Rejet du projet de règlement Européen SUR sur l’utilisation durable des pesticides : et si on repartait sur de bonnes bases ?
Pour des raisons parfois diamétralement opposées, une majorité d’eurodéputés a rejeté le projet de règlement prévoyant une réduction de 50% des pesticides à l’horizon 2030. Le monde agricole ne peut que se réjouir de l’abandon d’un texte « mal calibré, irréaliste, non financé », pour reprendre les mots de Christiane Lambert. Et espérer que ce coup de théâtre soit l’occasion de reprendre le sujet de l’agroécologie par le bon bout
Contre toute attente, le Parlement européen a rejeté la proposition de la Commission européenne relative à l’usage durable des pesticides. Connu sous le nom de règlement SUR (Sustainable Use of pesticides Regulation), le projet prévoyait notamment de réduire de 50% l’usage des produits phytosanitaires conventionnels au sein de l’UE d’ici à 2030 par rapport à la période 2015-2017. Il constituait une pièce maîtresse des stratégies Farm to fork et Biodiversité, déclinaisons pour le secteur agricole du Pacte vert, la feuille de route de l’UE pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La raison de ce coup de théâtre ? Les eurodéputés qui défendaient le texte (dans sa version la plus dure) ont préféré le saborder, estimant que les amendements adoptés par une majorité de leurs collègues le dénaturaient. Une chose est certaine, il n’y aura pas de nouveau texte pendant ce mandat.
Est-ce « un jour sombre pour l'environnement et l'agriculture », comme l'affirme la rapporteure autrichienne du texte, Sarah Wiener (Verts) ? Rien n’est moins sûr pour le monde agricole, pour qui ce vote sanctionne un texte dogmatique et mal ficelé qui compromettait l’avenir de l’agriculture européenne. « Il est temps d’arrêter de jouer aux apprentis sorciers en matière de politique environnementale et de proposer des textes qui prennent en compte les réalités des agriculteurs sur le terrain », a réagi Anne Sander, élue du PPE, membre de la commission agriculture. Même satisfaction du côté de Christiane Lambert, qui porte la voix des agriculteurs et de leurs coopératives dans l'UE (Copa-Cogeca) : « Enfin ! Enfin le Parlement européen reconnaît que le règlement était mal calibré, irréaliste, non financé… Un pur texte idéologique ! »
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Ce projet avait effectivement tout pour hérisser les acteurs des filières agricoles. Des objectifs théoriques hors sol : pourquoi une réduction de 50%, et non de 30% ou 60% ? Aucune articulation entre cet objectif et les moyens de l’atteindre d’ici à 2030. On ne trouve rien, par exemple, sur l'homologation accélérée d'alternatives aux produits phytosanitaires conventionnels, comme les produits de biocontrôle. Rien non plus sur les nouvelles techniques de sélection variétale (NBT), qui permettraient d’obtenir des plantes plus résistantes aux maladies : elles font l’objet d’un autre projet qui sera examiné par le Parlement européen en février 2024. Rien non plus sur le financement de cette transition majeure. La commission Environnement du Parlement préconisait de la faire financer par la PAC… mais on ne trouve pas de financement spécifique dans son budget. Mais le plus grave, c’est l’absence de prise en compte des études d’impact, qu’elles soient internes à l’UE ou réalisées par des universités. Toutes pointent des baisses de production conséquentes, une hausse des coûts de production, une baisse des revenus des agriculteurs. Autant de menaces qui pèsent sur la souveraineté alimentaire de l’Europe alors que la guerre en Ukraine est loin d’être terminée.
A présent que le règlement SUR semble repoussé après les élections européennes, on peut se demander ce qu’il va advenir du plan Ecophyto 2030. Une chose est claire : le gouvernement français se retrouve dans une position inconfortable. S’il le lance comme prévu, il va alimenter le procès en surtransposition ; s’il l’ajourne, il va se faire accuser de « céder aux lobbies ». La solution serait peut-être qu’il reprenne sa copie. La transition agroécologique est largement engagée. Ce qui manque, c'est un plan ambitieux comme celui qui a été engagé pour la décarbonation de l'industrie. Il faut investir massivement dans l’agriculture, accélérer sur la R&D pour développer rapidement de nouvelles solutions de biocontrôle, pousser l’agriculture de précision, soutenir les nouvelles techniques génomiques… C’est en tout cas la stratégie de BASF Agro, qui vient de publier un point d’étape de sa feuille de route agroécologique. Un de nos objectifs est que le biocontrôle, le digital et les semences représentent un quart de notre chiffre d’affaires à l’horizon 2030.
Ce qu’attendent les agriculteurs de la part du gouvernement, c’est un cap, de la visibilité et de la considération. Ils réclament d’être étroitement associés aux décisions qui les concernent. Ils l’ont encore exprimé avec force lors d’une semaine d’action organisée par les Jeunes agriculteurs et la FNSEA avec pour mots d’ordre : « Pas de transition sous pression » ou encore « On marche sur la tête » ,campagne accompagnée d’une action bon enfant consistant à retourner les panneaux à l’entrée des agglomérations (souvent avec l’assentiment des maires concernés). Ne pas les écouter, ce serait prendre le risque de les désespérer et de les précipiter dans les bras des partis populistes, comme on vient de le voir aux Pays-Bas.
Consultant en projets innovants en Agriculture J’aide les PME dans leur developpement en France et Europe
1 ansBonjour Jean Marc Merci de cet article très intéressant sur la mise à jour de cette situation complexe ce que je retiens notamment dans ce qui est dit : "Ce qu’attendent les agriculteurs de la part du gouvernement, c’est un cap, de la visibilité et de la considération. Ils réclament d’être étroitement associés aux décisions qui les concernent. " Bernard
Science, Innovation, Agriculture.
1 ansBalanced and constructive comment Jean-Marc PETAT. Fully agreed.