Relogement ou expulsion ?
Évacuation de squatters ou relogement de personnes sans logis ?
L’enjeu du collège Maurice Scève
Dans une agglomération dirigée par des forces de gauche, sociale et écologique, nous avons le droit d’attendre un changement radical de paradigme. Nous avons aussi le devoir de le dire.
Nous savons qu’il est possible qu’une évacuation - expulsion au sens juridique – soit dans les faits une opération concertée de relogement, d’accès à un abri… Un pas vers l’avenir à partir d’une relation apaisée. Un travail préparatoire fondé sur une relation personnalisée avec chacun des occupants. Une recherche de connaissance de l’histoire et du parcours de chacun, de ses faiblesses et de ses atouts, qui contribue à un accompagnement renforcé surtout lorsque les solutions véritablement adaptées font défaut.
En remplaçant le sécuritiaire par le social, une démarche défendue par la gauche depuis la loi Besson (1990) et renouvelée ensuite par les lois de lutte contre les exclusions (1998) et du droit au logement (2007). Une démarche qui permettrait de transférer les sommes colossales consacrées à l’intervention policière (mobilisation sur plusieurs heures d’équipages, rémunération des huissiers, avocats et autres intermédiaires, coût des transports sécurisés,..) à la mobilisation d’acteurs du social pour accompagner les relogements.
Une manière de mettre fin aux affrontements stériles par une addition de compétences dans laquelle les solidarités et le professionnalisme font bon ménage. Sur la base du respect des droits et de la dignité des personnes.
Pourquoi vous dire cela, justement aujourd’hui ?
L’occupation du collège Maurice Scève devrait prendre fin dans les jours qui viennent. L’occupation de ce bâtiment vide du 4ème arrondissement est devenu emblématique.
Il faut ici rappeler que l’on peut considérer les occupations de lieux vacants comme l’aboutissement d’une absence de politique d’accueil choisie par l’Etat, la Métropole et un nombre certain de Collectivités depuis plusieurs années.
L’occupation a bénéficié d’un formidable élan de solidarité de voisinage. D’une mobilisation sans précédent d’élu.e.s et de services, de soutiens financiers directs ou indirects de la Collectivité et de l’Etat. Elle a été portée par les résidents eux-mêmes avec le très fort engagement des représentants médiateurs. Certes, elle a parfois fait l’objet de tentatives d’instrumentalisation heureusement restées sans suite.
A partir de ce capital social, humain, financier, il est nécessaire de mettre en adéquation cette histoire et ce qui devrait en être l’épilogue. Pour cela la fin de Maurice Scève occupé doit être la première opération de relogement qui prenne en compte effectivement la dignité des personnes : par une information précise de l’avenir, par une écoute individualisée, par la présence de référents sociaux, par l’examen concomitant des problématiques sanitaires individuelles, par la mise en œuvre d’un accompagnement fondé sur le respect des personnes.
Mettre un terme aux pratiques que nous avons combattues au cours des années passées
A partir de 1995, les pouvoirs publics dans notre agglomération ont volontairement orienté leurs actions vers une négation des besoins pour se concentrer sur l’évitement. Avec le soutien d’une partie du secteur associatif acquis, nolens volens, à l’idée qu’il fallait limiter le nombre de pauvres primo-arrivants, que l’on disait le plus souvent aiguillés par les départements voisins vers la Capitale des Gaules.
« A Lyon nous sommes capables de bien accueillir, les autres doivent faire de même ! » à partir de ce fil conducteur les hommes et les femmes les plus pauvres, étrangers, sans droit, ont été orientés (avec leurs enfants) vers les formes d’habitat les plus marginales. Et le sans abrisme familial s’est installé dans l’agglomération lyonnaise à partir de ces années là, jusqu’à la totale banalisation que nous connaissons aujourd’hui.
Le squat, le bidonville, toutes les formes d’habitat de fortune ont poussé sur ce terreau.
Au fil des années, je me suis trouvé impliqué dans ces histoires qui se déroulent de manière identique. Un film dont les versions successives se ressemblent et, même gagnées, par l’usure sont de plus en plus mauvaises.
J’ai participé à beaucoup de ces films ; acteur, figurant, machiniste, une ou deux fois producteur même. Les souvenirs sont nombreux, squat IVECO dont les occupants sont dispersés sur la France entière, Vaise-Saint Rambert d’où ils partent vers nulle part, site de la Gare de l’Est où la ville n’a jamais voulu rétablir l’eau mais on n’a pas compté le nombre de policiers mobilisés pour le départ des plus pauvres. Et puis il y a eu Villeurbanne et Vaulx-en Velin, une dispersion sur tout le territoire sans un regard pour les personnes (c’est aujourd’hui une jeune fille de 20 qui porte encore les conséquences d’une maladie infantile non soignée : elle était née dans la semaine de l’expulsion).
Alors ? Demain on fait autrement ?
Demain on évoque l’hospitalité, l’accueil.. ces notions qui ont fait défaut dans nos modes de gestion et d’interventions. Ce ne sera pas plus coûteux, bien au contraire. Les quelques expériences positives (Villeurbanne (1998), le Parc des Rives (2001) et toutes celles que je ne connais pas parce que ce qui fonctionne est rarement mis en avant le démontrent.
Nous avons aujourd’hui par la présence d'élu.e.s qui en sont les garant.e.s la chance de pouvoir rendre visibles nos valeurs de manière très concrète. Ne la gâchons pas.
André GACHET
18 octobre 2020
Chargée de missions chez ALPIL
4 ansMerci André de rappeler que l'histoire se répète certes, mais que surtout elle peut se recomposer selon les choix et décisions des acteurs en présence...et que derrière ce sont toujours des vies et des individus qui sont impactés.
Directeur adjoint Enfance (prévention et protection de l’enfance)
4 ansBonsoir c’est très bien dit. Il y a deux ans j’ai participé au jury citoyen Accueillir à Villeurbanne (sans abris, étrangers ...) à #villeurbanne avec Cédric Van Styvendael Ils ont réussi à faire émerger des idées citoyennes et surtout les co construire avec le CCO Villeurbanne Le PHARE vient de sortir de terre ça mériterait de s’en inspirer autant pour la démarche citoyenne que pour le projet Néanmoins Ce n’est pas qu’une question de gauche c’est pas si simple ! Bon courage