[#RegardCroisé] “Covid-19 et après ? Un nouveau cadre de collaboration pour la Santé”
J’ai souhaité m’entretenir avec Catherine Rives, Directrice Générale d’UCB France pour partager avec vous nos convictions sur les perspectives post Covid-19 du monde de la Santé. Ensemble, nous avons échangé notre regard sur le sujet de l’attractivité de la France et des perspectives européennes, et appelons à construire un nouveau leadership de la santé pour répondre aux enjeux de demain.
Une industrie à raison d’être
Catherine et moi sommes à la tête des filiales françaises de deux laboratoires pharmaceutiques. Nous incarnons d’un côté une entreprise américaine (Pfizer), et de l’autre une entreprise européenne (UCB). Notre vision croisée s’accorde sur la nécessaire accélération de partenariats comme un atout stratégique majeur de la construction de l’avenir de la santé post covid-19.
Nous avons en effet la chance d’appartenir à une industrie à raison d’être qui, si comme toute entreprise, répond à des objectifs économiques, se doit essentiellement d’apporter des médicaments innovants et utiles aux patients. “Sauver des vies”, voilà notre ADN ! Cette mission commune est partagée avec l’ensemble des acteurs de la santé (corps médical et chercheurs, centres d’excellences, agences et pouvoirs publics, industriels).
C’est ce que rappelait récemment encore un article de Forbes qui revient sur “la course” pour la recherche d'un vaccin contre la Covid-19 : “we will get past this pandemic and the industry will again be bringing forward new life-saving medicines.“
L’innovation : notre dénominateur commun pour collaborer
S’il est aussi vrai que la biopharmaceutique est à la croisée de plusieurs enjeux extérieurs à son écosystème (politiques, économiques, juridiques et sanitaires), son plus grand défi réside dans la R&D de médicaments innovants et dans leur accessibilité par les patients.
Coûteuse et risquée, incompressible dans son temps de recherche, la R&D impose une industrie profitable et dynamique. Et, c’est bien la crise qui nous le rappelle à tous ! Car c’est plus d’un milliard de dollars qui ont été nécessaires, par exemple, à Pfizer pour investir dans son programme Covid-19 sans aucune garantie de succès. Mais c’est aussi vrai pour les autres laboratoires.
Dans ces délais hors du commun de crise sanitaire, nous ne pourrons pas trouver seuls un vaccin préventif contre le coronavirus mais c’est bien au travers des alliances et de partenariats scientifiques qu’un horizon se dessine. Pour cela, les laboratoires ont besoin d'un meilleur cadre de collaboration avec les forces vives des pays et des nations capables d’unir les centres de recherche, les autorités publiques, les parties prenantes en santé, de manière à être moins bureaucratique, plus digitalisé, plus efficient, avec un accès plus rapide à l’innovation.
Nous y voyons une période charnière pour le secteur de la santé, recentrée autour d’un dénominateur commun : l’innovation.
Autre exemple, UCB a annoncé la création d’un fonds mondial pour aider les chercheurs et les organisations à mieux comprendre et aborder l’impact à moyen et à long terme du Covid-19 sur des populations vulnérables. Doté d’une contribution initiale de 3 millions d’euros par UCB, ce fonds est ouvert aux contributions volontaires.
Construire un cercle vertueux de la collaboration
La recherche d’un vaccin et de traitements contre la Covid-19 illustre parfaitement cette vision moderne d’organisations coopératives s’organisant autour d’un cercle vertueux : entreprises pharmaceutiques, monde universitaire et autorités locales et entreprises technologiques des sciences de la vie (les bioTech).
Avec Catherine, nous pensons ainsi que la coopération a plus de valeur et d’impact à long terme, en étant fondée sur un capitalisme moral.
C’est l’exemple récent initié en France avec la “Coalition Innovation Santé - crise sanitaire”. Créée dès le 25 mars dernier, elle représente un groupement de plusieurs entreprises du public et du privé (dont Pfizer et UCB font partie) ayant pour objectif d’investir dans des solutions innovantes qui permettront de soutenir le système de soins soumis à de fortes tensions en période de crise et d’organiser la continuité des soins notamment pour les patients atteints de maladies chroniques (cancers, diabète, maladies cardiovasculaires, pathologies inflammatoires chroniques…).
Cette bataille contre la Covid-19 révèle aussi combien faire collaborer Science et Autorités publiques n’est pas chose aisée. L’urgence de la crise a été à cet égard un profond accélérateur de changements pour une bureaucratie parfois désavantageuse.
Elargir le paradigme de la relocalisation et repenser la souveraineté sanitaire au-delà de la production
Comme le dit ma consœur Catherine, il faut aujourd’hui avoir une approche de la biopharmaceutique de “bout-en-bout”, avec une vision holistique de l’ensemble de la chaîne de valeur de l’industrie. Dans une époque à la fois très fragmentée et mondialisée, il faut comprendre que parler de relocalisation des médicaments demande non seulement pour les nombreux acteurs de l’industrie d’inverser les paradigmes de la production mais aussi de repenser une souveraineté sanitaire où l’on vient relocaliser également la recherche de molécules innovantes ou encore l’accès au patient.
L’excellence de la recherche dans l’innovation a un effet de traction essentiel aujourd’hui pour structurer le monde de la santé de demain. Elle est propulsée d’une part, par l’amélioration des connaissances dans la biologie de ces cinq dernières décennies - à l’instar de la thérapie génique - et d’autre part, par la Technologie avec les BioTech.
Ce besoin de coalitions plus fortes et plus efficaces au niveau Français mais aussi Européen n'existait pas dans cette dimension avant la période Covid-19. Il a été accéléré par la crise sanitaire, est devenu une évidence incontestable. C’est un des acquis de la crise qu’il faut encore structurer et amplifier. Ainsi, un peu à l’image du Fonds d’investissements mondiale contre l’antibiorésistance, ces alliances interdisciplinaires (comme avec la thérapie génique et ses technologies des sciences de la vie) pourraient servir de tremplin à de nombreuses autres thérapies au regard de futures pandémies ou de futures crises. Plus encore, elles pourraient être la voie pour un nouveau leadership de la santé dirigé vers un niveau de collaboration inédit. Loin de nous étendre sur le débat d’une Amérique qui devrait être plus europhile ou d’une Europe davantage américanophile, les convergences de nos deux points de vue partent avant tout d’une bonne compréhension des uns et des autres. Si l’échelle américaine peut, par exemple, servir d’inspiration en termes de puissance d’investissements, d’accès à l’innovation, la stratégie partenariale menée en Europe entre entreprises et/ou institutions publiques-privées trace l’avenir de la Santé de demain. Et c’est peut-être là notre avenir !
#Leadership4Health #CollectiveImpact4Health