Rejet de l’action en diffamation et nullité de la plainte avec constitution de partie civile

La Cour de cassation confirme la décision des juges d’appel qui ont rejeté l’action en diffamation pour n’avoir respecté l’article 50 de loi de 1881.

Le conseil de l'Eurométropole de Strasbourg a pris une délibération pour l'apurement périodique des comptes entre l'ordonnateur et le comptable, en admettant en non-valeur un certain nombre de créances détenues par l'Eurométropole sur des débiteurs dont l'insolvabilité ou la disparition était établie et en prévoyant, notamment, une remise gracieuse au bénéfice du requérant (M. B) ainsi libellée : « agent contractuel dont le contrat n'a pas été renouvelé, [il] bénéficie actuellement de l'allocation retour à l'emploi (ARE), versée par la collectivité et de l'aide à la reprise ou la création d'entreprise (ARCE) ».

Ayant découvert, le 29 août 2017, en inscrivant son nom dans un moteur de recherches, que cette délibération était en ligne, l'intéressé, estimant que ce texte, aussi affiché, selon lui, depuis le 4 juillet 2017 au centre administratif de l'Eurométropole, portait atteinte à son image dès lors qu’il n'était ni insolvable ni disparu.

Après avoir tenté, sans succès, de régler le litige à l'amiable, il a déposé une plainte simple, le 6 septembre 2017, pour diffamation publique envers un particulier, complétée le 10 novembre suivant par une déclaration ayant pour objet de signaler que le texte en cause était toujours en ligne.

Après que la plainte a été classée sans suite par le procureur de la République, aux motifs que, si les faits constituaient bien une infraction, le délai fixé par la loi pour pouvoir les poursuivre était expiré, le requérant a porté plainte et s'est constitué partie civile, le 29 novembre 2017 pour diffamation, en y joignant celle qu'il avait déposée les 6 septembre et 10 novembre 2017 ainsi que l'avis de classement sans suite.

Le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de refus d'informer. La chambre de l'instruction a confirmé la décision du premier juge.

Le pourvoi en cassation est fondé sur violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 29 alinéa 1er, 32 alinéa 1er, 50, 65 de la loi du 29 juillet 1881, 6, 86, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, contradiction de motifs, insuffisance de motifs.

Il est rejeté par la Cour de cassation au motif suivant : « Après avoir rappelé les termes des articles 86 du Code de procédure pénale et 50 de la loi du 29 juillet 1881 et indiqué que, selon le conseil du plaignant, en plus d'un affichage au centre administratif le 4 juillet 2017, cette délibération a été mise en ligne courant août 2017, le plaignant l'ayant lui-même constaté à la date du 29 août 2017, l'arrêt relève que la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. B. ne mentionne que le mot diffamation, sans indiquer si celle-ci est publique ou non, ni reprendre les propos considérés comme diffamatoires ni mentionner le texte applicable et la sanction encourue. Ils en ont déduit que cet acte étant irrégulier, il n'a pu interrompre la prescription de l'action publique ».

Elle en déduit que « la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les stipulations conventionnelles et les dispositions légales invoquées ».

Elle rappelle que « pour pouvoir mettre l'action publique en mouvement dans le cas des infractions à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la plainte avec constitution de partie civile, qui fixe irrévocablement l'objet, la nature et l'étendue de la poursuite, doit répondre aux exigences de l'article 50 de la même loi, lequel assure un juste équilibre entre les droits des victimes d'infractions de presse et les droits de la défense ».

Elle rappelle également « les juges saisis d'une plainte avec constitution de partie civile ne contenant pas les mentions prescrites par ce texte, dont les insuffisances ne sont réparées ni par une plainte simple préalable ni par le réquisitoire de refus d'informer du ministère public, n'ont d'autre pouvoir que d'en constater l'irrégularité et sont fondés à refuser d'informer, les faits dénoncés ne pouvant comporter légalement une poursuite pour une cause affectant l'action publique » (Cass. crim. 17 sept. 2019, n°18-86.261, F-D).

On rappellera, à rester sur ce même terrain, que selon l’article 53 de la loi de 1881, applicable devant la juridiction civile, pour que la citation introductive d’instance soit considérée comme régulière, elle doit préciser et qualifier le fait incriminé. Elle doit indiquer le texte de loi applicable à la poursuite. A défaut de satisfaire à ces exigences, sa nullité doit être prononcée (voir par ex. Cass. crim. 14 nov. 2017, RLDI 2017/143, n°5124 ; Cass. 1ère civ.22 févr. 2018, RLDI 2018/146, n°5182).


Diffamation et injures publique : extinction de l'action publique par la prescription

Pour la Cour de cassation, c’est à juste titre que les juges d’appel ont constaté extinction de l'action publique par la prescription.

Cass. crim. 17 sept. 2019, n°19-81.872, F-D

Le plaignant (M.H.) a porté plainte, le 15 mai 2017, et s'est constitué partie civile contre le défendeur pour diffamation et injure publiques envers une personne à raison de son orientation sexuelle. Le doyen des juges d'instruction, par une ordonnance en date du 27 février 2018, a constaté l'extinction de l'action publique par la prescription. La chambre de l'instruction a confirmé cette ordonnance.

Elle l’est également par la Haute juridiction qui rejette le moyen fondé sur la violation des articles 50, 85, 86 de la loi du 29 juillet 1881 et 102 du Code de procédure civile. Celui-ci critiquait l'arrêt d’appel en ce qu'il a constaté l'extinction de l'action publique par la prescription, alors que la procédure antérieure, qui s'est achevée par l'arrêt du 21 avril 2017, a suspendu l'action publique.

Pour confirmer la décision du premier juge, « l'arrêt relève que, d'une part, la plainte avec constitution de partie civile du 27 mai 2016, ayant été irrégulière et définitivement déclarée irrecevable, n'a pu avoir d'effet suspensif et interruptif de la prescription des faits dénoncés, d'autre part, la plainte avec constitution de partie civile du 15 mai 2017, qui vise, à nouveau, les mêmes faits de diffamation et injure publiques à caractère homophobe, réputés avoir été commis les 7 et 8 mai 2016, a été déposée plus d'un an après les faits dénoncés ».

Pour la Cour de cassation, en se prononçant en ce sens, la cour d'appel a justifié sa décision.

Et de rappeler qu’ en matière de presse, une partie civile ne peut se prévaloir d'une suspension du délai de prescription résultant d'une procédure ayant abouti à un refus d'informer en raison de l'irrégularité de la plainte initiale.


OBSERVATIONS

Ce contentieux nous donne l’occasion de rappeler que l'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la loi de 1881 se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait (voir en dernier lieu, Cass. crim., 19 févr. 2019, RLDI 2019/158, n°5378).

On rappellera aussi que la prescription de l'action publique, même quand elle est régie par l'article 65, constitue une exception péremptoire d'ordre public qui doit être relevée d'office par le juge. La faculté de présenter une demande d'acte au juge d'instruction étant offerte à la partie civile après l'ouverture de l'information, celle-ci dispose d'un moyen de droit pour obliger le juge d'instruction à accomplir un acte interruptif de prescription.

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