Recyclage et valorisation des déchets : une nouvelle révolution industrielle est devant nous
Chaîne de tri des déchets issus de la collecte sélective (Centre de Tri de Lons-le-Saunier) Crédit : Suez

Recyclage et valorisation des déchets : une nouvelle révolution industrielle est devant nous

L’enjeu de la gestion des déchets en France pour les années à venir est immense : la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) prévoit de réduire de 50 % les déchets admis en installations de stockage d’ici 2025. Ce sont plus de 8 millions de tonnes qui devront trouver dans les années à venir une nouvelle voie de valorisation, prioritairement matière, mais aussi énergétique. Mais sommes-nous prêts à absorber ces volumes ? Avons-nous toutes les solutions techniques et les sites industriels permettant de garantir une valorisation et un recyclage pérenne et de qualité ? Ces questions d’actualité actuellement débattues par les pouvoirs publics sont essentielles ; une chose est sûre, la dimension industrielle, déjà bien engagée dans notre pays, va devoir encore s’accélérer et sera clé pour réussir le pari de l’économie circulaire.



Lorsque l’on parle de recyclage des déchets, on pense souvent au geste du citoyen qui doit trier ses déchets en les déposant dans les bonnes poubelles, en les amenant dans une déchetterie ou en les compostant localement. On pense aussi aux metteurs sur le marché qui doivent intégrer plus en amont de l’écoconception ou organiser des dispositifs de réemploi ou de lutte contre le gaspillage. On pense aussi aux matières recyclées, telles que le papier ou le plastique qui sont réutilisées dans la fabrication de nouveaux produits.


Mais entre ces deux maillons, amont (producteurs de déchets) et aval (consommateurs de matières premières recyclées), on oublie souvent le volet industriel de la chaîne. En effet, fabriquer du plastique recyclé, de l’acier recyclé, du cuivre recyclé, de papier recyclé… nécessite que les déchets correspondants aient été préalablement triés, criblés, broyés, lavés et découpés en paillettes ; des activités qui se déroulent dans des usines de recyclage qui constituent des sites industriels dotés des technologies les plus avancées.


Des sites souvent méconnus, même si les opérateurs qu’il soient publics ou privés, organisent des journées portes ouvertes spécifiques pour le grand public.

Et pourtant, des sites essentiels dans la chaine du recyclage sans qui la boucle de l’économie circulaire ne serait pas bouclée.


La France dispose d’ores et déjà de nombreuses usines, qui se sont construites progressivement depuis une quinzaine d’années. Leur défi d'aujourd’hui et de demain est d’optimiser leur fonctionnement, en massifiant les flux, en créant des ruptures technologiques ou en intégrant des innovations.

Les acteurs opérateurs sont prêts pour relever ce défi, mais attendent encore des pouvoirs publics une stabilisation du cadre d’intervention (fiscal, consignes de tri, qualité des matières produits, soutien…) condition de la réussite du pari de l’économie circulaire, comme une économie nouvelle et durable.


En trois ans, la réglementation a engagé une dynamique positive et vertueuse, qui pousse à transformer le visage des sites industriels de tri et de recyclage des déchets.

Du côté des déchets ménagers, l’extension des consignes de tri se déploie et devra concerner d’ici 2022 tout le territoire français. Pour le citoyen, cela signifie que les pots de yaourts, barquettes, films alimentaires, autrefois déchets ultimes sont désormais acceptés dans la poubelle jaune - ou pourront prochainement l‘être. Pour les industriels, cela signifie que ces déchets rejoignent des centres de tri qui doivent s’adapter et se moderniser pour être capable de trier correctement ces nouveaux types de déchets et de plastiques en particulier. Pour ce faire, d’importants investissements et campagnes de travaux ont été lancés afin de mettre en œuvre les technologies de reconnaissance des matières les plus avancées (courant de Foucaud, rayons X, capteurs optiques, infrarouge…). Par exemple, ce sont 15M€ que SUEZ a investi pour adapter à ces nouvelles consignes de tri son centre de tri de Limeil Brevannes (94) qui traite 50 000 tonnes d’emballages par an.


Pour les déchets d’activités économiques et les déchets industriels, on constate la même volonté de de recycler de nouveaux types de déchets. A titre d’illustration, SUEZ vient d’élargir sa gamme de plastiques recyclés en mettant en service, il y a quelques semaines, une nouvelle ligne de films plastiques industriels et commerciaux. Sur son site de Landemont (49), SUEZ valorisait jusqu’alors uniquement les films et housses plastiques issus du secteur agricole. Une troisième ligne de recyclage vient d’être inaugurée et permet à présent de traiter 6 500 tonnes par an de films en plastique post consommation (films de suremballage, films de palettes, de pack de boisson, sacherie, …) et de produire 5 400 tonnes de granulés PEbd (polyéthylène basse densité).


L’adaptation de ces sites industriels poussée par la réglementation, nécessite des investissements significatifs, portés soit par les collectivités locales, soit par des acteurs privés.


