REFLEXIONS. Ils veulent nous faire boire le bouillon.

Un remède sert généralement à soigner une pathologie, et le QE était utile pour résoudre les problèmes de liquidités dans les années 2009 et durant la crise européenne, pour offrir un acheteur marginal quand la baisse des taux ne suffisait plus. Or une fois la crise passée, le maintien de cet excédent a conduit les liquidités à alimenter la reflation des actifs financiers, immobiliers, et des actifs réels, de l’art en passant par les voitures de collection. Aussi le Monde croulant déjà avant la pandémie sous les liquidités, pourquoi en rajouter ?

Jusqu’alors l’outil des baisses de taux avait suffi à redonner aux acteurs privés ou publics l’appétit du risque, pour acheter des actifs dépréciés, jusqu’aux années 90; mais c’était quand la finance était marginale, les crises étaient alors économiques (excès d’offre, faiblesse de la demande) ou bancaires (risques pays des marchés émergents / faillite des collectivités locales anglaises début 90). Nous n’avions alors pas besoin que quelqu’un prenne par la main les acteurs économiques, plonge en premier dans l’eau pour montrer que l’on a pied afin qu’ils osent y aller : comme plus personne aujourd’hui ne veut se mouiller, ce qui est paradoxale considérant qu’ils cherchent tous du liquide, il leur faut non pas un radeau de secours, ou une bouée mais l’assurance que là où ils mettront les pieds sera de moins en moins profond, pour que l’on termine tous tranquillement à barboter dans le petit bain. Et alors de faire le héros. Comme à chaque fois depuis 10 ans que les marchés ont rebondi sur l’annonce d’un QE.

Cette fois-ci, le mal est différent. Pourquoi utiliser cet antibiotique de la finance, le QE, plutôt que de rechercher à sanctuariser, ie confiner le coût du risque financier de cette crise. Chaque crise impose son lot d’innovations, et nous avions donc eu en plus des QE, les euro-obligations dans les années 60, les DTS dans les années 70, les EMTN ou Euro CP dans les années 80, la baisse des taux dans les années 90 en même temps qu’une hausse du levier financier permis par les banques centrales et leur baisse des taux. Mais surtout nous avions à chaque crise un acheteur marginal, les Petro-économies (Moyen-Orient) dans les années 70, le Japon dans les années 80, l’Asie émergente dans les années 90, la Chine et le Moyen-Orient dans les années 2000. Avec à chaque fois une croissance de plus en plus forte de l’effet de levier des acteurs financiers des pays développés (les banques dans les années 70 et 80 auxquels se sont ajoutés les hedge funds ensuite), encouragés par des taux et des volatilités en baisse, et un développement des prêts financiers de la part des banques au détriment des prêts aux acteurs de la sphère réelle (industrie, agriculture, services). Toujours plus de joueurs autour de la table donc, ou au moins il y avait toujours quelqu’un pour jouer.

Or qui sont aujourd’hui les acheteurs marginaux ?

  • Le Moyen-Orient est en phase de traverser la plus grave crise financière de son histoire.
  • Le Japon a besoin d’absorber déjà sa propre dette, la croissance est en berne, l’épargnant comme le consommateur berné, la BOJ bornée.
  • La Chine fait face à une montée des boucliers protectionnistes, alors même qu’elle doit anticiper un risque crédit local. En outre voudrait-elle acheter des actifs étrangers qu’elle le peut de moins en moins.
  • Les pays émergents sont entrainés par la chute des matières premières.
  • Resterait donc plus que les caisses de retraite et fonds de pension des pays développés, pour acheter des actifs financiers à duration longue, à taux d’intérêts négatifs, instituant de fait une sorte de CSG cachée sur les retraites. Le stock ancien pouvait être absorbé par eux, jusqu’en janvier 2020, pas les émissions nouvelles liées à la pandémie.  

Et si nous n’avons pas d’acheteur marginal des actifs recyclés que les banques centrales remettront sur le marché un jour ou l’autre, il ne resterait alors que les banques centrales pour se racheter leurs actifs les unes les autres, un entre-soi des plus rassurant... Ce serait la seule solution en même temps qu’un appel patriotique à tous les épargnants pour qu’ils transforment leur épargne court terme (celle de précaution) en créances long terme. En assignats par exemple. Ils ont bien servi il y a 225 ans eux-aussi à financer une guerre s’appuyant sur un sous-jacent, les Biens Nationaux dont la valeur faciale était surévaluée. Avec le succès que l’on connait. Recommençons. Il va être difficile cependant de vendre de nouveaux les biens du clergé, il va falloir trouver d’autres actifs réels. Les Etats n’en ont plus beaucoup, raison pour laquelle le bouillon proposé contre notre liquide est si clair.

Seules solutions :

1)    La nationalisation d’actifs pour les proposer en garantie sur les prêts.

2)    Un nouvel impôt sur la fortune, mis en place globalement, comme le FMI l’envisageait dernièrement.

3)    L’appropriation de données intangibles (les données de votre vie virtuelle) qui appartiennent aujourd’hui au GAFAM, pour les leur et à d’autres relouer ensuite.

Le droit de propriété a déjà été battu en brèche depuis 15 ans dans la manière dont nous avons accepté de donner nos données personnelles. Ne serait-ce pas juste une réappropriation plutôt qu’une expropriation ?

Le débat est lancé mais dans un univers où l’intelligence artificielle va gérer notre vie, nul doute que notre intelligence vaut plus que seulement d’être digne d’un don. Car dans l’histoire n’est-ce pas nous le dindon ?

A demain.

Laurent

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