit définir clairement ces produits et leur gestion fiscale, le plan comptable doit prévoir des comptes nouveaux pour ces produits nouveaux.
En dernier lieu, les moyens d’encouragement et de stimulation de cette nouvelle finance doivent être étudiés et adaptés à la réalité algérienne. On peut citer notamment:
La création d’une autorité morale et légale pour superviser ce marché, le réglementer et apporter les correctifs adaptés à chaque fois que cela est nécessaire.
Une autorité qui regrouperait l’autorité monétaire nationale «Banque d’Algérie» et une autorité religieuse «soit le Ministère des Affaires Religieuses soit le Conseil Islamique Supérieur». Ce qui garantira la conformité des opérations à la loi nationale et à la loi islamique. La défiscalisation de certains produits d’investissement et de certains produits de financement destiné aux secteurs stratégiques «secteur de la santé, secteur agricole, hygiène, les énergies renouvelables, projets écologiques, etc...». Ce qui garantira un développement soutenu de ces secteurs stratégiques avec un important effet de levier sur toute l’économie nationale, tout en octroyant des avantages fiscaux et para fiscaux aux opérateurs qui s’y investissent. La création de liens et d’interfaces informatiques de dimension et de standard internationaux afin de permettre la fluidité et la circulation des capitaux engendrés par ces opérations.
Ce qui assurera la disponibilité immédiate et l’accès rapide à la plateforme mondiales aux investisseurs étrangers intéressés.
D’autres propositions peuvent être faites, surtout celles ayant trait aux aspects juridiques, fiscaux et comptables par nos experts et nos spécialistes afin d’enrichir ce sujet à la fois nouveau et intéressant sur tous les plans. Les bonnes volontés ne feront qu’éclairer nos esprits.