Des métiers transformés en profondeur 

La dynamique est lancée : il nous faut donc recycler davantage nos déchets d’aujourd’hui, mais aussi nous préparer à recycler nos déchets de demain, un gisement de plus en plus complexe car les matières des industriels sont de plus en plus sophistiquées. Nous travaillons déjà activement à imaginer et mettre en place les filières qui vont devenir indispensables pour valoriser les batteries lithium-ion, un marché qui va fortement croître dans les prochaines années, ou les pales d’éoliennes en matière composite dont la 1ère génération arrive en fin de vie. Nous devrons aussi trouver des solutions pour tous les nouveaux matériaux qui apparaissent : bioplastiques, plastiques multicouches ou renforcés, alliages métalliques inédits combinant aluminium, magnésium et silicium, notamment dans l’automobile…

Et pour tous les déchets qui ne peuvent pas être recyclés aujourd’hui, il nous faut également innover en développant de nouvelles voies de valorisation énergétique telle que la filière CSR (Combustible Solide de Récupération). Un combustible de récupération valorisé en cimenterie ou dans des chaufferies dédiées alimentant en énergie verte des installations industrielles, en substitution d’une énergie fossile.

Pour chaque nouveau flux, un process de traitement et de recyclage devra être trouvé et mis en œuvre ; de même l’augmentation des volumes nous impose de gagner en productivité. Deux facteurs qui dynamisent et transforment en profondeur l’industrialisation de nos métiers.

En allant plus loin dans le recyclage et la valorisation énergétique des déchets nous devons en effet innover, intégrer davantage de digital dans nos process, des capteurs, mais aussi des robots, de l’intelligence artificielle. De nombreux tests et pilotes sont en cours sur nos usines pour mettre au point ces nouvelles technologies qui seront déployées demain. Cette automatisation de nos process aura aussi la vertu de réduire la pénibilité de certaines tâches pour nos opérateurs et d’améliorer la sécurité de nos sites.

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Des mesures nécessaires pour rentre l’équation de l’économie circulaire cohérente

Nous le savons, cette modernisation de nos activités nécessitera de lourds investissements. Pourtant le contexte actuel ne nous procure pas la visibilité long terme suffisante pour les envisager sereinement. La règlementation et la fiscalité de nos activités sont en pleine évolution, les cours des matières premières sont particulièrement volatiles et la concurrence s’envisage désormais à une échelle internationale.

Pour trouver l’équilibre indispensable entre les 3 maillons indissociables que sont les producteurs de déchets, les professionnels de la valorisation et du recyclage, et les utilisateurs de matières premières recyclées ou d’énergie verte produites à partir de déchets, un certain nombre de mesures sont nécessaires : favoriser l’éco-conception pour faciliter le recyclage d’un plus grand nombre de matières ; mettre en place une obligation de réincorporation de matières recyclées dans les produits ; réduire les contraintes et prévoir des aides pour développer la filière CSR ; stabiliser le cadre fiscal …etc…



Le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui sera prochainement examiné à l’Assemblée, donne aux pouvoirs publics l’opportunité de prendre ces décisions essentielles pour rendre cohérente l’équation complexe de l’économie circulaire. Une équation qui dépend aussi de la volonté de chacun d’entre nous, en tant que citoyen et en tant que professionnel, d’en être un acteur engagé.

Émilie Chalvignac🐿️

#RSE #impact #Consommation & Commerce responsables #ODD #coordinatrice de communautés #fan des fresques

5 ans

Bonjour Philippe Maillard. J'ai trouvé votre article passionnant. Seriez-vous partant pour partager vos enseignements sur l’adaptation en cours des sites industriels lors de notre conférence "vers un commerce circulaire" le 12/12? mon mail emilie.chalvignac@institutducommerce.org

Mickael PICQ

Resp. Business Unit Nucléaire - Automatisation des process nucléaires robotisés - Démantèlement - Tri de déchets - IA

5 ans

Voici un sujet qui pourrait vous intéresser Hervé Henry ! Les technologies de vision et d’AI auront un rôle important à jouer pour traiter ces importants flux de déchets de le meilleure façon possible !

Mickael Charpentier

Responsable Exploitation Eau Industrielle - Eau Potable chez SUEZ Eau France

5 ans

Résumé clair et complet pour planter le décor complexe de ce qui nous attend. La problématique déchets est certainement notre défi à relever le plus excitant de ces prochaines années. L'effort à produire est, on le sait, conséquent. Espérons que nous serons au rendez-vous. Personnellement je rêverais de voir un test pilote à l'échelle d'une communauté de communes, d'un département puis d'une région, pour évaluer la faisabilité des futures filières de collecte et revalorisation.

Renaud GILLES

OH - HO - EAU (Only Human - Human Only ! - Earth And Univers)

5 ans

Si les centres de tri s'automatisent de plus en plus vu la complexité des produits, il ne faut pas oublier de  préparer la transition des personnes qui travaillent dans ces centres dont certains ont un rôle social non négligeable. Il me semble aussi que la fermeture de certains sites industriels pourrait être exploitée pour participer au développement de la chaîne du recyclage.

Mohamed BOUCHIBA

Installations industrielles- Intégrations nouvelles technologies-Assistance technique et Ingénierie

5 ans

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